Espagne
La prudence des indépendantistes catalans
La désillusion des militants indépendantistes est allée crescendo depuis 2017 et leur mobilisation n'est plus ce qu'elle était.

Lundi était jour de commémoration et de grandes manifestations indépendantistes en Catalogne où on fêtait, comme chaque année, la prise de Barcelone un 11 septembre 1714 par les troupes du roi d'Espagne, Philippe V. L'ambiance était tout à la fois optimiste et réservée compte tenu du contexte politique dans lequel se trouve le pays, au lendemain des législatives anticipées convoquées en toute hâte par le Premier ministre sortant, Pedro Sanchez, au lendemain de la débâcle des élections locales. En cette circonstance de grand-messe annuelle, le mouvement indépendantiste catalan ausculte prudemment le rôle central qui lui est dévolu dans la composition du prochain gouvernement espagnol, tant les esprits sont échaudés par l'amère expérience du référendum organisé en 2017 et qualifié par Madrid de tentative de sécession, avec toutes les conséquences juridiques. Si certains veulent rêver et pensent que les pourparlers en cours devraient permettre aux formations politiques catalanes d' «obtenir un référendum d'indépendance», d'autres disent clairement leurs doutes et leurs refus de se laisser abuser par les promesses de Pedro Sanchez. Ils arguent, à ce titre, du fait que c'est bien le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez qui a conduit «la répression» à l'encontre des dirigeants responsables de la tentative de sécession. Les choses n'ont pas d'ailleurs changé d'un iota et le gouvernement espagnol demeure totalement hostile à un quelconque référendum d'autodétermination en Catalogne, une entorse grave à la Constitution selon lui. La désillusion des militants indépendantistes est allée crescendo depuis 2017 et leur mobilisation n'est plus ce qu'elle était. Du coup, on est loin du million de manifestants qui déferlaient dans les rues de Barcelone et ceci implique cela, à savoir un repli significatif des scores des partis indépendantistes, notamment lors des législatives de juillet 2023. Il n'empêche, sans eux, le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sanchez n'a aucune chance de rempiler et pour cela, il lui faut obtenir, coûte que coûte, leur adhésion. Devenus faiseurs de roi pour celui qui cherche une reconduction au pouvoir par le Parlement, ils ont des cartes maîtresses en main et c'est surtout le cas de Carles Puigdemont, principale figure du mouvement indépendantiste et porte-flambeau de la tentative de sécession en 2017. Or, celui-ci a exigé de la Gauche qui le courtise ouvertement une amnistie générale pour lui et ses compagnons poursuivis par la justice espagnole. Sans cela, le parti qu'il dirige, Ensemble pour la Catalogne (Junts per Catalunya), ne soutiendra pas Sanchez. C'est aussi l'avis de Pere Aragonès, chef de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), l'autre grand parti catalan, qui estime qu'il «faut profiter de cette force pour rendre possible tout ce qui n'a pas été possible». Réfugié à Bruxelles et privé de son immunité parlementaire de député européen, Puigdemont et ses compagnons vont donc tenter le quitte ou double.