Le chaos annoncé en Syrie
Le silence coupable de la Ligue arabe
Le sort des Arabes n’a jamais vraiment inquiété les Occidentaux. On l’a vu à Ghaza et au Liban, on le verra en Syrie.
Au moment où l'Union européenne s'est exprimée sur la chute de Damas, la Ligue des États arabes et l'Organisation de la conférence islamique sont demeurées muettes. Une gêne évidente à traiter collectivement sur une question centrale de la nation arabe et islamique. Il est entendu que ce qui se passe en Syrie, capitale de la Dynastie des Omeyyades, qui a rayonné sur tout le Croissant fertile et au-delà est en soi, une catastrophe historique pour une grande civilisation qui perd, pour ainsi dire, sa capitale. L'effondrement de la Syrie en tant qu'État-nation est, disent de très nombreux observateurs, irrémédiable. Personne n'ose imaginer un avenir national à un pays multiconfessionnel, multiethnique et plongé dans une guerre civile depuis 13 ans. Le chaos est entré dans Damas par le biais d'une organisation terroriste qui s'offre donc un État, des institutions, des territoires et peut donc s'y développer. Face à cette situation qui rappelle la séquence de l'État islamique, les pays arabes ont réagi dans la dispersion. Mais l'on retrouve néanmoins, dans ces réactions, la même préoccupation en rapport avec le chaos qu'il va falloir éviter. Cela, en sus de l'unité territoriale de la Syrie que les chefs d'État arabes voudraient voir sauvegarder. Autant de voeux pieux que partagent les capitales arabes qui n'ont pas cru nécessaire d'unir leurs voix dans une déclaration qui émanerait du secrétariat général de la Ligue des États arabes, à défaut d'un sommet extraordinaire réservé à la question de l'heure. Il va sans dire que cette dispersion cache mal une volonté de certains États arabes empressés de voir la page de la Syrie tournée, voire aussi celle du Liban et de la Palestine.
Encouragé par un enthousiasme «débordant» du camp occidental qui ne trouve pas de mots assez forts pour qualifier le «succès» de la coalition de l'opposition, les dirigeants arabes qui ont opté en faveur de la normalisation avec Israël semblent attendre la fin de l'épisode El Assad pour, ensuite, retourner à la table des négociations et signer une paix tronquée avec Tel-Aviv. Cette perspective sera, à n'en pas douter relancée par les États-Unis à la faveur du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le prochain homme fort de Washington ne s'est jamais embarrassé du droit international et encore moins des droits de l'homme. Cela augure d'une image assez peu glorieuse du Proche-Orient. La fin d'El Assad et son remplacement par un personnage catalogué comme terroriste notoire, ayant commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité sous la bannière de Daesh et d'El Qaïda, dit beaucoup de choses de ce qui attend les populations de la région. Mais le sort des Arabes n'a jamais vraiment inquiété les Occidentaux. On l'a vu à Ghaza et au Liban, on le verra en Syrie.