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2e jour du procès des ex-hauts cadres de l’état et hommes d’affaires

Les milliards du cinquième mandat

Le deuxième jour du procès qui braque toutes les attentions, a été celui des confrontations. Hommes d’affaires et hommes politiques se rejettent la balle. En fait, dans ce procès traitant du volet de l’industrie de montage automobile, les concessionnaires mis en examen, à savoir Mazouz, Larbaoui et Baïri, ont tous bénéficié d’une exonération des taxes douanières et de la TVA, de manière illégale puisqu’ils ne répondaient pas aux critères exigés par la loi. Une perte importante évaluée en milliards de dinars a été causée au Trésor public.
Mais le fait marquant de la journée est, sans conteste, les révélations faites sur le financement du 5ème mandat de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika. Plus de 250 milliards de centimes collectés auprès de ces hommes d’affaires, se sont volatilisés ! Récit d’une deuxième journée de révélations. Dès dix heures, les deux ex-Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, le fils de ce dernier, Farès, ainsi que les anciens ministres de l’Industrie Youcef Yousfi, Mahdjoub Beda, des Travaux publics Abdelghani Zalène, et les hommes d’affaires Hassan Larbaoui, patron du groupe KIA Motors Algérie, Mohamed Baïri, patron du groupe Ival, Ahmed Mazouz, propriétaire du groupe qui porte son nom, et Ali Haddad, patron de l’Etrhb ont rejoint le banc des accusés.
Ahmed Mazouz, le P-DG du groupe éponyme, est le premier à être appelé à la barre, dès l’ouverture de la séance par le juge. Accusé entre autres d’incitation des fonctionnaires pour l’obtention d’indus avantages, corruption, blanchiment d’argent et financement occulte de la campagne électorale, l’accusé qui a nié en bloc toutes les charges retenues contre lui, a commencé son intervention par rappeler qu’il a toujours été une victime car exclu par le ministère de l’Industrie et l’ex-gouvernement de la liste des concessionnaires retenu pour le montage automobile. Mazouz soutient mordicus qu’il n’a jamais bénéficié d’une dérogation lui offrant des exonérations. «Je n’ai eu mon agrément qu’en avril 2018, plus d’une année après tout le monde» insiste le prévenu. Il sera vite confronté au juge qui d’une question à une autre va lui rappeler les avantages dont il a bénéficiés. Le magistrat lui demande la raison pour laquelle il a été rajouté à la liste tout en soulignant qu’une fois son dossier rejeté par le ministère de l’Industrie, il avait introduit un recours auprès de l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Ce dernier, dans une correspondance à son ministre, Youcef Yousfi, avait donné son approbation pour accorder une exonération à Mazouz. Et ce sont les confrontations avec Ouyahia et Yousfi qui vont révéler le pot aux roses. Ouyahia, toujours serein, maintient qu’il n’a accordé aucun avantage à Mazouz mais que c’est la loi qui lui a permis d’en bénéficier. Ce ne sera pas suffisant pour convaincre, surtout après les déclarations de Youcef Yousfi. L’ex-ministre va rappeler son désaccord public avec son chef hiérarchique. «J’ai fait des déclarations publiques, dès ma nomination et tout le monde s’en rappelle» a lâché Yousfi pour se disculper de l’approbation du dossier « non conforme » du groupe Mazouz. Il sera d’ailleurs appuyé par un autre prévenu, appelé à ce moment à la barre pour éclairer le tribunal. Il s’agit de l’ex-président de la commission du rapport technique du Conseil national des investissements (CNI) qui a rappelé le fait qu’il avait dûment consigné les réserves de sa commission sur les faveurs concédées par Ouyahia au groupe Mazouz.
