Dialogue mémoriel algéro-français
Les historiens dans le vif du sujet
La balle est dans le camp de l’administration française. D’où «les actions tangibles» réclamées par les historiens.
Pour sa cinquième rencontre qui s'est déroulée les 22 et 23 mai dernier à Alger, la Commission mixte algéro-française sur l'Histoire et la Mémoire est entrée dans le vif du sujet. Dans son communiqué, elle insiste sur «la mise en oeuvre d'actions tangibles» censées concrétiser «la volonté active et forte de prendre en compte toutes les dimensions de l'histoire de la période coloniale pour mieux aller de l'avant». C'est clair, net et précis. Soulignant la coïncidence de cette session avec «le mois de la Mémoire en Algérie», le communiqué de cette instance du dialogue mémoriel algéro-français note que celle-ci «formule le voeu que le traitement du dossier mémoriel réponde aux aspirations des peuples algérien et français». Un voeu visiblement à portée de main, compte tenu de l'enthousiasme dont font montre les historiens des deux pays, notamment les français qui attestent de la disponibilité de toutes les institutions de la République algérienne à faciliter la tâche à la Commission mixte. Le communiqué retient «la nécessité de poursuivre les négociations dans le cadre du groupe de discussion mixte algéro-français sur la question des archives». Le mot «négociation» suggère un processus complexe. C'est aussi un signe que l'on n'est plus dans les propos de principes, mais de plain-pied dans des détails précis. En tout cas, «la partie algérienne présente une liste ouverte de biens historiques et symboliques de l'Algérie du XIXe siècle, conservés dans différentes institutions françaises, proposés à la restitution à l'Algérie sous forme de gestes symboliques», explique le document qui a sanctionné la réunion de la Commission mixte d'historiens algériens et français. Le fait que ce point figure dans le communiqué suppose que les représentants français à la commission n'y voient aucun inconvénient. La balle est, de fait, dans le camp de l'administration française. D'où «les actions tangibles» réclamées par les historiens. En clair, la partie algérienne «invite la partie française à transmettre ses préoccupations en matière de restitution de biens culturels, archivistiques et autres», indique le communiqué. En réponse, «la partie française accepte et s'engage à transmettre au président Emmanuel Macron la liste transmise par la partie algérienne afin que les biens qui peuvent retrouver leur terre d'origine puissent l'être le plus rapidement possible», rapporte le même communiqué. La responsabilité du président français est ainsi pleinement engagée dans le processus du dégel effectif du dialogue mémoriel algéro-français.
Cela pour ce qui concerne l'aspect symbolique. Concernant «la chronologie relative aux domaines militaire, politique, économique, social, culturel et humain au cours du XIXe siècle», la Commission mixte «salue la coopération en matière de restauration et de numérisation, d'échanges d'expériences, de bibliographie, d'échanges scientifiques», évoquant des questions précises, à l'image de l'état civil des cimetières de français en Algérie et ceux d'Algériens en France. L'enthousiasme au niveau des historiens est très palpable, en ce sens que «la partie française propose à la partie algérienne un pré-programme de rencontre scientifique», dédié aux archives pour l'année universitaire 2024-2025. L'une des motivations de ce programme tient dans le fait que «l'institutionnalisation de collaborations étroites sera très profitable notamment à la jeunesse de nos deux pays». Les historiens algériens et français travaillent à ce que «corps soit donné à la Déclaration d'Alger et que les missions imparties à la Commission mixte se concrétisent». Pour rappel, les coordinateurs des deux parties, algérienne et française, sont respectivement Mohamed Lahcen Zeghidi et Benjamin Stora.