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Le grand reporter de guerre et écrivain Jacques-Marie Bourget, à L'Expression

«RSF est un outil de propagande atlantiste»

Le grand reporter de guerre et écrivain Jacques-Marie Bourget revient dans cet entretien sur la nébuleuse Reporters Sans Frontières (RSF) en disséquant sa genèse et ses inféodations. Il apporte un témoignage cinglant sur cette «ONG» financée par la CIA et Israël. Il parle de son expérience très riche en rappelant les desseins de cette «ONG» et autres dont la mission est de servir comme bras séculier les impérialistes occidentaux et leurs alliés. Jacques-Marie Bourget a assuré la couverture de la guerre des Six-Jours, la guerre du Viêt Nam, la guerre du Liban, la guerre au Salvador, la première et la seconde Intifada, la première guerre du Golfe, la guerre de l'ex-Yougoslavie.En 1985, il obtient le prix Scoop pour avoir révélé l'affaire Greenpeace.

L'Expression: Alors qu'en octobre 2000 vous avez été gravement blessé au poumon gauche par une balle israélienne, à Ramallah, l'organisation Reporter Sans Frontières (RSF), dont c'est pourtant la raison d'être, a refusé de soutenir votre cause sur le plan politique, sur le plan diplomatique et sur le plan judiciaire. Comment expliquer un tel refus de défendre un journaliste grièvement blessé?
Jaques-Marie Bourget: Ce très grave épisode de ma vie m'a encouragé à m'informer sur la vraie nature de RSF. Une association qui se prétend «non gouvernementale» mais qui vit, pour l'essentiel, d'argent public: français, américain ou autre. Si RSF ne m'a pas défendu, s'est pour ne pas offenser l'Etat d'Israël auteur d'une tentative d'assassinat contre moi. Entre le soutien de Tel -Aviv et moi, le choix a été vite fait. C'était Israël. Il faut savoir que, dans le classement mondial des pays qui respectent plus ou moins la liberté de la presse, RSF s'est arrangé pour ne prendre en compte que les seuls critères qui concernent Israël «intra-muros» (si je puis dire d'un pays sans frontières). Par exemple un journaliste d'un quotidien hébreu qui aurait été censuré... Tous les crimes et violences contre la presse palestinienne, toutes les exactions commises par Israël en Palestine occupée, colonisée, ne comptaient pas. Qu'Israël assassine un journaliste palestinien... Ce détail n'était pas pris en compte dans le classement de RSF, et, ainsi, le régime colonial de Tel-Aviv se retrouve régulièrement bien classé. On pouvait assassiner des reporters, des photographes, sans que la cote d'Israël chute dans le classement des libertés de presse. Mon cas a donc été glissé sous le tapis. Imaginez que j'ai été blessé par l'armée nationale lors d'un reportage en Algérie. Je passais immédiatement au rang de héros. Et tous les présentateurs des journaux télévisés français se seraient mobilisés le temps d'une photo commune. Le fait que je cite mon exemple n'est pas destiné à apitoyer, il est juste là pour démontrer que RSF est un outil à l'indignation sélective. Qui agit pour le bien de l'Occident colonial ou néocolonial. Quand un confrère espagnol a été assassiné par l'armée américaine à Bagdad en 2003, nous avons assisté au mène manège. RSF était debout sur les freins pour éviter de soutenir le confrère mort. Tant et si bien que la famille de notre ami a prié RSF de se tenir hors du dossier.

Peut-on croire à la liberté d'expression et la défense des droits de l'homme quand on sait que cette organisation aux inféodations avérées aux forces de la finance internationale et même de la CIA?
Il est exact de dire que la NED, National Endowment for Democracy, un outil créé par Reagan pour assister, sous le contrôle de la CIA, les ONG amies, a soutenu RSF. Qui, en conséquence, est structurellement un outil de la propagande atlantiste. Une autre source de financement provenait naguère des riches exilés cubains, anti- castristes, immigrés en Floride, en fait une autre métastase de la CIA. Soyez sûr d'une chose, RSF ne fera rien qui puisse chagriner Washington. RSF, qui verse de confortables salaires à ses employés (supposés militants), s'est, il y a quelques mois, retrouvé à court d'argent après le départ de son patron Robert Ménard, devenu maire de Béziers et homme politique d'extrême droite. Un Ménard qui avait eu le culot, avant de quitter RSF, d'aller chercher des fonds au Qatar, au nom de la défense de la liberté de la presse, alors que ni la liberté ni la presse existent à Doha! Christophe Deloire, le nouveau patron de RSF, s'en est allé, lui, faire la quête au Gabon et au Maroc, main dans la main avec le quotidien Libération. Deux Etats connus pour leur qualités «démocratiques». Mieux, Deloire est allé aussi faire tendre la main en Israël où il a reçu, pour son «ONG», une sorte de prix Nobel israélien doté d'une pluie de dollars. Voilà le lobby qui entend désigner dans le monde où se tient la liberté.