Documents à l’appui, le juge va expliquer à Mazouz qu’il a bénéficié d’exonérations bien avant l’entrée en vigueur de la loi et qu’il est le seul à avoir bénéficié de la suppression du critère du partenaire étranger. Rappelé à la barre, Ahmed Ouyahia tente de justifier les raisons de l’exception Mazouz mais ce sont plus des tergiversations que des arguments valables. «Le décret n’a été ni modifié ni annulé pour intégrer Mazouz, c’est la liste des 5+5 qui a été élargie à 40. De ce fait, il est clair que nous ne lui avons pas fait de faveur. En ce qui concerne le partenaire étranger, tous les concessionnaires n’en avaient pas au début», explique Ouyahia avant d’assurer «il n y avait aucun différend entre Yousfi et moi».
Après Ouyahia et Yousfi, est venu le tour de Abdelmalek Sellal pour un face-à-face avec Mazouz. Le fils de l’ex premier ministre, Farès, est l’associé de Mazouz à hauteur de 23% dans l’une de ses entreprises, créée en partenariat avec un autre accusé, le patron du groupe Ival, Mohamed Baïri. Farès a obtenu le quart des actions de la société sans y avoir versé un centime. Le juge demande à Sellal s’il ne s’agit pas d’une contrepartie des facilitations qu’il a accordées aux associés de son fils. Evidemment non, à en croire l’ex-directeur de campagne de l’ancien président qui va, de nouveau, évoquer «la grande expérience» de son fils, seule motivation du choix des deux concessionnaires pour le nommer à la tête de leur entreprise. Il ne manquera, cependant pas, d’étonner tout le monde en affirmant n’avoir pas été au courant que son fils détenait le quart des parts dans un groupe qui brasse des milliards en fabriquant des camions de gros tonnage. C’est d’ailleurs cette entreprise qui a bénéficié d’un marché de 4 000 bus pour le transport scolaire alors qu’elle était exclue, dans un premier temps faute d’agrément. Au début, ils étaient trois postulants : Hassan Larbaoui, Sonacome et la société de Mazouz. «On m’a certes exclu au début faute d’agrément mais on m’a rappelé 5 mois après parce que je suis le seul assembleur de bus» a affirmé Mazouz. Le procureur va lui rappeler alors «l’approbation de votre dossier en violation de la loi a causé un préjudice d’au moins 29 milliards au Trésor public». Le représentant du ministère public va s’intéresser ensuite aux biens de l’accusé. Ce dernier détient dans un seul compte personnel dans la Trust Bank pas moins de 493 milliards de centimes ! «C’est mon argent personnel. Je suis à la tête d’un groupe de 23 sociétés. D’ailleurs, une brigade du ministère des Finances a passé 6 mois à fouiller mes comptes et n’a trouvé aucune anomalie» explique fièrement Mazouz. Mais il le sera moins lorsque le procureur lui demande la raison pour laquelle il a remis un chèque de 39 milliards de centimes à l’ex-patron du FCE dans le cadre du financement du 5ème mandat. «C’est Baïri qui est venu me voir et m’annoncer qu’Ali Haddad a donné 180 milliards pour la campagne. Alors, j’ai moi aussi participé», explique Mazouz. Mais pourquoi remettre l’argent à Ali Haddad ? Ce dernier devra s’expliquer aujourd’hui sur cette question.
