{{ temperature }}° C / {{ description }}

Cité introuvable.

Benaouda Lebdai, écrivain, à L’Expression

«L’Afrique est au cœur de l’Algérie»

Benaouda Lebdai est professeur des universités. Spécialiste de littératures coloniales et postcoloniales comparatives, il est l’auteur d’une quinzaine de livres. Parmi ses ouvrages, on peut citer la biographie de Winnie Mandela Le mythe et la réalité (Casbah éditions) et Afrique du Sud, histoire et littérature chez le même éditeur. Ses recherches portent sur les rapports entre la littérature et l’histoire, la littérature et la mémoire, les questions de migration et l’autobiographie.

L'Expression: Pouvez-vous revenir sur vos activités à l'espace dédié à l'Afrique et l'impact qu'elles ont eu lors du dernier Sila?
Benaouda Lebdai: L'espace Afrique est un lieu fabuleux de rencontres et de débats dont je suis le responsable scientifique depuis trois ans. En effet, le commissaire du Salon International du Livre d'Alger (Sila),. Mohamed Iguerb, m'avait proposé de m'occuper de la programmation de l'espace Afrique dès 2022. Cette invitation à prendre cette énorme responsabilité était basée sur le fait que je sois spécialiste de littérature africaine comparée. Je peux vous dire que je n'ai pas hésité une seconde tant l'aventure me paraissait enrichissante.
Ainsi, je gère cet espace que je connaissais bien car j'avais toujours été invité en tant qu'auteur et académicien pour des conférences par Narimane Sadouni et ensuite par Amina Bekkat qui avaient géré avec conviction cet espace Afrique durant une dizaine d'années. Alors pour revenir à la programmation de 2024, elle a été riche car tous les après-midis de 14h à 17h 30 des écrivains, des essayistes, des historiens, des acteurs de l'édition, des traducteurs, des universitaires furent invités pour parler de l'Afrique, dire et raconter l'Afrique à un public toujours nombreux. Il y a les fidèles de cet espace Afrique et ceux qui découvrent l'espace Afrique pour la première fois, les curieux qui s'arrêtent, regardent, tendent l'oreille et s'assoient et restent jusqu'à la fin du débat, ce qui me ravit le plus car lorsque cela arrive, je me dis que nous ne sommes pas là pour rien! Ce que je peux vous dire c'est que cette aventure demande beaucoup de travail et surtout une grande disponibilité et énormément de patience.
La confiance de M. Iguerb, de l'équipe des différents pôles et du ministère de la Culture a toujours été encourageante.

Il y a des richesses évidentes en parlant de la littérature en Afrique. Pouvez-vous nous en dire plus?
La culture africaine est millénaire, contrairement à la propagande des philosophes colonialistes du XIXème siècle qui avaient déclaré que l'Afrique était une ‘tabula rasa', un continent à civiliser.
La culture africaine est d'une grande richesse de l'orature aux littératures.
La culture de toutes les régions et de tous les pays africains s'est exprimée avec force durant la période coloniale et après les indépendances.
Les littératures africaines sont des littératures de revendication, d'exigence de liberté, de besoin d'être soi-même, d'être africain et d'en être fier. Les richesses des littératures africaines s'expriment grâce à des hommes et des femmes qui décrivent les vécus de personnages africains qui furent absents des textes européens, au mieux des ombres en arrière-plan.
Aujourd'hui les femmes africaines s'affirment par l'écrit, par leur prise de parole publique. Le roman leur a permis de dire leur vécu, leur mal-être, de dénoncer la polygamie et les méfaits du patriarcat.
Les littératures africaines sont dans les contestations constructives et non dans la négation d'eux-mêmes. Ces littératures africaines sont riches aussi grâce aux écrits de la migration qui se sent toujours africaine et qui montre que les frontières de l'imaginaire n'existent pas, contrairement aux frontières réelles qui se durcissent d'où le fait que des migrants africains meurent par centaines en mer Méditerranée. Ces tragédies sont dénoncées dans les littératures africaines qui dépeignent et dénoncent les guerres, les génocides et le népotisme et c'est en cela qu'elles sont authentiquement africaines car elles puisent dans la conscience des peuples.

