Les seigneurs de la guerre

Le ministère soudanais des Affaires étrangères a lancé, vendredi soir, de graves accusations contre les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) que dirige le général Mohamed Hamdane Daglo. Ils sont, disent les autorités proches du général Al-Burhane, responsables de l'assassinat délibéré de 120 civils au cours de massacres perpétrés deux jours durant dans l'État d'Al-Jazira. «
La milice Janjawid a commis un nouveau massacre dans la ville d'Al-Hilaliya, dans l'État d'Al-Jazira, faisant jusqu'à présent 120 martyrs, tués par balles, par empoisonnement alimentaire ou en raison du manque de soins médicaux pour des centaines de civils» assiégés, a affirmé le ministère dans un communiqué. Le gouvernement soudanais attribue systématiquement aux miliciens des FSR le qualificatif de «Janjawid» en raison de leur rôle particulièrement brutal au Darfour, comme durant les combats qui ont endeuillé cette région depuis 2003.
Les termes du communiqué sont corroborés par la déclaration émanant du Syndicat des médecins soudanais, une organisation autonome proche du courant démocratique, selon laquelle les mercenaires des Forces de soutien rapide ont détenu plusieurs personnes à l'intérieur des mosquées, «après avoir pillé et volé tous les biens des habitants de la ville d'Al- Hillaliya». Ils ne leur ont permis de s'en aller qu'en échange du paiement de rançons, chose impossible compte tenu «des pillages et des vols à grande échelle dont ils ont été victimes». Selon le témoignage de personnes présentes sur place, les FSR ont imposé un siège de deux semaines à la ville, interdisant à ses habitants de fuir alors que leurs attaques se sont considérablement intensifiées depuis des semaines dans tout l'État d'Al-Jazira où l'un des principaux commandants de cette faction rebelle a fait défection pour rejoindre l'armée soudanaise. En octobre dernier, on déplore la mort de plus de 200 personnes dans les combats féroces qui opposent l'armée régulière aux milices des FSR à Al-Jazira et dans ses alentours.
Quant aux agences onusiennes concernées, elles évaluent à plus de 135 000 personnes le nombre de déplacés, des victimes qui vont s'ajouter aux millions d'autres déjà regroupées dans des camps au Tchad, en Éthiopie et en Égypte. Outre les dernières estimations de l'ONU, le conflit a fait des dizaines de milliers de morts et déplacé plus de 11 millions de personnes, dont 3,1 millions se sont aujourd'hui réfugiées hors de ses frontières, selon l'Organisation internationale pour les migrations.
Le conflit dont plusieurs tentatives de conciliation n'ont pu venir à bout est en train de provoquer l'une des pires crises humanitaires de l'histoire récente, nonobstant les crimes qui continuent malgré les mises en garde et les condamnations de la communauté internationale. Le Soudan est ainsi tributaire du bon vouloir des seigneurs de la guerre qui lorgnent ouvertement sur ses richesses naturelles.