«Le Pacte pour l'avenir» des Nations unies a souligné dans ses recommandations relatives à la paix et la sécurité dans le monde, l'importance du dialogue entre les protagonistes pour la résolution des conflits. Au niveau de chaque pays, le dialogue est considéré comme un processus éminemment politique visant à renforcer la cohésion sociale en favorisant les échanges de points de vue, entre les parties prenantes: les gouvernements, les partis politiques et la société civile, sur les problèmes sociopolitiques et économiques et les nouvelles solutions à y apporter.
Le chef de l'État a affirmé que le dialogue national qu'il souhaite inaugurer en 2025 devra être «profond et inclusif, et non purement discursif». Ce processus ambitionne, selon ses termes, de «renforcer les droits fondamentaux», notamment à travers la mise en oeuvre de lois adaptées, consacrées par la Constitution, et la loi organique sur les partis politiques et les associations. «J'ai promis à la classe politique d'ouvrir un dialogue pour renforcer le front intérieur, et cela se fera de manière organisée», a-t-il insisté, affichant une volonté d'apaisement et d'écoute dans un contexte marqué par des attentes sociales et économiques élevées.
Quels modèles internationaux significatifs pourraient servir de référence à l'organisation d'un dialogue pour la construction d'un consensus national en Algérie? Il n'y a pas de modèle unique. Des recherches effectuées, il ressort que la grande majorité des pays de la planète n'ont pas eu recours à un dialogue national, en matière de politique étrangère et de défense nationale, car il existe un accord tacite entre les pouvoirs et leurs oppositions dans ce domaine, la préservation de la souveraineté nationale, de l'intégrité territoriale, et de l'unité de chaque pays faisant la quasi-unanimité dans les populations et leur représentation politique.
Par ailleurs, il arrive que des rencontres périodiques formelles ou informelles, au-delà des débats au sein des Parlements nationaux, soient organisées dans de nombreux pays par les gouvernements avec l'opposition et les forces sociales autonomes et que ces rencontres se traduisent quelquefois par des accords ponctuels, souvent à caractère économique ou social, pour répondre à des revendications spécifiques. Ceci peut être considéré comme des consensus thématiques sans impact sur le changement du système de gouvernance.
Les modèles représentatifs de dialogues nationaux, entre le pouvoir et les forces vives de chaque pays, avec une vision systémique qui traite tous les éléments du système de gouvernance au plan politique, économique, social, culturel et environnemental, pour y apporter des solutions communes, ne sont pas nombreux. Initiés en général par les gouvernements, ils ont principalement pour objectif d'élargir leur base de pouvoir et le front intérieur pour mieux faire face aux défis internes et externes pouvant menacer la stabilité de pays.
Ces modèles de dialogue dans le monde qui ont abouti à des consensus et des engagements concrets des parties prenantes, contiennent des traits communs pouvant inspirer le dialogue national. La leçon principale qui ressort de ces modèles est qu'aucun processus de dialogue entre le pouvoir, l'opposition et la société civile n'a pu aboutir à un consensus national sans la volonté politique des régimes, incarnés par le Président, le Premier ministre ou les partis politiques au pouvoir. Ces dialogues lorsqu'ils aboutissent se traduisent par l'adoption de programmes communs avec la constitution de gouvernements de consensus. Le cadre privilégié de ces dialogues est inclusif, neutre, transparent et sans préalable. Les participants ont un statut identique, qu'ils soient du pouvoir, de l'opposition ou de la société civile. La tentation est grande pour l'organisateur de fixer le programme, voire les grandes lignes du consensus auquel il voudrait aboutir. Pour éviter un échec, l'élaboration du programme gagnerait à être un travail commun des parties prenantes du dialogue.
La préparation du dialogue est souvent confiée à un facilitateur dont le rôle consiste (i) avant le dialogue à consulter les acteurs politiques et ceux de la société civile pour convenir notamment des objectifs et du programme de ce dialogue (ii) pendant le dialogue, à modérer les débats (iii) après le dialogue, à assurer le suivi des recommandations
Pour arriver à des conclusions communes, il n'y a pas de chemins différents ni de formules miraculeuses. Les différents acteurs disposés au consensus devront se préparer à accepter des compromis dans l'intérêt général. Il arrive ainsi que des acteurs s'excluent d'eux-mêmes de ces processus à cause de surenchères internes ou de calculs politiciens à court terme. Mais ceci n'empêche pas d'aboutir au terme du dialogue à un large consensus car le consensus national ne signifie pas unanimisme. Des efforts de conciliation, avant, pendant et après sont nécessaires pour garantir le succès du dialogue.
Il existe d'autres considérations qui ressortent des dialogues nationaux. Le consensus ne signifie ni la perte d'autonomie des acteurs ni la fin de la compétition politique encore moins l'abandon de toute opposition. Par ailleurs là où les consensus ont pu se réaliser, la maturité politique des leaders a joué un rôle déterminant.
Sur la base de ces références, le mode opératoire pour organiser avec succès le dialogue national peut se résumer comme suit: démarche inclusive. Pas de préalable. Le cadre du dialogue n'est pas fixé à l'avance. Il sera établi après consultation de toutes les parties dans un ordre lié à leur poids politique pour convenir du lieu, de la date, de la liste des participants et des grandes lignes du programme de dialogue et le lancement des invitations.
Pour s'entourer des meilleures conditions d'organisation de ce dialogue, un code de conduite basé sur la confiance et le respect mutuels est de mise. Le cadre du dialogue n'est pas un lieu de confrontation. Il respecte tous les points de vue et exclut par avance toute polémique dans la mesure où les intervenants sont appelés à présenter leur proposition et non à critiquer celle des autres.
Dans le contexte actuel où le pays fait l'objet d'actions et de déclarations hostiles visant à le déstabiliser, la tenue de ce dialogue, rassemblant les forces vives de la nation, vient à point nommé pour envoyer un message d'unité, fort et dissuasif, en direction de tous ceux qui seraient tentés de porter atteinte à sa souveraineté et à son intégrité territoriale.
*Expert international