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Guerres, crises nucléaires, cataclysmes et famines

La lente désintégration de la civilisation

Une angoisse chronique, en ce début de siècle, pèse sur des milliards d’individus, donnant l’impression, selon la formule de Shakespeare dans Le Roi Lear, que la planète se résume à « un monde où des fous mènent des aveugles ». Aux conflits meurtriers se succèdent catastrophes écologiques, incertitudes économiques, crises de gouvernance.

La guerre, avec son lot de désolations, est omniprésente... Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Yémen, Somalie, Palestine, Ukraine... Famines, Cataclysmes environnementaux, crises nucléaires....autant de tragédies où la main de l'homme joue un rôle des plus funestes. On nous avait promis un nouvel ordre mondial harmonieux; en lieu et place de cela, on se contentera d'un désordre planétaire avec sa litanie de drames humains, provoquée par les dictateurs en tout genre, hier encore adulés et soutenus par nos démocraties bien pensantes; aujourd'hui nourries par les faussaires-idéologues d'une realpolitik froide, peu soucieuse du respect de la dignité humaine et encore moins de justice. Le chaos semble savamment orchestré malgré les discours lénifiants.
Les écarts Nord-Sud se creusent et la crise économique et écologique planétaire assombrit encore les perspectives d'un avenir déjà incertain, avec son lot de réfugiés caricaturés en vulgaires envahisseurs... Assurément 2023 est l'un de ces moments où la crise planétaire, mondialisation oblige, impose une remise en question profonde de nos certitudes.
Affaiblissement de la démocratie, montée des idéologies extrémistes, incertitudes quant au système qui régit le mode de vie de quelque 8 milliards d'hommes et de femmes dans le désormais «village planétaire... On en vient même à douter de la bonté intrinsèque de l'Homme, ce roseau pensant, réactivant les thèses les plus pessimistes quant à sa nature. Face à ce tableau sombre Rousseau semble un peu dépité face à un humanisme mis à mal dans un monde déboussolé, en quête de sens. L'indignation ne suffit plus quand beaucoup, impuissants, préfèrent se complaire dans la résignation face à un monde «stone» selon les termes d'une célèbre chanson. Ainsi, les plus pessimistes, face à ce «No future» assistent impuissants à la faillite d'un système qui au lieu de servir l'Homme, l'asservit.
Progrès technologiques et avancées médicales n'ont pas assuré le bonheur de l'Homme, insatiable dans sa quête effrénée d'un bonheur inaccessible.
En 2012, le Pape Benoît XVI déplorait aux Journées Mondiales de la Jeunesse que «le pouvoir, l'avoir et le plaire à peu de frais soient les critères principaux qui dirigent l'existence».
Une cohésion sociale sapée
On assiste à la désintégration lente mais certaine de la civilisation: son symptôme le plus flagrant étant le recul de la responsabilité individuelle et collective. Désintégration du tissu social par le recul des responsabilités communautaires au profit des égoïsmes et des indifférences; désintégration par les inégalités croissantes qui sapent la cohésion sociale; désintégration par l'intérêt exclusif apporté à l'immédiat au détriment de l'avenir, aux moyens par inconscience des fins; désintégration par la promotion du mythe de «l'Homo Oeconomicus» qui se résume au producteur ou consommateur, mû par son seul intérêt. Une idolâtrie du marché, sous-tendue par une conception quantitative, et donc illimitée des désirs et de leurs satisfactions, qui joue un rôle funeste dans la dislocation des rapports humains, qui a fini par s'imposer y compris en Russie et en Chine. Sans pour autant promouvoir la démocratie et les droits humains.
Le consumérisme effréné a fini par consommer l'Homme, sans l'élever.
Un ultra libéralisme féroce, libéré de sa cage, qui a enfanté une jungle d'intérêts en guerre perpétuelle les uns contre les autres. Et qui se qui se traduisent par l'explosion des violences individuelles et collectives, la déliquescence du civisme, l'affaiblissement de la solidarité et la montée de l'anarchie. De ce point de vue, eu égard au contexte convulsif national et international, Marx avait en partie raison lorsqu'il affirmait que «ce que veut chaque individu se heurte à chaque autre, et ce qui s'en dégage est quelque chose que personne n'a voulu».
La conception positiviste du progrès a pour ainsi dire péché par prétention: en adoptant pour seul critère le développement scientifique et technique, par lequel se mesure le pouvoir de l'homme sur la nature et les autres hommes, elle a justement relégué l'Homme au second plan. Face à cette idolâtrie scientiste, on a à l'esprit la célèbre formule de Saint Augustin évoquant «l'humanité tyrannisée par l'oeuvre de ses propres mains».
Les idéologues de la Renaissance avaient prétendu placer l'Homme et son épanouissement au centre de leurs préoccupations sur la base de trois postulats: le postulat de Descartes: «Nous rendre maître et possesseurs de la nature»; celui de Hobbes réduisant l'homme à un loup pour son semblable; sans oublier Marlowe, qui dans son Faust, annonce déjà (avant Nietzsche) la mort de Dieu: «Homme, par ton cerveau puissant, deviens un dieu, le maître et le seigneur de tous les éléments».
