Makouda, le 14 novembre 1954
Sous le déluge des bombardiers
La région abritait des maquis 10 ans avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale. Plusieurs villages dont Attouche, Thala Toughrasth, Ililane, Tighremt et Thala Bouzrou étaient concernés par les survols incessants des avions.
Cela se passe dans les villages de cette commune située à une trentaine de kilomètres au nord du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou. Deux semaines seulement après les actions du 1er Novembre, plusieurs villages de Makouda ont été sous le feu des avions de l’armée coloniale qui bombardait les retranchements des maquisards. Les villageois observaient pour la première fois de leur vie ces objets passant par-dessus leurs têtes avec une puissance de feu inouïe, mais c’était compter sans leur courage et surtout leur dévouement inconditionnel à la cause nationale, à savoir l’indépendance de l’Algérie, après une longue nuit coloniale. Il faut rappeler aussi que si l’armée française a utilisé ses armes de guerre les plus sophistiquées à Makouda, ce n’est pas uniquement parce qu’il y avait des moudjahidine à proximité des villages. Les autorités coloniales avaient une dent contre cette région car à Makouda, faut-il le souligner, des hommes ont pris le maquis, neuf ans avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale, en 1945.
C’était le 14 novembre 1954, quelques jours seulement après le déclenchement de la révolution. Plusieurs villages dont Attouche, Tala Toughrast, Ililane, Tighremt et Thala Bouzrou étaient concernés par les survols incessants des avions. Les villageois étaient affairés à cultiver leurs champs. C’était la guerre, tout le monde le savait, mais l’on ne s’attendait pas à voir ces aéronefs et leur bruit assourdissant. L’armée coloniale était à la recherche des maquisards. Fort nombreux, ils ont déclenché une guerre qui allait durer sept longues années mais qui allait faire disparaître ces soldats et leurs supplétifs à jamais.
Il faut savoir que la région était située à proximité de l’un des massifs forestiers les plus denses d’Algérie. Mizrana était, en effet, une forêt de chênes-lièges qui s’étendait jusqu’à Dellys, dans l’actuelle wilaya de Boumerdès. Elle sera d’ailleurs une zone imprenable pour les soldats français. Dans ces villages situés aux alentours du massif forestier, les personnes âgées se rappellent encore ces avions qu’ils n’avaient encore jamais vus. « Je me souviens encore vaguement. À leur arrivée dans le ciel, au-dessus de nos têtes, tout le monde courait se cacher : enfants, femmes et vieilles personnes. Les hommes étaient presque tous au maquis depuis le début de la guerre. Nous sommes restés reclus dans les maisons jusqu’à leur départ. Une fois plus âgés, j’avais compris qu’ils étaient à la recherche de maquisards qui étaient dans la forêt », raconte Ahmed, un vieux de la commune de Makouda. Ce jour-là, l’armée coloniale était à la recherche de maquisards retranchés dans un ravin. Ils étaient au nombre de neuf, conduits par leur chef de section, Akli Babou. Ce dernier avait interdit à ses hommes d’utiliser leurs armes, des mitraillettes, pour ne pas se faire repérer par l’armée française qui préparait, depuis quelques jours, l’utilisation d’armes lourdes et d’avions militaires dans la région. Après une journée de traque et de bombardements dans les maquis, les avions cessèrent leurs survols, mais ils reviendront quelques jours plus tard, le 18 novembre. Ce jour-là, la surface de survol s’est élargie pour toucher d’autres communes environnantes, comme Mizrana et Boudjima.
Enfin, il faut souligner également que les autorités coloniales étaient déjà en difficulté dans la région, des années avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale. En 1939, à Agouni Hamiche, un village de Makouda, des militants du Mouvement national créeront la première cellule du Parti du peuple algérien (PPA) sous la houlette d’Amar Besalah dit Amar N’Ali N’Hand, Moh Saïd Kasmi Hamouche Mohand-Saïd, Hamouche Saïd et Chabni Saïd. Quelques années plus tard, en 1945, des jeunes ont pris le maquis parce qu’ils étaient recherchés par la police pour leurs activités en faveur du Mouvement national. Il s’agissait, d’abord, de Semaoun dit Ahmed Hend Ousmaïl (1910- 1956), Akli Babou (1910-1955), Ali Rabia dit Azzoug (1912-1952) et Amar Lvachir (1912- 1954). Ali Rabia était un vendeur de journaux à Makouda. Il les ramenait de Dellys mais était déjà politiquement actif, ce qui lui a valu d’être recherché par les autorités coloniales. Il a pris le maquis pour rejoindre Akli Babou, près de la forêt de Lemghassel, près de Sidi Naâmane. Ce dernier, lui, refusa d’être incorporé dans l’armée française, une seconde fois. Deux ans plus tard, en 1947, ils seront rejoints par Krim Belkacem et Amar Ouamrane.