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Avec loyauté pour l'état et pour mieux aborder les solutions

Osons les vérités désagréables!

Les obstacles sur la route du redressement sont nombreux et que, à maints égards, nous tournons dans bien des cercles vicieux qu'il faut rompre. Faut-il pour autant être pessimiste? Absolument pas!

Pour s'établir dans un pays comme le nôtre, une République démocratique,elle passe d'abord par un resserrement des liens autour d'un État solide. Pourquoi? Parce qu'elle ne peut pas démarrer dans le désordre et qu'elle a un long chemin à parcourir pour atteindre le but. Elle ne peut pas advenir non plus dans un contexte d'incertitude où il n'y a pas de consensus ni sur le diagnostic, ni sur les solutions.C'est d'autant plus évident que les problèmes pratiques relevés au commencement du processus de décolonisation dans le cadre du programme de Tripoli (1962), la Charte d'Alger (1964) puis la Charte nationale de 1976 et celle de 1986, ainsi que les réformes de 1989-1990, ne se sont pas atténués après des décennies. Malgré les plans successifs mis en oeuvre et bien des réalisations, force est de constater, en effet, en 2021, que la croissance démographique et les turbulences socio-politiques ont démultiplié et complexifié ces problèmes.
Et c'est ainsi qu'à la distance entre le sous-développement et le développement constatée au départ, est venue se greffer une distance similaire séparant l'avarie morale qui érode intérieurement notre pays et les qualités évidentes qui distinguent les Algériens, les prédisposant à se ressaisir et à faire en sorte que la nation puisse venir à bout de ses difficultés. Une telle avarie est un vrai mal qui ronge la société. Elle consiste principalement dans l'impuissance de l'ordre, de civisme, de cohésion et de liberté réglée par le droit. Elle est dans le ralentissement du mouvement intellectuel, la baisse de la production littéraire, artistique et médiatique de qualité.
Elle se trouve dans le manque d'anticipation de l'avenir que la planète entière s'obstine, pourtant, à scruter et à investir. Elle est dans la dégradation continue des valeurs comme le travail, le mérite, la discipline, l'organisation, le sens de l'Etat, ainsi que la disqualification croissante de l'effort individuel. C'est,également, le rétrécissement absurde d'une identité qui a permis pourtant, aux Algériens, de former, voici plus de dix siècles, un collectif moral sans lequel leurs ancêtres du XIXe siècle auraient subi fatalement le sort des Indiens d'Amérique. Le mal intérieur, c'est aussi la corruption, les trafics de toutes sortes, la mauvaise gestion, le déploiement d'un luxe bête par une minorité, sous le regard désabusé d'une société aux prises avec la baisse continue du pouvoir d'achat et l'appauvrissement conséquent des classes moyennes.
C'est, en outre, l'abandon des devoirs et le faible rendement des facteurs de production dans l'économie. C'est l'inclination des politiciens de rester à la surface des choses et souvent leur incapacité à proposer des dessins précis. C'est l'insuffisance du leadership dans maintes structures de l'État et des collectivités locales. C'est l'éparpillement de l'intelligence collective, l'exode des cerveaux et la harga. C'est la soif du pouvoir qui affecte certains responsables à un point tel que leur personnalité et leur comportement envers leurs collaborateurs et autres s'en trouvent complètement modifiés dans le sens d'une fatuité, un orgueil et une suffisance qui les font se recroqueviller sur eux-mêmes. (phénomène étudié par D.Owen, 2008).
Ce sont les discours stéréotypés qui font violence à l'intelligence des gens comme s'ils étaient inaptes à comprendre les choses. C'est le fait que les fonctions publiques ont créé de grandes et subites fortunes alors que naguère elles n'enrichissaient personne. En bref, c'est tout cela à la fois qui épuise la nation, démobilise la société, irrite la jeunesse et constitue aujourd'hui une préoccupation de salut public dans chaque institution de l'État où se trouve incontestablement une partie de la réponse.
Ce n'est pas souffleter notre pays que d'exprimer ainsi des vérités désagréables, au lieu de lui répéter sans cesse qu'il est grand, qu'il est unique, glorieux et qu'il symbolise au premier rang toutes les vaillances. Ce n'est pas lui rendre service que de recourir sans retenue aux sentiments des gens au détriment de leur raison. Ce n'est pas honorer nos glorieux martyrs en les évoquant juste dans des discours de circonstance pour éviter de mettre le doigt sur les problèmes de fond qui préoccupent la société. Car ces problèmes ne peuvent plus être dissimulés. En les soulevant sans préjugés et avec loyauté pour mieux aborder les solutions, on reporte davantage l'attention sur l'essentiel qui est de délivrer l'État de ses défaillances à un moment où le scepticisme, la lassitude, la démobilisation, la démotivation planent et tendent à devenir des enjambées vers la démission. C'est en touchant les plaies que l'on prend acte du mal pour le faire disparaître. Dans le même temps, on évite de s'enfermer dans la résignation et dans une solitude amère, ou bien dans un monde irréel où les abstractions donnent libre cours à une contestation systématique sans perspectives concrètes.
