L’Algérie face à la mafia de la spéculation
L’interminable guerre
Dans un pays dont les valeurs dérangent certaines puissances, la guerre pour l’existence prend des formes inattendues.
En jouant sur les craintes et les attentes des consommateurs, les spéculateurs n’hésitent pas à manipuler les prix et à provoquer des hausses artificielles. Cela est indéniablement vérifié sur le terrain par l’ensemble des Algériens. À tel point d’ailleurs qu’on en arrive à douter du simple motif exclusivement commercial. Et pour cause, la loi algérienne criminalise l’acte spéculatif et préconise même des peines de réclusion criminelle, allant jusqu’à la perpétuité. On voit, en effet, mal un commerçant prendre un risque aussi énorme pour quelques milliards de centimes gagnés sur quelques opérations, alors qu’il en possède des dizaines dans ses coffres. C’est justement cette disproportion entre l’acte et le risque qui amène à entrevoir dans ce genre de crime un but inavoué. Les troubles sociaux, la démoralisation de la société, la délégitimation des autorités aux yeux des citoyens peuvent être autant de mobiles à des opérations de spéculation de très grandes envergures. On a assisté à ce genre d’opérations bien ciblées, dont on ne peut douter du mobile réel, ce qui justifie d’ailleurs les amendements apportés à la loi sur les questions relatives à la spéculation illégale.
Les commerçants indélicats multiplient par deux ou trois la valeur d’un produit que des cercles mafieux s’arrangent pour le retirer du marché et le mettre à la disposition du consommateur à «doses homéopathiques». C’est le principe d’une activité criminelle qui prospère à contre-courant des intérêts des sociétés où elle sévit. La manière qu’ont les barons de la spéculation à raréfier un produit que tous les chiffres de l’économie nationale annoncent comme largement disponible, oblige l’État à recourir à une importation massive, mais inutile dudit produit pour ramener le marché à son état d’avant. Cette réaction indispensable pour éviter que le citoyen soit pénalisé coûte beaucoup aux pouvoirs publics. Dans les deux cas, les citoyens et le Trésor public pâtissent de pareilles situations. Il y a donc dans la manœuvre bien plus que l’enrichissement personnel, lorsque les conséquences atteignent le moral et la poche du citoyen, ainsi que les équilibres de la balance commerciale du pays.
L’autre opération de séparation, dont le café a été l’instrument ces deux derniers jours, concerne les produits objectivement exclusivement importés. Le mode opératoire est, à ce niveau, encore plus pénalisant pour les pouvoirs publics qui mettent à la disposition d’importateurs véreux de grosses sommes en devises et subventionnent le produit pour que l’inflation importée n’atteigne pas le pouvoir d’achat des citoyens. Et pour cause, les Algériens qui pouvaient « naturellement» acquérir le produit à son prix international, sans l’intervention de l’État, se retrouve négativement impacté, en ce sens qu’il ne parvient même pas à acheter la marchandise, ni au prix administré par l’État et même pas au tarif international. Une double pénalité et pour le citoyen et pour l’État. Cela pour dire que la nuisance dont sont capables les spéculateurs dépassent souvent la parade que peut trouver les autorités du pays pour y faire face. Certains «experts» préconisent simplement d’en finir avec les subventions pour laisser le marché se réguler par lui-même. Ce serait laisser le terrain libre aux mafieux de l’import-import pour, d’un côté jouer avec les factures en les surestimant, et s’accorder sur des niveaux de prix qu’ils imposeraient au marché national. L’Algérie refuse objectivement de céder à cette vision défaitiste et multiplie les initiatives juridiques, administratives et économiques pour arrêter cette pratique criminelle. Le succès n’est pas toujours au rendez-vous, mais des batailles gagnées, il y en a eu et elles sont nombreuses. Ces deux dernières années, les épisodes d’inflations inexpliquées se font rares. C’est une réalité. La production nationale est en constante évolution. C’est un fait.
Il s’agit, néanmoins d’éviter de crier victoire. La raison est très simple. On ne gagne pas la guerre contre la spéculation, lorsque les motifs qui la sous-tendent sont divers et procèdent parfois à une volonté de déstabilisation sociale et politique. Dans un pays sur la voie de l’émergence et attaché à des valeurs qui dérangent certaines puissances, la guerre pour l’existence prend des formes inattendues. L’arme de la spéculation en est une.