Collectivités locales
Les walis face à un impératif d’adaptation
C’est par l’abnégation de bon nombre d’entre eux que le pouvoir politique a pu montrer dès l’indépendance une certaine efficacité.
Il n'est pas rare qu'en Algérie comme ailleurs, le souci tout à fait normal de la longévité dans la fonction d'autorité chez ceux qui l'exercent au sein des institutions prévale sur celui de la pro activité porteuse de risque d'instabilité. Pourtant, dans les principes, le droit et le discours officiel, ces institutions ne sont pas figées. Elles ont produit en abondance des idées innovantes, des lois, des règlements, des organigrammes et des intentions généreuses grâce à une pléiade de cadres de valeur, dont elles se sont dotées. Ce paradoxe altère l'action publique et l'expose à de sévères critiques, ouvertes ou latentes, tandis que lesdits cadres ressentent avec aigreur l'insatisfaction des citoyens comme une atteinte à leur dignité. C'est dire la pertinence de la décision présidentielle du 3 octobre 2024 d'impulser fortement les collectivités locales, via un processus vertueux de mutation à des fins d'adaptation des règles, des méthodes et des moyens pour mieux gérer l'intérêt général.
Elle donne le signal de mettre le cap à partir de la base sur l'efficacité en accostant sur les rivages d'un pragmatisme de gestion des politiques publiques qui se diffuse largement dans le monde contemporain à travers les concepts de gouvernance et de management. Si le premier est récent (des années 1990) et renvoie à la façon de gouverner les sociétés développées dans un contexte inédit, le management en revanche est apparu antérieurement (années 1960) dans le monde des affaires, avant de se généraliser partout et à toutes les organisations où des personnes agissent conjointement pour des objectifs communs.
Qu'il soit qualifié d'opérationnel, lorsqu'il implique une action quotidienne ou de court terme, ou bien de stratégique, lorsqu'il porte sur un horizon temporel de moyen et long terme, il concerne forcément la commune et la wilaya qui doivent donc s'imprégner de ses techniques. Rappelons que celles-ci découlent des notions d'organisation, pilotage, prévision, motivation, mobilisation, commandement, animation, coordination, contrôle, formation continue...qui sont autant d'enjeux intéressant directement les walis. Pourquoi? Parce que l'administration de type traditionnel, dominante aujourd'hui dans les institutions, n'est plus en adéquation avec les changements en cours dans le pays et le monde, ni avec les attentes pressantes induites par le développement considérable du rôle de l'État dans notre société.
En outre, c'est par l'abnégation de bon nombre d'entre eux que le pouvoir politique a pu montrer dès l'indépendance, une certaine efficacité qui l'a aidé à attester la légitimité de son autorité. De fait, les walis ont constamment été sur tous les fronts, supervisant des milliers de chantiers et nourrissant sans cesse la réflexion des instances centrales. Ils ont gagné le droit de cité en tant que chevilles-ouvrières du combat contre le sous-développement, ainsi que missionnaires du progrès délégués par le gouvernement pour le représenter sur le terrain, mettre en application ses politiques, abolir la sous-administration, désenclaver les populations et les faire adhérer implicitement à une mentalité du vivre-ensemble. Nombreux sont, en tout cas, ceux qui ont oeuvré avec zèle et loyauté, jouant parfois leur trajectoire et leur stabilité familiale au milieu d'une kyrielle de mutations, révocations, marginalisations, chutes, retraites et renaissances.
Nonobstant les critiques qui leur sont adressées comme à tous les humains faillibles, ces commis de l'État ont ainsi donné à celui-ci des motifs de satisfaction. Ils lui ont permis entre autres de résister à bien des turbulences sociales et politiques, à maintes crises et à d'imprévisibles calamités naturelles dévastatrices. À l'heure où s'exprime au sommet une forte volonté de consolider les collectivités qu'ils animent et au sein desquelles se rejoignent la société civile et la société politique, la restructuration de ces collectivités est riche de perspectives fécondes pour les bâtisseurs qu'ils sont. C'est par eux que passera sa mise en oeuvre.
C'est sur eux que prendra appui l'effort essentiel de modernisation de la gestion des intérêts locaux qui pourrait naître de la réforme engagée et dont le sort dépendra clairement de leur capacité d'adaptation, de leur perspicacité, de leur créativité et de l'esprit d'initiative dont ils sauront faire preuve. Ces hauts fonctionnaires ne sont certes pas l'unique autorité à faire écho localement à la volonté des instances centrales, parce que chacun est assisté des chefs de daïra, des divers services déconcentrés et établissements publics sous tutelle, ainsi que de l'APW et des APC qui, elles, émanent des volontés populaires. Mais ladite réforme va sûrement leur ouvrir de nouveaux horizons vers lesquels ils pourraient cheminer avec hardiesse s'ils étaient encouragés à compléter leurs compétences techniques basiques. En effet, face à un impératif d'adéquation avec les aspirations sociales et les mutations qui s'opèrent, la maîtrise des mécaniques administratives et juridiques classiques ne garantit plus la performance visée, et donc la légitimité des autorités concernées. Aussi, une politique de formation continue en management s'impose-t-elle à l'échelon local où se joue en grande partie la crédibilité des services publics.