Mais relever avec franchise nos défaillances pour mieux les traiter, ne signifie pas nier ce que le monde entier a constaté cent fois chez le peuple algérien, c'est-à-dire les qualités captivantes qui le caractérisent. Ces qualités sont le sens profond de la solidarité qui n'a jamais fait défaut dans les plus dures circonstances, comme à Boumerdès par exemple lors du séisme du 21 mai 2003, ou bien lors des incendies qui se sont déclenchés aussi bien le 9 août 2021 en Kabylie que dans d'autres wilayas. C'est le courage et le sens du sacrifice dont les Algériens ont continuellement fait preuve tout au long d'une histoire amère. C'est leur profond attachement à la liberté, à l'égalité et à la justice. C'est l'ouverture d'esprit et la franchise. C'est le patriotisme, la fierté et le refus de la résignation. C'est l'existence, aujourd'hui, d'une jeunesse consciente sur laquelle le paternalisme n'a plus de prise. Autant de qualités qui, bien cultivées, constituent un atout formidable et un solide point d'appui pour penser et agir en vue de surmonter notre affaissement actuel et reconstituer notre pays épuisé par des crises récurrentes et le manque d'anticipation. Quelles que soient leurs doctrines et leurs idées particulières, il est certain que les Algériens sont majoritairement unanimes à considérer que le pays doit et peut s'en sortir. Et que, si des générations entières ont oeuvré ou sacrifié les vies de leurs meilleurs enfants pour éviter à cette nation de sombrer, il incombe à celles d'aujourd'hui de parfaire leur ouvrage en défendant leur mémoire sur les terrains économique, scientifique, technologique, culturel et managérial où se joue dangereusement la vie des peuples, bien plus que dans les confrontations militaires.
Mais comment s'en sortir si nos moeurs politiques actuelles font s'estomper l'art d'édifier et de progresser? Et si la classe des politiciens ressemble à un groupement fortuit de portions étrangères les unes aux autres, au lieu de prendre l'allure d'un assemblage de formations complémentaires dont l'Etat tire sa vitalité?
Comment s'en sortir si la vie partisane tourne le plus souvent le dos au débat d'idées pour se réduire à des chamailleries claniques autour des postes de responsabilité, sans aucun souci pour l'opinion publique ou pour l'image d'une institution de l'État, ou bien d'un parti, comme on a pu le constater le 16 octobre 2018 à propos de la manière rocambolesque dont le président de l'APN a été évincé de son poste, ou encore le 9 septembre 2021 à propos de l'envahissement du siège du FLN? Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'une agitation purement politicienne se rapportant à l'accaparement du pouvoir et négligeant l'essentiel, c'est-à-dire ce qui concerne l'État, la loi, la gestion, le développement matériel et moral de la société. Comment s'en sortir si les acteurs négligent le fait que nous vivons une époque où de grands changements se produisent? Comment réaliser l'idéal de novembre 1954 si l'on ne voit pas les choses de façon rationnelle, avec un modèle économique rénové, une pensée politique revigorée et de nouvelles méthodes de gestion? Comment enfin avancer en se délestant du principal acteur qui, nonobstant les imperfections et les fautes, a été constamment à l'oeuvre sur le front de l'édification de l'Éat national dès les premiers jours de son émergence, c'est-à-dire l'institution militaire? Quoi qu'il en soit, une nécessité d'airain dicte aujourd'hui aux Algériens de ne pas fuir ces questions parce que la pression démographique de plus en plus forte et la montée en cadence d'une jeunesse exigeante, ne permettent plus de prolonger par le pétrole et le gaz l'ère de la facilité et des illusions. La réalité force à dire,également, que la logique du bricolage politique à travers des partis sans vrai projet est au bout de son rouleau. Elle a semé le vice dans les esprits et le désordre dans les comportements. Elle tend à assécher les graines de l'unité semées en novembre 1954. Elle a réduit la vie politique à de simples joutes électorales sans autres enjeux que les titres et les promotions. Elle a amplifié le discrédit de la classe politique dans son ensemble.
