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HOMMAGE À MOHAMED-SALAH MENTOURI

Un homme d’Etat nous quitte

Ce n´est pas seulement un gestionnaire rigoureux, méthodique, travailleur et scrupuleux qui a pris ce dimanche 5 septembre 2010 définitivement congé de ses contemporains. C´est un véritable homme d´Etat qui vient de nous quitter, après avoir rempli dans les conditions les plus dignes, les responsabilités successives qui lui ont été confiées depuis l´Indépendance. Né le 9 avril 1940 à Hamma (Constantine), Mohamed Salah Mentouri a rejoint les rangs de l´ALN, alors qu´il n´avait que 15 ans et pris une part active à la lutte de Libération nationale, après le tournant qu´a constitué l´insurrection du Constantinois du 20 août 1955. Membre de l´Ugema (1960-1962), il a été à l´Indépendance, directeur général de la Sécurité sociale (1970-1980) dont il transforma les conditions de travail et les méthodes de gestion. Comme secrétaire général du ministère de la Formation professionnelle (1982-1984), il initia les principales lois sur les relations de travail et les relations sociales qui furent adoptées en 1983. Il fut un responsable unanimement respecté en qualité de vice-ministre des Sports, puis de vice- ministre du Tourisme mais ne disposa pas pour l´exercice de ces deux missions de la latitude et des moyens qui lui eussent permis de mener à bien les réformes ambitieuses qu´il projetait pour ces deux secteurs, notamment celui des sports qui avait urgemment besoin d´une reprise en main. En revanche, il aura été sans conteste le plus remarquable dirigeant d´une institution consultative nationale depuis l´Indépendance à ce jour. Le président Liamine Zéroual qui appréciait à un haut degré ses aptitudes intellectuelles (il était sorti dans la botte d´HEC et obtenu d´autres diplômes universitaires en se classant parmi les tout premiers de sa promotion) et morales, son patriotisme à toute épreuve et son refus des compromissions, l´avait chargé de transformer le Cnes, alors dirigé par A. Bouchouareb, en un outil d´aide à la décision qui devait devenir incontournable aussi bien pour la présidence de la République, le gouvernement que pour l´ensemble des institutions de l´Etat.
J´ai fait sa connaissance pour la première fois à l´automne 1992, à l´occasion de l´installation par le président Kafi de la fameuse commission des experts «Algérie 2005» présidée par le regretté Djillali Liabès. Nous étions tous les deux membres de la sous-commission «Réformes politiques et institutionnelles», présidée, elle aussi, par le DG de l´Inesg. Si Mohamed Salah comme Si Djillali qui étaient, tous deux, des esprits brillants dont la mécanique intellectuelle fonctionnait à la vitesse du son, avaient réussi sur-le-champ à imprimer un rythme de travail prodigieux à la sous-commission, ce qui nous avait permis de réaliser des avancées extraordinaires en un temps record. Y participaient également le regretté successeur de Liabès à l´Inseg, M´Hamed Boukhobza, qui sera lâchement assassiné à son tour, l´ancien secrétaire général de la Présidence, Taha Tiar, l´actuel ministre de l´éducation, recteur de l´université de Blida, Boubekeur Benbouzid, ou encore le sage et avisé Professeur Hachemi Kherfi, enseignant à l´ENA, lieu qui abritait toutes nos réunions de travail grâce à la diligence de T. Tiar, alors directeur de l´ENA. Je garde des interventions de Si Mohamed Salah, de ses analyses inédites et toujours audacieuses, de ses recommandations et de ses avis puisés d´une connaissance encyclopédique de la société algérienne et des ses institutions, un souvenir impérissable. La dette que nous avons les uns et les autres à son égard est imprescriptible.
