Capsules, came et tracas
Lundi dernier, par la faute de la terrible circulation, surtout le tronçon Koléa-Bir Mourad Raïs, l’audience du très bon, magistrat n’a commencé que vers onze heures…
Comme d'habitude, la salle d'audience s'était avérée trop exigüe pour contenir l'effarante foule venue voir de près les évènements qui se sont déroulés la semaine écoulée. Parmi le monstrueux rôle du jour, figuraient, outre une affaire de moeurs qui devait passer à huisclos, une autre, sombre et grave, de trafic de came. Ra ouf Benbouza, le président de la section pénale, et le procureur de la République, Saïd Bourokba, étaient dans leur journée, puisqu' à onze heures vingt, la moitié du rôle fut évacuée, grâce au renvoi, dont plusieurs sur la demande des parties en présence, ou des avocats.
Grâce à un service d'ordre impeccable, la situation est vite maitrisée et les magistrats évoluaient comme des poissons dans l'eau. C'est ainsi que lorsque Amir. B. un plombier de forte corpulence, de trente-deux ans, fut appelé à la barre, la salle retint son souffle puisque le détenu, sur lequel le flic avait un oeil plutôt bienveillant, avançait à pas pesants, à une allure qui en disait long sur son état d'esprit.
D'abord, avant de décliner sa complète identité, à le voir ainsi debout, complètement arcbouté au- dessus de la barre, on n'aurait jamais pu fixer son âge tant il paraissait plus vieux ! Les marques sur sa face balafrée, démontrent si besoin est, que cet inculpé a dû passer une enfance ou au moins, une adolescence pleine de «trucs» pas beaux à décliner.
«Alors, vous voilà dans de beaux draps!» lança le jovial juge, qui a jeté cette remarque, histoire d'entrer dans le bain chaud qu'avait préparé l'inculpé lui-même. Le détenu releva sa tête, le procureur, qui suivait en silence les débuts des débats, et ses larges épaules, tourna deux fois le cou à sa gauche, en direction de Saïd Bouroukba, le parquetier, avant de marmonner timidement, et presque sur un ton inaudible: «Je regrette amèrement, Mr le président. J'ai été trompé, et même leurré, dès mon jeune âge. Vous savez, vivre dans les hauteurs de la capitale, ne vaut pas vraiment le coup et...Je...
-Quoi, quoi, ne répétez plus ce terme que vous venez de débiter. Dans la capitale, comme partout ailleurs, on peut vivre décemment, surtout pour ceux qui se réveillent très tôt, le matin, à la recherche d'un salutaire boulot. Quant à vous, vous ne sortez de chez vous que pour distribuer du poison, à nos enfants.
Ou bien pour aller du côté des établissements scolaires, inviter nos élèves et collégiens à prendre des cachets psychotropes, et commencer la douloureuse opération d'empoisonnement de notre jeunesse. Vous avez été surpris par un pur et heureux hasard par un jeune flic en ronde de routine.
Et lorsque le tribunal dit «par hasard», cela veut dire qu'Allah qui veillait à ce sensible et dangereux moment, a su arrêter net la criminelle entreprise, et donc su protéger nos innocents gamins!» jeta, au milieu de l'assistance, bouche-bée, devant tant d'audace.
Oui il fallait être audacieux, pour se trimballer aux alentours de l'établissement scolaire, avec dans les poches, plus de cent trente tablettes de trente cachets psychotropes, d'une redoutable marque chacune! «Si ce n'est pas du trafic de came, c'est quoi alors?» s'était exclamé le magistrat qui invita le procureur à requérir.
Bouroukba se leva aussitôt et déclara tout de go, que le moment était bien choisi pour le parquet de rappeler l'inculpation sur la loi 04-18, relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes.
Le parquetier avait fini de parcourir l'article de loi, avec les brûlantes demandes: douze années d'emprisonnement ferme.