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SOMMET ETATS-UNIS - CORÉE DU NORD:LE PRÉSIDENT AMÉRICAIN, DONALD TRUMP, ET LE LEADER NORD-CORÉEN, KIM JONG-UN SE SONT RENCONTRÉS HIER À SINGAPOUR

Un premier pas vers la paix?

Du côté américain comme du côté nord-coréen, les attentes sont grandes, mais les difficultés à surmonter d'autant plus difficiles que les enjeux sont importants. Il faudra un réel esprit de compromis et beaucoup d'imagination, de constance et de temps (des années) pour dénouer les noeuds gordiens.

Au-delà des sourires, des échanges d'amabilité et des poignées de main vigoureuses, il restera du Sommet de Singapour entre le président américain, Donald Trump, et le leader nord-coréen, Kim Jong-Un, un bref communiqué conjoint qui repose sur deux engagements réciproques: le premier «s'engage à fournir des garanties de sécurité à la Corée du Nord», répondant ainsi à un ancien souhait porté par les dirigeants successifs de ce pays; le second s'engage de façon «ferme et inébranlable», en faveur d'«une dénucléarisation complète de la Péninsule coréenne» et non de la Corée du Nord seulement comme le voulaient les Américains. Les deux parties sont restées vagues, se contentant d'annonces générales. Par ailleurs, aucun calendrier n'a été arrêté. Le communiqué conjoint ne réserve aucune surprise. Tout reste à faire; c'est le début d'un processus qui sera long et difficile.
Avant le sommet, les Etats-Unis avaient placé la barre très haut en demandant avec insistance une dénucléarisation «complète, vérifiable et irréversible» de la Corée du Nord. Alors que Pyongyang avançait une formule vague, à savoir la «dénucléarisation de la Péninsule coréenne», qui a finalement prévalu dans le communiqué conjoint. Les Américains ne vont pas pour autant renoncer à défendre crânement leur position lors des prochaines négociations.
Sommairement, celle-ci s'articule autour des points suivants:
1-Le démantèlement des quelques armes qui constituent le stock nucléaire nord-coréen (ce qui exclut la reconnaissance du statut de puissance nucléaire à la Corée du Nord). Une telle opération est techniquement réalisable puisqu'il y a des précédents comme le démantèlement du programme nucléaire militaire sud-africain, après la fin du régime d'apartheid en Afrique du Sud, ou celui auxquels Moscou et Washington ont procédé dans le cadre des accords Start qui ont permis des réductions importantes de leurs arsenaux nucléaires stratégiques (portée supérieure à 5 500 km). Le régime nord-coréen ne se résoudra à se séparer de son «assurance-vie» que lorsqu'il aura toutes les garanties de sécurité qu'il souhaite. Il est probable qu'il ne se contentera pas de conclure cette importante question en tête-à-tête avec les Etats-Unis. Il pourrait demander à ce que les garanties américaines soient complétées par celles de ses deux voisins: la Chine et la Russie.
2-Le démantèlement des capacités de production des matières fissiles qui servent à fabriquer des armes nucléaires. On sait que Pyongyang fabrique du plutonium et de l'uranium de qualité militaire. Une telle opération contribuerait à assurer l'irréversibilité du processus de désarmement à condition que soient pris en charge les stocks de matières fissiles existants.
3-Un régime robuste de vérification. On sait que celui-ci est l'épine dorsale de tout accord de non-prolifération et de désarmement nucléaires. Trump ne peut pas, sans perdre en crédibilité, demander à la Corée du Nord moins que ce que l'Iran a accepté dans le cadre du Jcpoa du 15 juillet 2015 que Obama a porté à bout de bras et que lui a «déchiré». Concrètement, ceci signifie que la Corée du Nord devra retourner au TNP, qu'elle a quitté en 2003, et adhérer au Protocole additionnel aux garanties de l'Aiea. Ce qui se traduit par l'accès immédiat des inspecteurs de l' Aiea à tous les sites déclarés et non déclarés. Ces inspections intrusives feraient de la Corée du Nord un pays largement ouvert alors que le mystère qui l'entoure contribue à cultiver la crainte qu'il inspire. En outre, les Américains, toujours suspicieux concernant l'efficacité de l'agence de Vienne en matière d'inspection (ils viennent de désavouer celle-ci en dénonçant l'accord sur le nucléaire iranien du 15 juillet 2015) chercheront probablement à envoyer sur place leurs propres inspecteurs. Des pilules pour le moins difficiles à avaler par le régime nord-coréen.
La demande de garanties de sécurité par la Corée du Nord, qui est permanente et ancienne, a été réactivée depuis l'annonce du sommet. En contrepartie, Pyongyang se contentait de répéter qu'elle était favorable à «la dénucléarisation de la Péninsule coréenne». S'agissant de garanties de sécurité, le régime nord-coréen les voudra solides. Se posent ainsi plusieurs questions: l'évacuation des 30.000 soldats américains qui occupent un chapelet de bases couvrant le territoire de la Corée du Sud (selon Trump cette question n'a pas été discutée lors du sommet); la fin des exercices militaires conjoints entre les armées américaine et sud-coréenne qui font régulièrement monter la fièvre dans la péninsule (il est facile de renoncer à ces exercices qui, de l'avis de tous, sont contre-productifs); ou encore la levée du parapluie nucléaire américain dont bénéficie la Corée du Sud (et le Japon). Les Etats-Unis accepteront-ils de «libérer» un de leurs points forts en Asie au moment où leur présence même dans la région est contestée par la Chine?
