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Massacre du 17 octobre 1961 à Paris

Le FLN met les bouchées doubles

Pour convaincre les policiers, Papon leur a dit : «Réglez vos affaires avec les Algériens vous-mêmes. Quoi qu’il arrive, vous êtes couverts.»

Les négociations entre le GPRA et le gouvernement français en cours trébuchent. Chaque partie veut avoir des cartes fortes pour mieux négocier. Dans ce contexte, Maurice Papon, préfet de police de Paris, tente de faire croire que les militants du FLN ne sont en réalité que des terroristes aveugles et inconscients. Il faut donc «abattre le FLN pour lui ôter toute prétention à la représentativité exclusive au moment des discussions à venir», écrit Ali Haroun dans La 7ème wilaya. Ainsi, le 6 octobre 1961, Papon publie le communiqué suivant: «Dans le but de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes, des mesures nouvelles viennent d'être décidées par la préfecture de police. En vue d'en faciliter l'exécution, il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement de 20h 30 à 5h 30 du matin (...) D'autre part, il a été constaté que les attentats sont la plupart du temps le fait de groupes de trois ou quatre hommes. En conséquence, il est très vivement recommandé aux Français musulmans de circuler isolément, les petits groupes risquant de paraître suspects aux rondes et patrouilles de police». Comme il leur est interdit d'ouvrir leurs locaux commerciaux au-delà de l'heure indiquée.
La Fédération de France du FLN devait donc réagir. Lors d'une réunion du comité fédéral, le 10 octobre, elle décide d'une riposte en trois étapes: 1- durant deux soirs consécutifs: manifestations de masse de tous les émigrés, défileront après 20 heures; 2- une grève de tous les commerçants qui tiendront leurs locaux fermés toute la journée, en signe de solidarité avec les travailleurs; 3- les femmes sont appelées à manifester devant les divers lieux de détention ou d'internement.
Comme on le voit, les arrestations massives sont envisagées par le FLN. Mais le pire allait venir. Le jour du boycott est fixé au samedi suivant, le 14 octobre, puis reporté au 17, pour mieux se préparer.
«D'après le rapport de synthèse des chefs de wilaya, le responsable de l'organisation pense que le FLN a dû mobiliser dans Paris même un minimum de 50 000 éléments, sans compter plusieurs dizaines de milliers d'autres bloqués en banlieue par la police qui n'ont pas pu atteindre leur point de ralliement. Une erreur d'interprétation des directives de la fédération va encore permettre à la police de prendre des mesures de refoulement, sans lesquelles le nombre de manifestants eût été infiniment supérieur», rapporte Ali Haroun.
À 29 heures, les travailleurs algériens de la région parisienne entreprennent «une longue marche silencieuse à travers les artères de la capitale». «Il vont surgir de partout,, à l'Etoile et à Bonne-Nouvelle, à l'Opéra et à la Concorde, sur les avenues, sur les boulevards, aux portes de la ville, au pont de Neuilly. Ces portes que Papon leur fermait, 50 000 Algériens les ont franchies. Avec stupeur, parfois avec inquiétude, les Parisiens ont brusquement découvert l'existence de ces hommes. Et ce fut une révélation: des hommes résolus, calmes, parfaitement maîtres d'eux-mêmes, disciplinés et qui déferlaient dans les rues en vagues puissantes, irrésistibles», poursuit Haroun.
Les ordres de Papon sont donnés: «Réglez vos affaires avec les Algériens vous-mêmes. Quoi qu'il arrive, vous êtes couverts.». Et la riposte est terrible: «À l'Etoile, dans les enclos faits sur les trottoirs avec des barrières métalliques utilisées pour les cérémonies, des milliers d'hommes sont étroitement serrés les uns contre les autres, visages blessés, mains sur la nuque...les coups pleuvent. Aucun Algérien ne riposte. Avenue de la Grande-Armée, on entend des détonations. Au coin de l'avenue de Wagram, une trentaine de femmes et de jeunes filles, avec des enfants, désespérées, hurlent en arabe ou en français...». Mêmes scènes aux Avenues Mac Mahon et Hoche, aux Ternes, rue de Courcelles, dans les ruelles «des files d'hommes sont là, nez au mur, dos à la pluie, attendent sous la menace des mitraillettes (...) une première charge de police a eu lieu à l'angle du boulevard du Palais et du quai des Marchés-Neufs. Les gardiens de paix frappent à coups de bâtons blancs, de crosses de mitraillettes. Une seconde charge a eu lieu devant le café le Terminus, boulevard Saint -Michel à 20h 30. les vitres éclatèrent sous la poussée massive des Algériens tassés et frappés à coups redoublés, rapporte Libération. Bientôt les cars de police pleins de victimes saignantes et gémissantes, des bras et des jambes d'hommes évanouis pendant par les fenêtres (...) devant le café la Source, un homme reste le nez dans le ruisseau. Il ne bouge plus. Le sol est jonché de souliers et de bérets. D'un bout à l'autre du boulevard des taches de sang se diluent sous la pluie. Sans cesse, des cars bleus ramassent leur cargaison de blessés».
La chasse aux manifestants se poursuit. Et la préfecture de police déclare qu'au cours des opérations des coups de feu ont été tirés contre les membres du service d'ordre qui ont riposté» en faisant état de seulement deux morts, selon la même source.
Des hommes blessés sont jetés dans la Seine, les morts sont ramassés à la pelle, le sang coule à flots. La nuit du 17 au 18 octobre rappelle d'autres nuits, comme celles de Sétif et Guelma ou de l'occupation de Paris par les nazis.
Le lendemain, le communiqué de la police dresse son bilan: 20 00 manifestants, 11 638 arrestations, 9 blessés parmi les policiers, 2 morts et 64 blessés parmi les manifestants. Appelé à s'expliquer devant le conseil municipal, Papon refusera de répondre aux questions. Selon les officiels français, on aurait recensé «15 000 arrestations, dont 3 000 maintenues et plusieurs dizaines de morts» et 1500 furent refoulés vers l'Algérie.
Jusqu'à aujourd'hui, il n'y a pas de chiffre officiel du carnage et les responsables français successifs refusent de reconnaître ce crime, ni de présenter des excuses au peuple algérien, qui a arraché son indépendance 8 mois plus tard.

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