Le wali, le python...et la couleuvre
Une mayonnaise qui ne veut pas prendre, c´est cette histoire du python en cavale et d´un wali recherché par toutes les polices du pays au moment même où il était derrière les barreaux. Non seulement ces deux affaires constituent la trame de deux feuilletons qui meublent la vacuité de l´actualité nationale, mais en plus, elles rejoignent dans le bréviaire ces deux mythes que sont le monstre du Loch Ness et le triangle des Bermudes.
Un ex-wali en fuite et un python introuvable, il y a là de quoi couvrir une vaste portion du territoire. De Mohammadia (Alger) à El Tarf, à l´est du pays, on voit que tous les commissariats et les brigades de gendarmerie du pays ont été mis en émoi, tenant l´opinion publique en haleine. Heureusement que dans le même temps, un enfant de cinq ans, kidnappé à Barika, a été libéré sain et sauf, par ses ravisseurs, sur lequel l´étau des forces de sécurité était justement en train de se resserrer, sans qu´aucune rançon ne soit versée par son père, alors qu´on lui avait exigé 300 millions de centimes. Heureux dénouement qui vient relativiser le flop des précédents enlèvements, dans lesquels les malfaiteurs ont réussi à subtiliser de grosses sommes d´argent aux parents des otages.
Pendant que l´été indien joue les prolongations, privant le pays de pluies bienfaitrices, Hamid Temmar recule devant les menaces des syndicats et retranche 100 entreprises aux 1200 EPE privatisables, prouvant qu´en la matière, aucune religion n´est faite.
On navigue à vue, d´autant plus que les capitaux nationaux ou étrangers ne sont pas tellement intéressés par les offres qui leur sont faites en la matière. Si les capitalistes répugnent à reprendre ces entreprises et si leurs travailleurs y tiennent tant, pourquoi alors s´échiner à les céder coûte que coûte, puisque la situation actuelle semble arranger tout le monde.
C´est vrai que lorsqu´on voit des entreprises plutôt bénéficiaires comme l´Eniem, on se dit qu´il n´y a pas de raison de les délester. Lorsque ces mêmes boîtes sentiront le besoin d´ouvrir leur capital pour pouvoir investir et se développer, c´est à leur conseil d´administration qu´il reviendra d´en décider.
Il y a dans toutes ces affaires comme une valse à trois temps, voire un concerto joué à trois mains. Les deux mains qu´on voit et une troisième qui reste invisible, et pourtant qui joue bien sa partition.
Par commodité, on a toujours pointé du doigt la main de l´étranger, mais ici en l´occurrence, elle est absente. Le python de Mohammedia, s´il existe, est bien algérien, même s´il a est originaire des tropiques...Le wali d´El Tarf était bien dans une geôle algérienne au moment où des rumeurs disaient qu´il était caché à l´étranger. Et les entreprises soumises à privatisation veulent bien rester dans le giron de l´Etat algérien, à en croire leurs travailleurs et leur syndicat. Abdelatif Benachenhou, l´ex-grand argentier, mettait l´échec de la privatisation sur le dos des travailleurs: si ces derniers n´ont pas un mot à dire sur l´entreprise dans laquelle ils travaillent et pour laquelle certains ont sacrifié les plus belles années de leur vie, alors qui peut l´avoir? En revanche, ce qui leur est demandé, c´est de rendre viable leur affaire et de ne pas aller émarger dans les caisses du Trésor public. Auquel cas, il y maldonne et les règles de l´économie sont trahies. Enfin, on pourra toujours dire qu´un wali en cavale est un fonctionnaire fantôme, qu´un python introuvable est un reptile virtuel, mais la rumeur, elle, qui gonfle et grossit comme un oued en crue, est bien réelle.