Du côté américain comme du côté nord-coréen, les attentes sont grandes, mais les difficultés à surmonter d'autant plus difficiles que les enjeux sont importants. Il faudra un réel esprit de compromis et beaucoup d'imagination, de constance et de temps (des années) pour dénouer les noeuds gordiens. D'ailleurs, avant même le sommet, faisant preuve de réalisme, Donald Trump avait fini par déclarer: «Nous allons entamer un processus...nous n'allons pas signer quelque chose (un accord sur la dénucléarisation de la Corée du Nord) le 12 juin», «je n'ai jamais dit que ce serait réglé en une réunion».
Maintenant que les deux parties ont pris des engagements devant le monde entier, la communauté internationale devrait veiller à ce qu'ils les respectent. Il serait dramatique pour la paix de penser que la Corée du Nord est étranglée par les sanctions au point qu'elle serait prête à avaler une pilule amère si on lui faisait miroiter une aide économique alléchante et de vagues promesses de garanties de sécurité. On retomberait alors dans les errements du passé. La leçon devrait être tirée des occasions ratées dont quelques-unes sont rappelées ci-après:
- en 1994, la Corée du Nord a extrait de sa centrale nucléaire de Yongbyon du combustible irradié suffisant pour lui permettre de fabriquer plusieurs bombes. Washington envisagea une frappe préventive contre les installations nucléaires nord-coréennes, ce qui aurait pu déboucher sur une guerre dans la péninsule. Le salut vint de l'ancien président Carter qui réussit à persuader le leader nord-coréen de geler son programme nucléaire et d'ouvrir des négociations avec l'administration Clinton. Le numéro deux du régime nord-coréen fut reçu à Washington et la secrétaire d'Etat américaine, Madeleine Albreight, se rendit à Pyongyang. L'accord-cadre qui résulta de ces contacts se présentait comme suit: la Corée du Nord accepte de démanteler le site de Yongbyon en contrepartie de la normalisation des relations avec les Etats-Unis qui lèveraient les sanctions, livreraient 500.000 tonnes de fioul par an et construiraient trois réacteurs à eau légère qui ne produisent pas de matières fissiles de qualité militaire. Le président Bill Clinton perdit la majorité au Sénat et aucune partie ne tint ses engagements.
En 2002, le président Bush fils réactiva les hostilités en dénonçant l'accord-cadre de 1994 et en classant la Corée du Nord dans l'«Axe du mal», aux côtés de l'Irak et de l'Iran. A ce titre, ces pays pouvaient faire l'objet de frappes préventives. Pyongyang renvoya les inspecteurs de l'Aiea, annonça son retrait du TNP et reprit la production de plutonium. Des négociations à six (les deux Corées, la Chine, les Etats-Unis, la Russie et le Japon) furent lancées à Pékin en 2003. Elles trainèrent en longueur sans résultat. En 2006, la Corée du Nord procéda à son premier essai nucléaire (qui sera suivi de cinq autres) et développa en parallèle un programme balistique, ce qui lui valut, la même année, les premières sanctions du Conseil de sécurité. (elle finira par se doter d'un missile balistique intercontinental -(ICBM)-).
Arrivé au pouvoir en 2008, le président Obama, acquis à l'idée d'«un monde sans armes nucléaires», renonça à la rhétorique belliqueuse de son prédécesseur et privilégia la politique de «la main tendue». Cette politique n'eut pas de succès. Pyongyang reprit les tirs de missiles, se retira des pourparlers à six en 2009 et procéda à un deuxième essai nucléaire.
A la même période, les incidents se multiplièrent entre les deux Corées, surtout en 2010 alors que Kim Jong-II commençait à se retirer en faveur de son fils, Kim Jong-Un: un sous-marin nord-coréen coule une corvette sud-coréenne faisant 46 victimes; l'artillerie nord-coréenne bombarde, pour la première fois depuis la fin de la guerre en 1953, une île habitée par des Sud-Coréens, faisant des victimes et des dégâts matériels. Une fois la tension portée à son paroxysme, Pyongyang fit quelques gestes d'apaisement. Ils furent jugés insuffisants par Washington qui demandait «la dénucléarisation complète de la Corée du Nord». Adoptant une attitude résolument offensive, Pyongyang poursuivit résolument ses essais nucléaires et ses tirs de missiles balistiques, malgré les condamnations du Conseil de sécurité et l'aggravation des sanctions. Ce pays est aujourd'hui un Etat doté de l'arme nucléaire déclaré de facto comme le sont l'Inde, Israël et le Pakistan, seuls Etats au monde à rester en dehors du TNP. C'est aussi une puissance balistique et spatiale.
S'étant doté des moyens nécessaires pour garantir sa sécurité, ayant accepté les privations consécutives aux sanctions et les risques de guerre pour arriver à ses fins, il est très peu probable que le régime nord-coréen accepte de déposer les armes sans obtenir de solides contreparties. Le communiqué conjoint signé à l'issue du Sommet de Singapour n'est que le premier pas d'un voyage qui sera long et difficile et dont l'aboutissement ne bénéficie d'aucune garantie. Pour passer des déclarations aux actes, le chemin sera long et semé d'embûches. On pourra commencer à se faire une idée sur la nouvelle direction des relations entre Washington et Pyongyang lorsque les Etats-Unis dévoileront la nature des garanties de sécurité qu'ils envisagent d'accorder à la Corée du Nord, lorsque cette dernière prendra des mesures concrètes de désarmement et lorsque les sanctions commenceront à être levées. Le monde attend et espère. La Chine a déjà salué le début d'une «nouvelle histoire» et appelé son voisin à «une dénucléarisation complète».

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