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Abdelhamid Larbi Chérif, colonel à la retraite et expert, à L’Expression

«La Turquie attise le conflit»

Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le colonel à la retraite et expert en sécurité, Abdelhamid Larbi Chérif, nous explique les tenants et les aboutissants du conflit libyen.
L’Expression : Quelle est la situation en Libye sur le plan sécuritaire ?
Abdelhamid Larbi Chérif : La situation sécuritaire en Libye est on ne peut plus grave. Sur le plan militaire, on retient l’existence de deux forces antagonistes. D’un côté, les troupes du maréchal Haftar qui contrôle l’est du pays, appuyé par le Parlement non reconnu de Tobrouk, et de l’autre, l’armée du gouvernement reconnu par l’ONU, dirigé par al Serraj. Ces deux acteurs se font face depuis des années et laissent des groupes terroristes de Daesh, des salafistes djihadistes et des milices sécuriser les zones pétrolières. Ces dernières ont fait allégeance à des tribus en fonction des intérêts. Dans les faits et indépendamment des étiquettes, le pays est sous le contrôle de milices qui y imposent leur loi. Outre, cet aspect qui complique considérablement la maîtrise de la sécurité, les groupes terroristes rendent quasi impossible tout espoir de rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire. Il est évident que la Libye est actuellement sur un véritable volcan sécuritaire. Et ce ne sont certainement pas les ingérences étrangères qui arrangent les choses, bien au contraire. Cela augmente l’autonomie des milices et donne plus de champ aux terroristes. Cela, c’est ce qu’on constate sur le terrain. Maintenant, au plan strictement stratégique, je suis enclin à penser que le dossier est passé sous contrôle des Etats-Unis. La France vient en deuxième position en matière d’influence sur les protagonistes. Ces derniers comptent parmi eux, des éléments acquis à l’Italie et la Grande-Bretagne. D’autre part, il faut noter le poids, visiblement déterminant de l’Égypte, les EAU et l’Arabie saoudite. Un acteur-surprise est venu, ces derniers jours, ajouter un surplus de tension dans le paysage libyen. Il s’agit, bien entendu, de la Turquie, appuyée par le Qatar. Chaque pays apporte sa strate de complexification d’un conflit où le seul grand absent se trouve être le peuple libyen. Ce qui fait courir tout ce beau monde, ce n’est pas l’intérêt des Libyens, mais les bénéfices à tirer de la reconstruction du pays et les immenses réserves d’hydrocarbures, parmi les plus importantes au monde.
En quoi l’intervention turque compliquera-t-elle la crise libyenne ?
L’intervention turque risque de compliquer la situation, pour la simple raison qu’elle suscitera une entrée en guerre de l’Egypte qui soutient les troupes de Haftar. D’autres acteurs ne voudront pas être en reste. Ils se joindront au conflit qui se compliquera certainement. Le pays connaîtra une spirale de violence dont il sera très difficile d’en sortir. Si aujourd’hui, il existe deux fractions dominantes, à l’ est Haftar et au centre et à l’ouest le gouvernement reconnu par l’ONU, l’intervention turque démultipliera les acteurs. Et pour cause, la Turquie a dépêché sur place des milices armées acheminées à partir du nord-est syrien, dont des groupes syriens et des Turkmenes. Le plus inquiétant dans le futur champ de bataille, c’est l’absence d’un Etat central susceptible de contrôler les troupes. Lesquelles sont composées, en partie, de groupes terroristes, de milices armées et de services de renseignement des puissances.
Quels sont les risques sur la région en général et l’Algérie en particulier ?
Le risque est grand en cas de l’effondrement de la Libye. L’anarchie régnera et le pays se transformera en terre d’asile pour les terroristes de tous bords. Il faut dire que cela arrange les agendas des puissances néocoloniales. Les prochains pays sur leur liste seront l’Algérie et l’Égypte, si l’on tient compte du plan initial qui prévoit le partage des pays arabes en petits Etats faibles. Le conflit libyen est, en réalité, un point de départ pour l’exécution d’un vaste plan de déstabilisation de toute l’Afrique du Nord. N’oublions pas que l’objectif des USA est d’assurer le contrôle total de toute la zone qui va de la Corne d’Afrique et le golfe du Ghana jusqu’au Sahara algérien en passant par la Libye. Les puissances occidentales cherchent à en finir avec les Etats-nations pour s’offrir les richesses en énergies fossiles.
Que peut faire l’Algérie pour éviter l’embrasement de la Libye et toute la région du Sahel ?
L’Algérie a beaucoup d’atouts : une armée puissante et forte, des alliances solides avec des tribus tout le long des frontières de 983 km avec la Libye, une aura certaine qui favorise sa médiation. L’Algérie a une influence reconnue sur une grande partie des tribus du Sud. Le point le plus important dans les atouts dont dispose l’Algérie est la confiance du peuple libyen, aujourd’hui absent dans la crise. C’est ce respect certain qui donne à l’Algérie la légitimité d’imposer une solution négociée au conflit. En fait, actuellement la conviction dominante est qu’il est possible de régler la crise grâce à une médiation algérienne. Cela est d’autant plus vrai que depuis le 4 avril 2019, les troupes de Haftar n’ont pas pu avancer. Les deux belligérants sont à court de moyens. Le moment est propice en faveur de négociations pour trouver une issue au conflit. C’est ce qu’entreprend l’Algérie, ces derniers jours.

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