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La classe politique algérienne d’Achour Cheurfi

Ces hommes qui ont marqué leur temps

Parmi la centaine de livres historiques et politiques exposés dans le grand hall de la bibliothèque municipale, il en était un, ce jeudi, qui retenait tout particulièrement notre attention.

y a le titre bien sûr. Et il constitue à lui seul un centre d'intérêt de premier ordre: de plus de 500 pages, il n'est ni un essai ni manuel d'histoire, mais un dictionnaire.
Les noms d'hommes et de femmes politiques, de chercheurs et d'écrivains ayant marqué leurs époques y figurent par ordre alphabétique, avec chacun une notice biographique qui en éclaire les origines et le ou les rôles joués dans la vie politique ou littéraire. Ce qui fait de cet ouvrage un outil incomparable pour la connaissance de cette longue période qui va de 1900 à 2006, date de sa parution, et qui a vu l'Algérie passer du statut de pays colonisé à celui à celui d'indépendant.
Mais bien plus que cet aspect didactique et culturel, c'est le nom de son auteur qui a le plus éveillé notre curiosité: Achour Cheurfi était-et nous pensons qu'il a conservé cette passion et qu'il le reste-un journaliste et un poète que nous avions eu le plaisir de connaître au temps où il travaillait à El Moudjahid aux côtés d'un autre grand journaliste Mouloud Achour, lequel, comme chacun sait était aussi écrivain.
Le souvenir que nous gardons de cette époque d'insouciance où les livres tenaient lieu de tout dans la formation de l'esprit, et de ces deux grands journalistes, a rejailli soudain pendant que nous observions les livres exposés, à la seule vue de ce nom que nous conservons précieusement dans notre mémoire aux cotés de tant d'autres.
Du statut de poète à celui d'auteur de dictionnaire
La première fois qu'il en a parlé, c'était en 2006, à l'hôtel Mercure, devant quelques journalistes de sa connaissance, lors d'un colloque sur la colonisation. Et nous nous souvenons de notre étonnement en l'entendant faire cette déclaration. Comment le journaliste et poète Achour Cheurfi, que nous avions connu poète et qui avait publié en 1983 Cornaline, pouvait se transformer en un auteur de dictionnaire? Qu'il ait choisi de consacrer ce dictionnaire aux grandes figures de la politique et de la littérature algérienne ne surprend guère, cela allait dans le sens de sa formation universitaire qui était sciences-po. Tout, même l'écart entre la poésie et ce travail de spécialiste est énorme!
L'ouvrage de référence sortait, en effet, en 2006, chez l'édition Dahleb. Une année plus tard, un autre ouvrage voyait le jour en 2007 aux éditions Anep. Il est consacré aux musiciens.
Le premier, beaucoup plus volumineux est de plus de 500 pages. Le second est de 376 pages.
Nous nous attachons au premier ouvrage pour toutes les raisons mentionnées plus haut. Celui-ci comporte un préambule. dans lequel le projet est dévoilé et les intentions de l'auteur révélées. On peut lire que le présent ouvrage
«regroupe 700 noms (se rapportant aux, voire) de principaux animateurs de l'ensemble des courants et mouvements politiques qui ont traversé la société algérienne du XXe siècle.»
Plus explicitement, «On y trouve la génération des éveilleurs, des chefs de files messalistes centralistes, les figures du populisme révolutionnaire, les islamistes révolutionnaires, leurs concurrents de la confrérie, sans oublier les communistes, les modernistes, et les principaux dirigeants de la guerre de libération». Parce que le travail du spécialiste ne s'arrête pas à la Révolution de1954, l'auteur de cette courte préface ajoute, pour être plus exhaustif: «Et les 40 années du parti unique, bien qu'ayant oppressé le paysage politique, n'ont toutefois pas réussi à effacer les différentes sensibilités de première importance, celles qui forment les élites supérieures, relève plus du souci d'efficacité que d'une attitude élitiste.» L'objectif devient dès lors clair: «Offrir au lecteur une vision dynamique du paysage politique sur une étendue de 100 ans, et de suivre les impacts des décantations qui se sont faites et qui se poursuivent encore.»
L'ouvrage en question-et c'est la préface qui le dit-se complète par un glossaire qui explicite les abréviations des associations et des formations politiques qui ont servi de cadres aux hommes et aux femmes qui ont marqué de leurs empreintes la politique ou la littérature de notre pays. Le Liminaire va de la page 9 à la page 13. La partie qui traite de la biographie, elle, s'étend de la page 13 à la page 355.
Le glossaire va de la page 409 à la page 451.
Le reste se répartit entre chronologies, bibliographies et index. Voilà pour l'ouvrage. Mais qu'en est-il du contenu, c'est-à-dire du travail de l'auteur lui-même?
