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Farid Amrouche, Spécialiste en Géodynamique, à L’Expression

«Les incendies accélèrent ce phénomène»

Farid Amrouche est un enseignant- chercheur à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou (Ummto) et au Laboratoire de géodynamique des Bassins sédimentaires à l'université des sciences et technologies Houari Boumediene de Bab Ezzouar, à Alger (Usthb).

L'Expression: Expliquez-nous un peu le fonctionnement de ce phénomène d'envasement des barrages en général et de celui situé à Taksebt en particulier.
Farid AMROUCHE:L'envasement, c'est quelque chose de naturel. On connaît la vitesse de l'envasement de tous les barrages avant de les construire, mais quand il y a un évènement exceptionnel, ce rythme s'accentue. Dans le cas des incendies de l'été 2021, la disparition du couvert végétal dans le bassin versant du barrage, qui représente la zone d'alimentation du barrage en eau a fait que ce dernier reçoit, en plus de l'eau, le produit de l'érosion. Et puisqu'il y a la disparition du couvert végétal, l'érosion qui est un phénomène naturel aussi va s'accélérer du fait que la roche est exposée aux intempéries. Habituellement, les particules arrachées par la pluie vont habituellement dans les mers, mais l'existence des digues des barrages fait que ces dernières s'y déposent en se sédimentant dans le barrage. Ce qui va causer la diminution de la capacité d'emmagasinement en eau du barrage concerné.

Est-ce que, dans le cas du barrage de Taksebt, on peut évaluer cette accélération de l'envasement causée par les incendies de 2021?
Je ne peux pas vous donner un chiffre parce qu'il faut aller sur le terrain et mesurer. D'abord, avant la construction du barrage, l'agence spécialisée possède déjà des données sur la turbidité qui est la présence de particules solides dans l'eau. À la base de ces données, on peut déjà connaître la vitesse d'envasement naturelle du barrage avant la survenue des incendies. J'ai personnellement voulu profiter de la baisse de niveau pour aller mesurer via la prise d'échantillon par carottage du niveau de la boue qui s'est déposée depuis sa mise en service. Sur la base de cette procédure, on peut calculer la vitesse de sédimentation à l'état normal des choses.
Après les incendies, on connait la superficie du bassin versant et la nature de la roche avec les affluents qui viennent du Djurdjura, des Ouadhias, Iboudrarene, de Berkemouche, située entre Ath Freh et Larbaâ Nath Irathen et Assif Nath Abbès. Mais, à présent, on peut encore aller sur le terrain calculer le niveau de turbidité de chacun de ces affluents pour comparer avec les anciennes données. Or, en terme de logique et de bon sens, le fait de faire disparaître le couvert végétal du barrage de Taksebt qui est le barrage au rythme d'envasement le plus bas,celui-ci deviendra inéluctablement le barrage le plus envasé et le plus «envasable» parce que dans les zones arides, il n'y a pas de particules argileuses qui s'altèrent.

À présent qu'on a établi l'impact de cette érosion du sol sur le barrage de Taksebt, pouvez-vous proposer quelques solutions pour faire face au danger d'envasement accéléré?
Pour ce qui nous concerne, nous avons dès l'extinction des incendies, conseillé aux citoyens propriétaires des terres de construire des fascines, une sorte de banquettes construites sur les talus avec du bois comme les branches d'arbres brûlés pour empêcher le sol érodé d'aller plus loin. Cette solution sert à protéger d'abord, les terres qui sont utilisées dans l'agriculture et on diminue également la quantité de sédiments qui vont aller s'entasser dans le barrage. La deuxième solution concerne les concepteurs du barrage qui doivent, à sa construction construire des bassins de décantation pour ralentir l'envasement qui est un phénomène connu à l'état normal des choses. Cela ne demande pas de grands moyens pour construire de petites digues au niveau de tous les affluents. Ces digues reçoivent la matière solide qui arrive du bassin versant et l'empêche ainsi d'aller directement dans le barrage. Je tiens à signaler et on l'a signalé à temps, que le reboisement, même s'il est bon ne constitue pas une solution efficace dans ce cas de figure parce que le plus urgent étant de protéger le sol de l'érosion. Les plantes et les arbres ne poussent pas sur les roches saines et solides, mais plutôt sur des roches altérées, légères et argileuses.

Ces solutions en amont sont peu coûteuses, mais qu'en est-il des solutions consistant à désenvaser le barrage lorsque cela sera nécessaire et urgent?
Dans ce cas de figure, cela va nécessiter hélas, des moyens énormes et onéreux. Il existe des navires pour faire le désenvasement qu'on appelle le dragage. Jusqu'à présent, on peut dire qu'il n'est pas encore trop tard pour recourir à ces solutions faciles, bien sûr avec l'aide de l'État aux citoyens propriétaires des terres outre la construction des bassins de décantation pour ralentir la vitesse d'envasement. Mais, une fois que l'envasement atteint le stade où il altère considérablement les capacités mesurables du barrage, on devra alors recourir aux techniques onéreuses. Il existe des bateaux spécialisés dans le dragage. Le dragage se fait également au niveau des ports qui s'envasent également par ces bateaux. Un travail facile consistant à ramener ces bateaux dotés de pompes pour déplacer les sédiments apportés par les vagues. Mais dans un barrage, le travail est plus compliqué et plus coûteux parce qu'il va falloir acheminer ce bateau, pomper et sortir la boue puis l'emporter vers des lieux où elle ne peut pas revenir dans le barrage. L'opération nécessite beaucoup de moyens et donc beaucoup d'argent.

Un dernier mot?
Oui, j'aimerai dire que si on veut que ce barrage continue à emmagasiner de l'eau en quantités suffisantes pour alimenter les populations prévues, il faut des mesures très simples consistant à protéger le sol et construire des bassins de décantation.

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