Comme le président L. Zéroual ressentait le besoin de doter l´administration algérienne d´un véritable outil d´aide à la décision et qu´il nourrissait quelque circonspection à l´égard d´un Parlement jugé trop émollient, il avait décidé, sur le conseil de M.S. Mentouri, d´auditer et de faire expertiser tous les projets économiques, sociaux et culturels d´importance stratégique par les meilleures compétences algériennes, par-delà leur appartenance idéologique, spirituelle ou politique. Tout comme L.Zéroual, M.S.Mentouri était un rassembleur impénitent pour qui le seul critère de l´engagement était le souci de servir l´intérêt national. Pour ce faire, il fallait que le Cnes devienne une institution indépendante, maîtresse de son ordre du jour, seule juge de la qualité des responsables qu´elle devait auditionner et par voie de conséquence, afin de lui permettre de remplir son office dans des conditions optimales, puisse être destinataire de l´ensemble des statistiques et informations sur l´état du pays, sans quoi les séances d´audition n´auraient été qu´un simulacre de dialogue; éventualité écartée d´emblée par le président du Cnes. Il faut reconnaître qu´avec S. Hamdani, A.Benbitour puis A. Benflis, la cohabitation Gouvernement/Cnes n´avait pas été conflictuelle. Elle l´est devenue avec le retour aux affaires d´A. Ouyahia, en mai 2003. Sans doute ne faut-il pas dramatiser les divergences entre les hommes, loi d´airain qui existe partout dans le monde où les enjeux de pouvoir sont prépondérants, y compris dans les Etats démocratiques les plus policés, surtout lorsque s´affrontent des personnalités fortes, ombrageuses, jalouses de leurs prérogatives. Mais qu´il soit, cependant, permis d´exprimer un regret. Dans la conception de M.S.Mentouri qu´il m´avait lui-même exposée, il y a quelques mois, il ne s´agissait nullement dans son esprit de faire auditer les ministres par le Cnes à des fins de sanction politique ou de désaveu public qui aurait mis le chef de l´Etat en porte-à-faux par rapport à ses prérogatives constitutionnelles. La Constitution algérienne est claire à cet égard. Les ministres n´ont jamais été responsables que devant le président de la République, mais ni devant le chef du gouvernement jusqu´au maintien de cette institution au 12 novembre 2008 (c´est-à-dire avant la révision constitutionnelle) ni a fortiori depuis qu´elle a été supprimée au profit d´un Premier ministre, simple Primus inter pares. Par conséquent, c´est dans le cadre strict de l´exercice de sa fonction consultative que le Cnes auditait les ministres et non pas bien évidemment aux fins de les accabler ou de leur faire porter le chapeau, en cas de dysfonctionnements dans leur secteur (cette responsabilité appartient en propre au chef de l´Etat). Il est regrettable que ce malentendu n´ait pas pu être dissipé. Nous étions convenus de nous voir régulièrement, dès l´automne 2010, pour mettre au point les axes majeurs d´un libre entretien dans lequel, il se serait assurément beaucoup livré. La Providence, décidément si avare de concessions, en a décidé autrement.
Quoi qu´il en soit, pour tous les jeunes universitaires, chercheurs, enseignants, managers, M.S.Mentouri restera un modèle: un modèle de rigueur, d´intégrité, de courage, d´opiniâtreté, de générosité qui a toujours été porté par le service de l´Etat et celui du bien public, qui n´a jamais transigé sur les principes, mais dont peut-être l´excessive modestie a pu entraver l´accomplissement d´une destinée plus grande encore. En cette pénible et douloureuse circonstance qui accable sa femme, ses enfants, ses parents, qu´il me soit permis d´adresser des paroles de tendresse et d´affection à l´ensemble de la famille Mentouri ainsi qu´à la famille Allahoum dont il était l´allié. Que Dieu accueille cet homme de coeur, ce grand serviteur de l´Etat algérien, ce moudjahid précoce en Son Vaste Paradis.

(*) Membre de la Commission «Algérie 2005»
Professeur d´université
[email protected]

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