On se doute de la complexité de la tâche. L'auteur lui-même le déclare sans ambages dans sa courte introduction. «En l'absence d'une histoire qui soit à la fois globale, cohérente et satisfaisante, du mouvement national, le présent ouvrage se veut une modeste contribution» à l'écriture de celle-ci. On imagine ce qu'ont pu être les débuts en l'absence de sources et de documents fiables.
Le problème n'était pas d'écrire une notice sur une personne ou sur dix ou sur cent...Le problème était d'écrire sur sept cents personnes dont un grand nombre a disparu. Où trouver les informations nécessaires pour rédiger des notices les concernant?
Les moments de découragement n'ont pas dû manquer. On imagine le nombre d'ouvrages qu'il a fallu consulter, celui des notes qu'il a fallu prendre et le temps qu'il a fallu mettre pour l'établissement de fiches afin de rendre cette masse de documents prête à l'emploi. Mais quel moment d'exaltation et quel moment de joie, lorsque les obstacles vaincus, le succès de cette entreprise viendrait récompenser ces efforts!
Quelques figures, parmi la galerie de portraits dressés, bien connues des lecteurs, suscitent l'admiration, comme Abane Ramadane, Amirouche, Aït Ahmed, Ferhat Abbas, Didouche, Si El Haouès, Krim Belkacem ect. D'autres imposent le respect, comme Sylvie Messenger, l'Abbé Alfred Berrenguer, d'autres encore la sympathie, comme Saadi, Mammeri, Boudjedra, ou Kateb.
Ce que l'on pourrait regretter dans ce somptueux ouvrage, est, peut- être, que le «liminaire» ne soit pas une vraie introduction. Nous aurions aimé apprendre davantage sur ce projet, comment l'idée en est venue au journaliste, alors qu'il cherchait sa voie du côté des poètes? Quelles ont été les difficultés rencontrées dans sa quête de sources fiables et aisément vérifiables? S'agissant d'un travail d'historien, de quelle aide, de quels conseils a-t-il bénéficié auprès d'autres historiens? Par exemple, il est important de savoir si, en s'ouvrant à l'un d'eux sur son projet, il a suscité de l'enthousiasme ou, au contraire, de l'indifférence, voire de la méfiance. C'est ensuite sur la méthode qu'il a fallu adopter pour arriver à ses fins que nous aurions voulu qu'il s'étende plus longtemps.
À travers une préface plus développée, on aurait souhaité avoir un aperçu plus substantiel sur la façon dont ce livre s'est construit. Cela ne lui aurait pas été bien difficile, lui qui manie si bien la langue et les concepts. Et cela aurait permis à l'ouvrage de gagner en épaisseur. Ce qui, pour un dictionnaire, est plutôt pur bénéfice.
Jean Senac,
Rachid Boudjedra...
D'ailleurs, le livre qui n'en est qu'à sa deuxième édition, revue et corrigée, pourrait dans la prochaine s'enrichir de nouveaux noms, le monde politique, comme, du reste, celui des arts et des lettres étant en perpétuel devenir, à plus forte raison depuis la dernière édition.
Les notices biographiques, dans un style simple et dépouillé, méritent d'être louées ici pour leur clarté et leur concision. Certaines sont plus longues que d'autres. C'est normal.
Les personnalités politiques ou littéraires étant plus importantes que d'autres. À cet égard, Abane Ramdane, Abas El Madani, Mohamed Khémisti, Aît Ahmed, Saïd Saadi, Didouche Mourad, Boudjedra, Kateb Yacine, Malek Haddad se taillent la part du lion. Certains ont droit à près de deux pages.
On pourrait, a priori, s'étonner que de grandes plumes figurent dans ce dictionnaire des hommes et femmes politiques. Le fait est que tous ou presque tous ont joué un rôle politique à la mesure de leur talent et de leur génie.
Ainsi, Jean Senac, Rachid Boudjedra qui représenta l'Algérie en Espagne et ne rentra en Algérie qu'avec l'indépendance. Et la réciproque est vraie. S'il avait plu à certains écrivains, comme Frantz Fanon, de jouer aux révolutionnaires, en usant de la plume ou du fusil contre l'envahisseur, il reste que des hommes politiques, sentant la verve romanesque les titiller, ont volontiers troqué leurs titres d'hommes politiques contre celui de romancier ou de mémorialiste. Quel est celui, simple djoundi ou officier de l'ALN, qui n'a pas écrit ses mémoires et laisser ainsi son nom à la postérité?
Le glossaire, pour revenir, à notre sujet, est une idée géniale. Les abréviations et les sigles ne nous sont pas tous familiers. On les emploie malheureusement sans souci pour l'inconvénient que leur emploi cause aux non-initiés qu'ils embarrassent profondément. Ils font partie de notre histoire, cependant, et à cet égard, ils méritent un éclairage particulier. Il faut, pour en comprendre la signification, les situer dans leur contexte, comme disent les grammairiens quand ils parlent d'un mot.
À ce titre nous en citons quelques-uns ici. Ainsi: Union de Ecrivain Algériens. Etoile Nord-Africaine. Algérian Libéral. Fédération des Etats indigènes. Etc. Le coup de maître de Achour Cheurfi a été de mettre la poésie sous l'éteignoir et de se lancer dans cette vaste entreprise qualifiée lui-même de «complexe», mais dont le retentissement dans les milieux littéraires et intellectuels est san doute énorme.

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