Région stratégique du Mali
L'armée fait mouvement vers Kidal
Kidal occupe une place spéciale dans la géographie, la politique et les consciences sahéliennes. Elle est une étape cruciale entre le Mali et l'Algérie, à plus de 1.500 km et de 24 heures de route de la capitale Bamako.
Un important convoi de l'armée malienne s'est mis en mouvement hier à Gao en direction de la région stratégique de Kidal (nord), bastion de la rébellion touareg, ont indiqué hier deux responsables sécuritaires sous le couvert de l'anonymat.»Dans le cadre du réaménagement de notre dispositif dans le nord, nous avons commencé le redéploiement de nos forces dans la région nord-est de Kidal», a dit un responsable militaire malien à des médias sous couvert d'anonymat. Le convoi a quitté hier matin Gao, a environ 300 km au sud-ouest de Kidal, a-t-il dit. Un autre responsable sécuritaire a indiqué que le convoi était composé de 119 véhicules et était actuellement arrêté sur la route à plusieurs dizaines de kilomètres au nord de Gao. La décision de faire mouvement a été prise dimanche soir lors d'une réunion des chefs sécuritaires nationaux, a-t-il dit. Cette opération a lieu alors que le nord du Mali est le théâtre depuis fin août d'une reprise des hostilités de la part des groupes armés séparatistes à dominante touareg et d'une intensification des attaques terroristes contre l'armée malienne.
L'insoumission de Kidal, enjeu majeur de souveraineté, est un vieux motif d'irritation à Bamako, y compris pour la junte qui a pris le pouvoir par la force en 2020. Les colonels ont fait du rétablissement du contrôle de l'Etat sur tout le territoire un de leurs mantras. Kidal occupe une place spéciale dans la géographie, la politique et les consciences sahéliennes. Elle est une étape cruciale entre le Mali et l'Algérie, à plus de 1.500 km et de 24 heures de route de la capitale Bamako, à des centaines de km des autres grandes villes du nord, Gao et Tombouctou. Ce n'est pas l'Etat central qui la gouverne et y fait régner l'ordre, mais la Coordination des mouvements de l'Azawad, alliance de groupes armés à dominante touareg. La région de Kidal a été l'une des premières à tomber aux mains des rebelles, les uns indépendantistes, les autres salafistes, après le déclenchement des insurrections dans le nord en 2012. Elle est tombée ensuite sous la seule coupe des salafistes, puis été reprise par les séparatistes en 2013 dans le sillage de l'intervention française au Mali. Kidal est sous leur contrôle depuis lors. Les rebelles y ont infligé une déroute à l'armée malienne quand celle-ci a tenté d'en reprendre la maîtrise en 2014. Les groupes armés indépendantistes ou autonomistes ont signé un accord de paix avec le gouvernement en 2015. Les terroristes ont continué, eux, à combattre l'armée malienne et la présence étrangère et ont étendu leur agissements au centre du Mali et aux Burkina Faso et au Niger voisins, contribuant à plonger le Sahel dans une crise sécuritaire, humanitaire et politique profonde. Ces développements coïncident avec le retrait en cours de la mission de l'ONU, poussée vers la sortie par la junte. La Minusma a commencé à rétrocéder ses camps aux autorités maliennes. Les séparatistes estiment que les emprises onusiennes du nord devraient revenir sous leur contrôle en vertu des accords passés. Or la mission de l'ONU doit encore libérer ses camps de Kidal, mais aussi Aguelhok et Tessalit, encore plus au nord, d'ici au 31 décembre. Le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, a assuré en marge des récentes célébrations de l'indépendance que l'Etat reprendrait le contrôle de tous les territoires qui lui échappent. Parallèlement, la mise en oeuvre des dispositions d' l'Accord de paix issu du processus d'Alger connaît un certain retard déploré à plusieurs reprises par l'ONU et pour lequel le comité de suivi onusien que préside l'Algérie a lancé, voici quelques mois, un appel à davantage de progrès.