ASSASSINATS POLITIQUES, GESTION DÉSASTREUSE ET ABSENCE D'ALTERNATIVE...
Les islamistes tunisiens en sursis
Inspirés par les développements en Egypte, les Tunisiens, regroupés autour du mouvement Tamarood (rébellion), du front de gauche et de Nidaa Tounès, sont déterminés à en découdre avec les islamistes d'Ennahda.
L'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi, qui intervient six mois après celui de Chokri Belaïd, relance le débat sur la stabilité de la Tunisie.
La montée salafiste, les maquis terroristes du mont Chaâmbi, conjugués à l'incapacité du gouvernement d'Ennahda de redresser le pays sur les plans économique et social et au respect du calendrier de transition politique, sont autant d'ingrédients d'une explosion imminente. Intervenant parallèlement aux événements survenus en Egypte, à la faveur de la déposition par l'armée du président Mohamed Morsi, l'assassinat de Brahmi a créé une onde de choc à travers tout le pays. Pour au moins deux raisons: la première est qu'il est natif de la ville symbolique de Sidi Bouzid, et la seconde est qu'il est l'un des opposants les plus en vue sur la scène politique tunisienne. C'est ce qui a d'ailleurs mis le feu aux poudres, aussitôt la nouvelle de son assassinat annoncée. C'est alors que des manifestants ont incendié le siège des Frères musulmans à Sidi Bouzid. Inspirés par les développements en Egypte, les Tunisiens, regroupés autour du mouvement Tamarood (rébellion), du front de gauche et de Nidaa Tounès, présidé par l'ancien chef de gouvernement Béji Kaïd Essebsi, sont déterminés à en découdre avec les islamistes d'Ennahda. Ainsi, l'opposition tunisienne a lancé sa version du mouvement égyptien Tamarood, qui a mobilisé des millions d'opposants au président Mohamed Morsi et décidé l'armée à le destituer. Comme en Egypte, le peuple tunisien reproche aux dirigeants du pays de vouloir instaurer un régime théocratique, liberticide et d'aggraver la crise économique. Les jeunes chefs de file méconnus de cette campagne de désobéissance, dont le nom signifie «rébellion», espèrent tirer partie des événements du Caire pour mettre en difficulté le gouvernement tunisien... Après avoir rassemblé 200.000 signatures, ils ont l'intention d'appeler rapidement à de grandes manifestations. Pas plus tard qu'hier, des centaines de Tunisiens ont de nouveau manifesté à Tunis pour réclamer la chute du gouvernement de Ali Laarayedh. C'est Rached Ghannouchi qui fut leur première cible, allant jusqu'à le traiter d' «assassin». Ainsi, au moment où les Egyptiens se sont débarrassés de Mohamed Morsi, les Tunisiens comptent, eux aussi, mettre sur les rails leur deuxième révolution. Il est clair que les partis islamistes qui ont récolté les fruits des révolutions égyptienne et tunisienne, sont plus que jamais dans une mauvaise posture. Non seulement, ils risquent de disparaître à jamais de la scène politique, mais surtout de garder l'étiquette de terreau idéologique des groupes islamistes armés. D'autant plus que, aussi bien en Egypte qu'en Tunisie, il est reproché aux islamistes au pouvoir d'entretenir des liens étroits avec les groupes extrémistes. C'est ainsi que la proximité des Frères musulmans égyptiens avec la Jamaâ islamia, le mouvement Ennadha avec les groupes jihadistes, n'a pas manqué de nourrir des suspicions à leur égard.
En Tunisie, on craint que la vague d'assassinats politiques ne prenne des proportions incontrôlables, après l'assassinat de Belaïd et Brahmi. D'autant plus que l'incapacité du gouvernement Ennahda de mettre la main sur le chef terroriste Abou Iyad qui avait menacé de mettre à feu et à sang la Tunisie, a été l'une des raisons de l'appel au renversement du gouvernement islamiste.
A noter que selon des sources sécuritaires tunisiennes, des listes de personnes à abattre ont, d'ores et déjà, été dressées par les groupes extrémistes tunisiens. Selon les services de renseignement de ce pays, une cellule secrète a même été créée récemment à la manière du Fida algérien des années 1990. C'est ce péril que le peuple tunisien tente d'éviter en éradiquant le mal à la racine.