Mohamed Baïri, cet homme d’affaires de 49 ans qui est assis sur l’une des plus grosses fortunes d’Algérie, s’est très bien défendu à la barre. Le patron d’Ival dit que 80% de ses biens sont un héritage et que l’automobile, c’est son métier depuis toujours. «Ma famille est dans le commerce depuis 1920. J’ai 32 ans de métier dans la pièce de rechange et je suis devenu concessionnaire en 1995. Si je n’avais pas été choisi sur la liste des concessionnaires pour le montage automobile, c’est cela qui aurait été étonnant», lâche confiant Baïri. Le juge va commencer son audition sur les terrains acquis par le prévenu. Ce dernier a bénéficié d’un terrain à Bouira et d’un autre à Ouled Moussa. Mais cette dernière parcelle est située dans une zone agricole. Pour Mohamed Baïri, le terrain qui lui a été attribué à Bouira était «inadapté» pour la réalisation de son usine, raison pour laquelle il a cherché un autre emplacement. En ce qui concerne le terrain de Ouled Moussa, il affirme n’être pas au courant qu’il s’agissait d’une terre agricole. «Je n’ai jamais sollicité l’ex-wali Zerhouni ni quiconque d’autre pour obtenir un terrain à Bouira ou à Boumerdès. J’ai déposé mon dossier en tant qu’investisseur mais je n’ai jamais demandé un terrain agricole. C’est l’administration qui m’a octroyé ce terrain. Je ne pouvais pas le savoir», a-t-il allégué avant d’ajouter « si j’avais su qu’investir dans mon pays pouvait me conduire en prison, je me serais abstenu», ce à quoi le juge a rétorqué «l’investissement est régi par des lois». Mohamed Baïri sera confronté à Nouria Zerhouni, ex-wali de Boumerdès à l’époque, qui a signé l’attribution du terrain pour l’accusé. Cette dernière affirme n’avoir jamais étudié la demande du prévenu et que l’accord lui avait été donné à l’époque de son prédécesseur. «Je n’ai fait que terminer la procédure afin de remettre les arrêtés aux dossiers déjà traités et acceptés par mon prédécesseur (…) Je ne connais pas Mohamed Baïri et je ne l’ai jamais reçu» a déclaré l’ex-wali. Baïri tentera de se défendre face au procureur mais ce dernier va lui rappeler qu’il a bénéficié des avantages d’exonérations, une année avant sa signature du cahier des charges avec l’Andi et de deux autres dérogations après. Outre les terrains qui lui ont été accordés, le procureur affirme que les pertes occasionnées au Trésor public par le traitement non conforme du dossier de l’accusé s’élèvent à plus de 77 milliards et à 72 milliards de centimes. Ce que récuse l’accusé qui met en exergue le fait qu’il est en totale régularité avec les impôts et que c’est l’Etat qui doit lui rembourser 84 milliards de centimes. Le passage de Hassan Larbaoui, le patron de KIA motors, à la barre ne sera pas court. Le juge va questionner l’accusé sur les avantages qu’il a obtenus, pour une durée de 5 ans, concernant non seulement l’exonération des taxes dont deux dérogations obtenues en l’espace de 50 jours seulement, mais aussi la flexibilité pour le montage des modèles. Pour la flexibilité, Yousfi va affirmer que le CNI donne un accord pour l’investissement et non pas pour les modèles. Concernant les dérogations, Mahdjoub Bedda va soutenir qu’il a «fait confiance à ses cadres qui ne m’ont jamais montré les réserves sur les dossiers».
Larbaoui, lui, va expliquer que cette flexibilité était toujours dans le cadre de la loi étant donné qu’il ne dépassait pas le quota de 130.000 véhicules à monter par an. Le magistrat lui fera remarquer qu’il faisait le montage de six modèles non contenus dans les dérogations accordées. «Impossible» va lâcher Larbaoui qui va aussi nier sa relation avec Abdessalem Bouchouareb qui, selon un témoin, lui a permis d’obtenir l’agrément pour KIA. Et à ce propos, le juge va rappeler au prévenu que l’ex-représentant officiel de la marque, Achaïbou, s’est constitué partie civile et se demandera si ce n’est pas grâce à Bouchouareb que Larbaoui a obtenu l’agrément pour cette marque. Le procureur, lui, va s’interroger sur les avoirs de l’accusé qui vient d’acquérir une villa à 60 milliards à Hydra, en plus d’un terrain de 40 hectares obtenu dans le cadre de l’investissement à Batna. Ce dernier explique que c’est grâce à un prêt à hauteur de 80% du montant que la villa a été acquise.
Il insistera enfin sur le fait qu’il est le seul opérateur qui allait se lancer, en novembre dernier, dans le full CKD, la pleine industrialisation, avec l’usine de Gloviz de Batna. «Avec ce projet, il est prévu la création de 8.000 emplois directs et pas moins de 1.000 PME» a déclaré Larbaoui dans l’espoir de faire entendre sa cause. Ali Haddad est le prochain accusé qui se présentera, ce matin, à la barre. Son audition est des plus attendues. 

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