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Après le référendum constitutionnel

Que va devenir la Tunisie?

Plusieurs experts notent qu'il n'y a pas pour le moment de restrictions à la liberté d'expression en Tunisie.

Après la victoire à 94,6% mardi du «oui» au référendum sur une nouvelle Constitution qui renforce les pouvoirs présidentiels, la Tunisie, seule démocratie issue du Printemps arabe de 2011, se dirige vers «un durcissement» de son régime politique, selon des experts, évoquant «une dictature aménagée». La nouvelle Constitution défendue par le président Kaïs Saïed doit entrer en vigueur dès la proclamation des résultats du référendum. Les premiers chiffres officiels sont tombés mardi mais les autorités ont jusqu'à fin août pour publier des chiffres définitifs. Pour l'analyste Youssef Cherif, «il n'y aura pas de changement immédiat car Kaïs Saïed ne fera (avec la nouvelle Constitution, ndlr) qu'officialiser une situation qui dure depuis un an», quand ce président élu démocratiquement en 2019, s'est arrogé les pleins pouvoirs, jugeant le pays ingouvernable.
D'ici à la prochaine échéance électorale, les législatives prévues le 17 décembre, grâce à la nouvelle Constitution, «Kaïs Saïed aura plus de pouvoirs qu'un pharaon, qu'un calife du Moyen Âge ou que le bey de Tunis (sous les Ottomans)», dit à l'AFP le politologue Hamadi Redissi. Selon lui, le président est «décidé à passer en force» et «à aller très vite en besogne» pour arriver aux législatives avec «une opposition exténuée qui sans doute boycottera les prochaines échéances» comme pour le référendum. «Il gouverne seul, l'opposition est marginalisée, la population est désintéressée», confirme Youssef Cherif.

Peut-on dire que l'on va vers une dictature?
«La Tunisie va vers un système moins parlementaire et plus présidentiel. Les exemples de la région et de l'histoire tunisienne indiquent que ceci va conduire à un durcissement du régime et à moins de démocratie», estime M. Cherif. On peut parler de «dictature aménagée», estime Hamadi Redissi: ce sera «la stratégie de la cocotte-minute, on préserve des espaces de liberté comme le fait Poutine en Russie ou les monarchies absolues du Golfe mais ce n'est pas une vraie démocratie». Plusieurs experts notent qu'il n'y a pas pour le moment de restrictions à la liberté d'expression en Tunisie. Youssef Cherif souligne cependant que «les forces de sécurité se sont renforcées ces derniers mois et que leur popularité ainsi que celle de l'armée est toujours élevée». Ce qui fait, selon lui, que «les contestataires auront moins de libertés dans les semaines qui viennent».

Qu'est-ce qui pourrait freiner l'élan de Kaïs Saïed?
Il n'est pas garanti, selon les analystes, que la société civile tunisienne, constituée d'environ 24 000 associations, partis et ONG, et qui fut la protagoniste de la Révolution de 2011, puisse se rebeller. «Jusqu'à présent la résilience des acteurs politiques a été contrebalancée par la fragilité des institutions démocratiques tunisiennes (...) il a suffi d'une étincelle avec le coup de force de Kaïs Saïed pour que tout s'embrase, comme un feu de forêt qu'on n'arrive pas à arrêter», souligne M.Redissi. La situation économique catastrophique pourrait être un frein en raison des décisions douloureuses pour la classe moyenne et les couches défavorisées que le gouvernement va devoir prendre afin d'obtenir un prêt du Fonds monétaire international (FMI) attendu depuis trois ans. D'autant que «de plus en plus de Tunisiens vont imputer leur mauvaise situation économique au président maintenant qu'il est seul maître à bord», note M. Cherif. «Mais il faudra du temps, peut-être un an et demi pour que l'exaspération atteigne son comble», prévoit M. Redissi.
«Il y a encore des contrepouvoirs», souligne M. Cherif, citant la puissante centrale syndicale UGTT, colauréate du prix Nobel de la Paix 2015, mais aussi «une pléthore de partis politiques et d'ONG qui vont se faire de plus en plus bruyants une fois les vacances d'été terminées».

Et l'opposition?
L'opposition est «aujourd'hui divisée et stigmatisée», dit M. Cherif, en particulier le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, qui a dominé toutes les coalitions gouvernementales des 10 dernières années. Mais «la liesse populaire va être confrontée aux réalités économiques sur lesquelles les différentes forces de l'opposition vont baser leurs messages».
M. Redissi est moins optimiste, disant craindre que M. Saïed ne cherche à «asphyxier progressivement» les formations politiques, «comme une plante qu'on n'arrose plus».
Le politologue en veut pour preuve une loi en préparation pour régir le fonctionnement des associations, partis et ONG.
Il avertit: même si M. Saïed a assuré qu'il n'allait pas dissoudre «les partis, déjà très faibles et en crise, il va les étouffer avec des mesures draconiennes sur leur financement et organisation».
L'Union européenne a «pris note» des résultats provisoires du référendum constitutionnel organisé en Tunisie et a appelé les autorités à «préserver» les libertés fondamentales dans une déclaration publiée au nom des 27 par le chef de la diplomatie Josep Borrell.

L'UE appelle à «préserver» les libertés fondamentales
L'UE constate que le référendum du 25 juillet a été marqué par «une faible participation» et insiste sur la nécessité d'un «large consensus» entre les forces politiques et la société civile pour «toutes les réformes politiques et économiques importantes qu'entreprendra la Tunisie». «La légitimité et la durabilité de ces réformes en dépendra», insiste la déclaration.
L'élection du Parlement en décembre «formera la pierre angulaire du retour du pays à un fonctionnement régulier des institutions, dans le plein respect des principes démocratiques, en particulier la séparation des pouvoirs, la consolidation de l'Etat de droit, le pluralisme ainsi que le respect des droits humains et des libertés fondamentales», soulignent les 27.
«La liberté d'expression, la liberté de la presse, la liberté de manifestation ainsi que les autres libertés fondamentales sont des valeurs essentielles des Etats démocratiques, auxquelles l'Union européenne tient tout particulièrement et qui doivent être préservées», insistent-ils dans leur déclaration.
Le président tunisien Kaïs Saïed a engrangé un succès avec l'adoption à une large majorité d'une nouvelle Constitution qui lui octroie de vastes prérogatives au risque de mettre en péril la jeune démocratie tunisienne, mais le faible taux de participation entame la légitimité du processus, selon ses opposants.

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