Pour sa part, la bureaucratie ne s'est pas gênée de donner libre cours à son arrogance et à sa morgue. Abusant de ses pouvoirs, elle a creusé un fossé entre l'Etat et le peuple. Elle a contrarié l'esprit d'initiative des Algériens, les accablant d'abus et de vexations, les empêchant de produire et les traitant continuellement en suspects ou en mineurs. Et c'est ainsi qu'elle a ralenti dans le pays tout essor industriel, agricole, touristique, technologique et autre.
C'est dire en bref que les obstacles sur la route du redressement sont nombreux et que, à maints égards, nous tournons dans bien des cercles vicieux qu'il faut rompre. Faut-il pour autant être pessimiste? Absolument pas! D'abord parce que l'Algérie n'est pas désarmée. Ses forces vives sont en éveil. C'est un pays jeune qui n'est pas disposé à renoncer à l'idéal novembriste. Alors que faire? Hommes politiques, acteurs économiques, civils et militaires en activité ou à la retraite, citoyens ordinaires... il serait d'abord vain de persister à nous blâmer mutuellement. Car nous sommes tous des éléments constitutifs d'un système à l'établissement duquel nous avons participé d'une façon ou d'une autre. Un système qui est le fruit d'une histoire et d'une mentalité. Cette histoire et cette mentalité sont les nôtres, avec leurs vertus et leurs vices, leurs forces et leurs faiblesses, leurs avancées et leurs reculs, leurs moments de gloire et leurs périodes d'affaissement, leurs percées et leurs ratages, comme il en est dans toutes les nations dans le monde.
C'est aussi un système qui est difficile à changer parce que, comme tout système politique et social, il est naturellement conservateur et donc porté à se défendre. De plus il n'y a pas de modèle parfait, indépendant des circonstances. Car si les principes de la vie politique sont partout les mêmes, en revanche, les formes d'un régime peuvent varier selon les époques et les lieux dans la mesure où les réalités nationales ne sont ni identiques, ni figées. Concernant l'Algérie, nous avons besoin en tout cas d'un déclic collectif.
Nous avons besoin de resserrer les rangs dans le cadre d'un puissant front uni national où l'apport de chaque acteur, de statut civil ou militaire, n'est pas superflu, et où tous ont à se tendre la main, à se mobiliser et à se mettre en ordre de marche selon les principes de la raison face aux grandes tâches de l'étape actuelle qui attendent chaque couche de la société: les intellectuels, les créateurs, les fellahs, les ouvriers, les professions libérales, les fonctionnaires civils et militaires, les politiciens... Nous avons besoin de nous libérer des abstractions et des intérêts étroits qui alimentent les divisions et les incriminations mutuelles avec lesquelles nous avons identifié dangereusement le régime démocratique depuis la promulgation de la Constitution du 23 février 1989. Cela fait déjà plus de trente ans d'embarras et d'équivoques par rapport à notre Loi fondamentale. Nous avons besoin d'un tel déclic pour réformer une machine administrative et parlementaire qui fonctionne,souvent, en dépit du bon sens. Nous devons faire usage de la raison, du savoir et du savoir-faire de nos élites pour ne pas nous enfoncer dans la médiocrité et pour transformer les méthodes de gestion de nos institutions et de nos producteurs qu'une longue routine a rendus rebelles au progrès. Nous avons à actualiser nos idées, notre organisation, nos conceptions et nos pratiques de leadership. Nous avons à déployer davantage d'efforts et à les coordonner dans un esprit de suite. Nous devons admettre le principe de sonner au plus vite le rassemblement des aptitudes et des talents sans lesquels nos expériences respectives resteront éparpillées et ne profiteront pas à la collectivité. De ce principe, il faut non seulement tirer une conviction empreinte de pragmatisme, mais aussi une stratégie.
La conviction est que dans le moment historique très complexe que traverse notre jeune État, il est tout à fait inutile de clouer obstinément au pilori l'armée, comme si la nation algérienne pouvait, en l'état actuel des choses, se passer de la seule institution réellement organisée de l'Etat dont elle est une armature essentielle. On ne répétera jamais assez que cette institution ne doit pas être assimilée à certains de ses membres qui ont manqué au serment prêté et qu'elle doit en tirer les enseignements pour regagner en confiance et en crédibilité. On n'omettra pas non plus de rappeler qu'à l'instar de toutes les organisations rigides, l'armée a une propension naturelle au conservatisme; ce qui explique la lourdeur des systèmes politiques où un rôle lui a été dévolu en raison des circonstances, comme c'est le cas en Algérie. Mais tout porte à croire que nos militaires ont beaucoup appris des expériences vécues depuis l'indépendance. Ces expériences sont riches et variées. Dès le début en effet, le soldat algérien a été partie prenante dans l'édification de l'État en participant activement aux tâches d'éducation, formation, alphabétisation, construction de routes et logements ruraux, reboisement, irrigation, gestion.