L'Afrique est un continent fort de sa jeunesse qui forme la plus grande partie de ses populations. En quoi cet aspect peut-il peser en faveur de ce continent, s'agissant de littérature et de culture?
Justement, la population dans les pays africains est principalement composée de jeunes de moins de 25 ans. La jeunesse est un potentiel humain formidable. Les écrivains africains s'en inspirent et beaucoup de maisons d'édition publient des jeunes qui ont fait le choix de s'exprimer par le verbe. On a vu lors du Sila 2024 que la plus grande majorité des visiteurs, ce sont des jeunes, qui posent des questions, qui veulent discuter, qui achètent des textes de fiction, qui s'intéressent donc au livre. Je vais vous raconter une anecdote, j'étais en signature au stand de Casbah Éditions pour mon ouvrage Afrique du Sud: histoire et littérature lorsque deux jeunes s'approchent et me demandent très sérieusement: «Monsieur, j'aimerai être écrivain comme vous et signer un jour des livres comme vous, que faut-il faire?» J'étais heureux de cette question et nous avons discuté un long moment sur ce sujet et sur leur ambition que j'ai encouragée bien entendu. L'Afrique est vraiment riche de jeunes qui veulent réussir, servir leur pays et leur continent. Les multiples rencontres du livre en Afrique servent précisément à cette prise de conscience que la culture est aussi essentielle que de s'alimenter.

On a constaté que l'Algérie accorde une importance capitale à son continent. Pourquoi, selon vous?
Certains oublient que l'Algérie est en Afrique, et pour moi le Sahara n'est pas une frontière, mais un lien entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne.
L'Algérie a toujours eu un rapport spécifique et authentique avec l'Afrique sub-saharienne depuis la guerre de libération.
La guerre qu'a menée notre pays contre le colonialisme a inspiré l'admiration de la plupart des pays africains et a été un moteur pour exiger les indépendances. Frantz Fanon, en tant que combattant pour l'indépendance de l'Algérie a représenté son pays à Accra et il a rapporté dans ses écrits l'impact de la révolution algérienne sur le reste du continent. Dans sa lutte contre l'apartheid Nelson Mandela s'est inspiré de la révolution algérienne et a même eu une formation militaire auprès des maquisards de l'ALN. À ce propos, un ouvrage collectif présenté lors du dernier Sila, intitulé L'Algérie, l'Afrique et Mandela, vient d'être publié sous ma direction et celle de l'historien Hassan Remaoun.
L'Afrique est au coeur de l'Algérie, l'Algérie est au coeur des pays africains - géopolitiquement cela fait sens. Rappelons-nous du Premier Festival Panafricain d'Alger de 1969 qui fut déjà une démonstration magnifique de l'importance qu'a toujours accordée l'Algérie à l'Afrique subsaharienne.
Lors de vos activités, comment sont choisies les thématiques à débattre d'une année à l'autre?
La préparation du programme de l'espace Afrique est longue. C'est un processus qui se prépare des mois et des mois à l'avance. Le choix des thèmes se fait à partir de sujets abordés par les textes littéraires de l'année en cours. Nous essayons de diversifier les thèmes d'une année à l'autre et les thèmes sont nombreux et diversifiés. La disponibilité des invités peut aussi éventuellement jouer. Le programme reste aussi en rapport avec le thème central du Sila, et cela se construit et s'affine au fil des mois.

Les auteurs présentent-ils leurs ouvrages?
Les auteurs invités présentent leurs ouvrages et en discutent avec le public. Cependant, je vous rappelle que l'Espace Afrique est un espace d'échange, de débats et non un espace de vente d'ouvrages.

Selon vous, pourquoi les visiteurs algériens sont-ils intéressés par les auteurs invités dans l'espace Afrique?
Les visiteurs algériens sont nombreux et sont curieux de ce qui se publie en Afrique y compris en Algérie. Les romanciers connus et reconnus attirent les visiteurs. Des invités de l'espace Afrique, à l'instar du Guinéen Tierno Monenembo, de Calixthe Beyala, de Djaïli Amadou Amal, de Maïssa Bey, d'Abdelkader Djemaï ou de Lilian Thuram qui avait présenté sa biographie, ont attiré énormément de monde.

Peut-on avoir une idée de l'apport des éditeurs d'Afrique sub-saharienne?
Merci pour cette question... Les éditeurs africains sont de plus en plus nombreux et ils doivent être valorisés. C'est un point qu'il faudra développer, en effet, il faudra élargir l'espace Afrique, y inclure des stands d'éditeurs sénégalais, guinéens, togolais, béninois ou maliens. Il faudra enrichir l'espace Afrique et permettre ainsi la circulation du livre entre pays africains.

Revenons à votre apport incommensurable dans ce domaine, pouvez-vous nous dire quelles sont les raisons de tant d'investissement de votre part pour l'espace Afrique?
Je suis professeur d'université et ma spécialité, les littératures africaines, a été au coeur de ma carrière universitaire. Mon investissement repose tout simplement sur ma passion pour les cultures africaines, pour les littératures africaines francophones et anglophones.
Mon goût pour l'échange, pour les débats et les rencontres avec les écrivains et les historiens africains restent les raisons premières. Être utile, tout simplement, dans mon domaine, reste une bonne raison, n'est-ce pas?

De Quoi j'me Mêle

Placeholder

Découvrez toutes les anciennes éditions de votre journal préféré

Les + Populaires

(*) Période 7 derniers jours