L'homme est un loup pour son semblable
Une certaine vision du «progrès» trouve un écho favorable avec Condorcet au XVIIIe siècle puis Auguste Comte et sa «loi des Trois États»; Même nos conceptions quantitatives de «croissance» et de «développement» en sont de lointaines héritières. Et l'Homme dans tout cela? Certes on rétorquera qu'aujourd'hui on parle de «démondialisation», d'Indice de Développement Humain», de développement durable.... Nous sommes invités, à juste titre, à nous «indigner», à nous «engager» à la suite de Stéphane Hessel.
Ce faisant, on consacrait l'atrophie de la transcendance et on sacrifiait toute forme de spiritualité sur l'autel de la Déesse-Science. Dès le XVIe siècle pourtant, Rabelais n'avait eu de cesse de ressasser que «science sans conscience n'est que ruine de l'âme».
Le penseur algérien Malek Bennabi, il y a plus d'un demi-siècle, constatait amèrement les prémices d'un monde à la dérive:
«Cette conscience qui, dès la fin du XVIIIe siècle, s'était inclinée (...) était au début du XXe siècle définitivement submergée par une véritable inondation scientifique qui déposait dans la psychologie européenne le limon dans lequel la plante robuste de l'esprit cartésien proliféra jusqu'à se changer parfois en un cartésianisme dangereux.
Le désarroi globalisé
Le «moi» européen, grisé par les forces nouvelles qu'il avait libérées, se laissait fasciner par son propre génie. Mais il avait en fait joué le rôle de l'apprenti sorcier.
La machine qu'il avait créée mais qu'il ne savait plus dominer allait bientôt le diriger de son cerveau mécanique, l'avaler dans ses entrailles de fer.
La réalité devenait chiffrable, et le bonheur mesurable en quantité de calories et d'hormones: c'était l'ère de la quantité et du «quantitatisme» dans les consciences. C'était aussi l'ère du relativisme moral (...)
On n'avait plus le sens de «l'absolu»; le mot lui-même était devenu équivoque, mot mort qui ne signifiait plus rien parce que le XXe siècle, positiviste comme un cerveau de machine, ne comprenait plus ce qui dépassait les perspectives «relatives» de la matière.
Le sens de «l'absolu» était mort de la façon dont mourut le concept de justice (...)».
Il devient plus que jamais nécessaire de raviver cette sagesse universelle séculière: «(...) Accoupler la science et la conscience, l'éthique et la technique, la physique et la métaphysique, afin de réaliser un monde selon la loi de ses causes et l'impératif de ses fins».
Il devient impérieux face à ce désarroi globalisé de penser d'autres systèmes de production, de consommation, de redonner ses lettres de noblesse à la Politique transformée en simple technique de pouvoir, d'appréhender avec lucidité la crise de gouvernance de nos sociétés, d'organiser des réseaux de résistance au non-sens, faire converger les efforts de tous ceux qui souhaitent être acteurs de leur vie et non plus spectateurs du désespoir.
Il est urgent de jeter les bases d'une réflexion sur les moyens et les fins, sur le sens du vocable «civilisation», sur la définition du bonheur de l'homme.
Cette réflexion ne peut faire l'économie d'une profonde introspection sur notre modèle de société, notre mode de vie, la promotion d'un humanisme soucieux d'équité et de paix, de fraternité entre les hommes et les nations, d'un vivre-ensemble harmonieux, la fédération d'espérances pour un monde meilleur...
Il s'agit, avec toutes les bonnes volontés, d'imaginer une post modernité au service de l'Homme. Certes, le changement ne pourra s'opérer par une prédication moralisante mais par une progressive réforme de notre manière d'être, de notre mode de vie, et par notre (r)éveil, en privilégiant l'être au paraître.
L'avenir n'est pas ce qui sera mais ce que nous en ferons. Brecht l'avait affirmé haut: «Si tu te bats, tu peux perdre mais si tu ne te bats pas, tu as déjà perdu!».
Il s'agit en somme de proposer l'alternative d'une conversion à l'humain, à contre-courant de l'individualisme du «chacun pour soi» et contribuer à l'émergence d'une «conscientisation collective» qui postule que chacun est personnellement responsable du destin collectif. Appeler de ses voeux la rupture avec un système asservissant au bord de l'implosion, c'est peut-être peu mais en même temps déjà beaucoup. Panser les maux et penser l'avenir «en même temps»!
Le corollaire de la liberté est la responsabilité. Ces dernières trouvent tout leur sens dans la formule coranique:«En vérité, Dieu ne modifie point l'état d'un peuple, tant que les individus qui le composent ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes.»
Et si tout simplement, l'humanité, sclérosée, ne digérait plus cette «recette civilisationnelle» aux allures anxiogènes et à la saveur indigeste...? Et si le moment était venu de revoir individuellement et collectivement notre logiciel de civilisation?

De Quoi j'me Mêle

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