À travers le Service national, l'armée a créé un cadre propice à la solidarité nationale et au brassage de centaines de milliers d'appelés issus de milieux sociaux divers et avec des niveaux intellectuels distincts, renforçant ainsi le sentiment d'appartenance à une même nation. De plus, le fait que l'armée soit par définition une institution du devoir, prédispose ses membres à se soucier tout naturellement de la santé de l'Etat et de l'intérêt public, à la différence des politiciens dont les moeurs font rétrécir le champ de vision. Car ces derniers fixent plus leur attention sur les gains immédiats que sur le sort de la collectivité dans le temps long. Plus largement encore, les militaires se soucient sans doute davantage de l'état du monde dont ils savent qu'il n'est plus celui du siècle dernier où la bipolarité idéologique ne laissait que peu de place à la participation effective de bien des peuples à l'exercice du pouvoir de décision. Aussi, comprennent-ils mieux l'exigence historique d'oeuvrer cette fois à l'établissement d'un Etat de droit, car ils sont dans un état d'esprit bien différent de celui de leurs prédécesseurs post-indépendance. Ceci s'explique aussi par l'entrée en scène de nouvelles générations d'officiers. Formés dans les plus grandes écoles en Algérie et à l'étranger, aussi bien dans les spécialités du combat que dans des disciplines se rapportant aux sciences sociales, à la stratégie et à la prospective, ils savent fort bien que les enjeux et défis actuels sont bien plus redoutables que ceux de 1962, 1965 ou 1992. Et qu'aujourd'hui, la survie et la prospérité de l'État dans un pays de près de 50 millions d'habitants est à la fois une nécessité et une priorité. Ces cadres comprennent parfaitement que le rôle actuel de l'armée est d'oeuvrer à fédérer les volontés autour des vertus de l'organisation, la légitimité, l'ordre et la discipline dont aucun peuple civilisé ne peut se passer, parce qu'ils sont garants de la performance dans tous les domaines de la vie collective. Autrement dit, inspirer, catalyser et susciter dans la société de nouveaux réflexes qui soient propices au renouveau nécessaire de l'Etat, dans le sens d'un système où l'anarchie ambiante cède la place à la liberté réglée par la loi et où le patriotisme de sentiments se transforme en patriotisme d'action, afin d'arracher ledit État et la société à leurs vices, leurs négligences et l'aridité de certains comportements et turbulences. Au final, six décennies après l'indépendance, la pérennité du régime n'est envisageable que s'il puise l'essentiel de sa force dans un peuple cinq fois plus nombreux qu'en 1962, plus instruit, plus ouvert sur le monde et donc éveillé.
S'agissant de la stratégie, elle consiste à indiquer clairement la direction à suivre et les objectifs à atteindre afin de pouvoir motiver et entraîner les «troupes» rassemblées et mobilisées. Et ce dans le cadre d'une approche volontaire fondée sur la concertation, la délibération, la planification et l'anticipation de ce que sera l'Algérie du premier siècle d'indépendance, en 2062, et ses presque 100 millions d'habitants.La nécessité d'une telle stratégie est désormais largement reconnue non seulement dans le domaine de l'entreprise, mais aussi dans celui des institutions publiques. À ce propos, F.Carlier et C.Gierse (https://www.studyrama.com/pro), donnent cinq raisons qui justifient le recours à la stratégie:1-le leadership sait où il va; 2-l'ensemble du collectif est motivé, mobilisé, rassuré parce qu'il sent que «l'avion est piloté et connait la route»; 3-la stratégie est un moyen de convaincre;4-la stratégie aide «à mieux définir ce que l'on entend faire ou ne pas faire»;5-la stratégie permet de ne pas «surfer sur la vague (et de) définir (les) territoires d'ancrage» par rapport à l'environnement. En d'autres termes, il s'agit de disposer d'un bon fil conducteur. À cet égard,le philosophe romain Sénèque (mort en 65 ap. J.-C.) dit: «Il n' y a pas de vent favorable pour ceux qui ne savent pas où aller». On pourrait compléter cette citation de bon sens en disant qu'il n'y a pas non plus de vent favorable pour ceux qui ne savent pas tirer les leçons de l'expérience, ni reconnaître humblement leurs erreurs et leurs fautes.
Quoi qu'il en soit, les solutions à nos problèmes ne se trouvent pas dans la tendance observée ici ou là à vouloir gommer? sans discernement? six décennies d'histoire collective. Elles résident dans la détermination à oeuvrer conjointement et solidairement à réveiller l'enthousiasme des Algériens et à remettre à l'honneur l'esprit de Novembre.

*Membre du Conseil de la Nation

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