Les événements qui portent le nom de «Printemps arabes» ont été disséqués par vos publications en précisant que «la révolte initiale et légitime de populations vivant dans des conditions économiques et de liberté indignes», ont été rapidement encadrés par des «ONG» américaines». Pouvez-vous donner plus de clarification à ce propos?
A ce propos tout est documenté. Il y a l'énorme travail d'Ahmed Bensaâda qui, en bon scientifique, recoupe toutes les sources de financements des ONG qui ont soutenu les «Printemps arabes». Elles ont toutes un lien avec les USA, Israël ou un pays européen. On sait qu'un haut fonctionnaire du Département d'Etat américain a déclaré au New York Time: «renverser un pouvoir qui ne nous convient pas, par la voie des armes, coûte des milliards. Si on opère par la propagande, l'action des ONG amies et Internet, cela ne coûte rien et ne verse pas le sang, c'est vraiment le modèle à suivre.» Ainsi est né le système des
«révolutions oranges», la machinerie d'Otpor et toute cette cavalerie. Un exemple, une révolte légitime s'exprime dans la rue, elle est «encadrée» très vite par des parrains américains. Leur objectif, pour ce qui est des pays arabes, est de mettre en place un gouvernement des Frères musulmans. Les USA sont un pays religieux et réactionnaire, les «Frères» sont leur modèle.

Comment vous qualifiez les positions de l'Occident à travers ses institutions officielles qui font recours à la politique du deux poids, deux mesures. Surtout quand on constate le parti pris desdites institutions, par exemple européennes, à l'égard de l'entité sioniste. Et qui ne pipent mot sur ce qui se passe en Palestine, au Sahara occidental et, ou aux atteintes contre le Venezuela?
À Bruxelles le lobbying mobilise 40000 employés. L'Europe ayant été créée par Jean Monet, un ami de la CIA et Robert Schumann, ancien ministre de Pétain, nous avons donc un continent qui n'est qu'une cour de récréation de Washington. Influencer assez d'élus européens, pour leur faire voter les projets souhaités par les USA, que ce soit sur l'Algérie, le Venezuela, l'Iran la Chine ou autres, est très facile. La dernière blague, à Bruxelles, est la compétence universelle que vient de s' accorder l'Europe en matière des droits de l'homme. On attend qu'elle proteste contre la répression des Noirs et la peine de mort aux Etats-Unis, contre le colonialisme galopant et les tueries qui sont le fait d'Israël (alors qu'un enfant de 13 ans vient d'être tué sans la moindre protestation). Que l'Europe proteste aussi contre la répression violente des manifestations en France. Les droits de l'homme sont une arme formidable, Obama en est un héros alors qu'il a tué des milliers d'hommes et de femmes au nom de ces droits, mais c'est s'exposer à des retours de bâton. Demain un groupe de citoyens peut exiger de l'Europe qu'elle condamne Israël ou les États-Unis... Rêvons.

Quelle est l'alternative qui puisse mettre un terme et stopper cette déferlante d'ingérence des puissances occidentales dans les affaires des pays souverains?
Une plus grande subtilité de la part des dirigeants qui sont attaqués par ces ONG. Quand on livre bataille il faut connaître l'adversaire. Ces offensives des ONG de Washington ou de l'Europe devraient être bloquées très en amont. Il faut savoir qu'en Algérie, la Fondation Schumann a publié dans la presse des offres de services afin de recruter des militants à des salaires extravagants. Et personne n'a bronché, n'a dressé l'oreille. Les dirigeants devraient comprendre que mettre en prison un insignifiant bloggeur, c'est tendre une arme pour se faire battre par ces ONG. C'est lui donner du grain à moudre, s'exposer pour rien d'autre qu'une satisfaction de politique intérieure.

Y a-t-il un standard par rapport à la notion des droits de l'homme, ou plutôt une démarche européocentriste, qui correspond à une logique de domination des forces impérialistes occidentales via cette conception vicieuse?
Les droits de l'homme sont la nouvelle arme de destruction massive. Prenez l'exemple birman où, pendant des années, Aung San Suu Kyi a été l'égérie du «monde libre», au point de lui donner un Nobel, comme à Obama ou Kissinger. Cette femme était un canon de l'Occident braqué sur la junte de Rangoon, une bombe. Puis sa volonté de pouvoir est apparue. Elle a cautionné le massacre des Rohingyas, la minorité musulmane. Voilà que l'arme s'est retournée contre l'Occident. Aujourd'hui la Chine doit faire face a une accusation de «génocide» des Ouighours. Là aussi une minorité musulmane dont quelques-uns se sont retrouvés djihadistes en Syrie. Je ne vais pas dire que les Ouighours sont heureux en Chine, mais quand on voit qui sont les propagandistes de cette accusation de
«génocide», on remarque des profils made in CIA.

Pensez-vous que la démocratie occidentale est une «fumisterie» dont le contenu réel est ailleurs dans les sphères occultes de la finance internationale et les officines qu'elles actionnent subtilement?
La démocratie occidentale qui traite Julien Assange comme elle le fait ne peut se proclamer démocratie. Sa manière de traiter les minorités, d'aggraver la pauvreté pour satisfaire la plus grande richesse de quelques-uns, n'a rien à voir avec la démocratie. La démocratie ce n'est pas la liberté de publier des dessins, c'est d'avoir un toit sur la tête, un emploi, des écoles et des hôpitaux gratuits et qui fonctionnent. J'ai trop assisté à la morts d'Etats, comme l'Irak, détruits pour le pétrole au nom des droits de l'homme.

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