Washington consulte Alger

Quelques jours après la visite en Algérie de l'adjointe du secrétaire d'État américain en charge des questions relatives aux organisations internationales, Mme Michele Sison, c'était au tour de la vice-secrétaire d'État américaine, Mme Wendy Sherman de communiquer par téléphone avec le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Mme Sherman qui, rappelle un communiqué du département des AE, est à l'origine de cette initiative, a échangé avec le chef de la diplomatie algérienne sur des questions on ne peut plus importantes. En effet, les deux responsables ont évoqué plusieurs dossiers brûlants, note la même source, citant la situation au Mali et dans l'espace sahélo-saharien.
Il faut savoir que l'intérêt que porte les Etats- Unis à cette région du monde n'est pas nouveau. La création même de l'Africop était sous-tendu par l'extraordinaire développement du terrorisme dans la vaste bande sahélienne, déstabilisant plusieurs pays. L'invasion otanienne contre la Libye a compliqué la donne sécuritaire dans la région. Présentement, le Sahel est encore loin de la stabilité, avec notamment l'échec de l'opération française Barkhane et les coups d'État à répétition. L'Algérie s'impose, de fait, comme la seule puissance politique susceptible de jouer un rôle majeur dans la région. Le plan de paix d'Alger pour le Mali est actuellement le document qui fait consensus. Les Etats-Unis soutiennent le processus de paix dans ce pays et conviennent de la pertinence du discours algérien dans ce dossier.
Le Sahel n'aura pas été le seul sujet abordé lors de l'entretien téléphonique, puisque la question du Sahara occidental a également eu sa part dans les discussions. Retenons à ce propos, la posture bien plus légaliste de l'administration Biden qui, dès son arrivée à la Maison-Blanche, a mis un terme aux folies de Donald Trump. Le projet du consulat américain à Dakhla occupée a été annulé et l'argent devant servir à sa construction a été dirigé vers un fonds de soutien aux Sahraouis. Ainsi, plus attentif à la question, le nouveau pouvoir à Washington tente de trouver une solution au conflit maroco-sahraoui, dans le respect de la légalité internationale. Le communiqué du MAE n'a donné aucun détail sur le fond des discussions sur cette question précisément, mais l'on peut affirmer que Lamamra a certainement trouvé les arguments attestant du bien-fondé du discours algérien sur le sujet.
Les deux responsables ont abordé le dossier palestinien, actuellement au coeur d'une actualité dramatique. La position d'Alger est on ne peut plus claire et ne souffre d'aucune nuance. Le soutien américain à Israël est, lui, problématique. Mais disons-le, sans grand espoir, que le seul fait de consulter l'Algérie sur pareille question est en soi une fenêtre d'expression pour les Palestiniens qui savent l'importance qu'accorde le peuple et le gouvernement algériens à leur combat. Cette consultation sur la Palestine revient à reconnaître le poids d'Alger dans le concert des nations arabes. Lesquelles nations ont d'ailleurs contribué au succès du Sommet d'Alger, du 1er novembre dernier et accordé à l'Algérie l'honneur de présider la délégation ministérielle arabe d'intermédiation entre Moscou et Kiev. Ce poids que l'Algérie assume pleinement en sus de sa posture à équidistance entre la Russie et les Etats-Unis, en fait un interlocuteur privilégié lorsque l'heure de la paix sonnera en Ukraine. On ne sait pas ce que Mme Sherman et M.Lamamra se sont dit sur le sujet, mais l'on devine que la situation en Europe de l'Est a été abondamment commentée. C'est dire que cet entretien téléphonique n'est pas anodin, sachant le contexte géopolitique très particulier où les nouveaux conflits s'additionnent aux anciens, mettant la planète et l'humanité face à des défis qui obligent les uns et les autres à faire preuve d'inventivité pour parvenir à un monde plus équilibré qu'il ne l'est actuellement.