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Quel artiste...

«L'artiste est un mouton qui se sépare du troupeau.» Witold Gombrowicz

Quand un personnage important ou jouissant d'une grande notoriété meurt, les grands médias possèdent toujours sur leurs rayons ou dans leurs tiroirs, au chapitre de la rubrique nécrologique un portrait du disparu qu'il retire aussitôt pour l'exposer au citoyen avec l'attitude qui sied en la circonstance. Quand c'est un personnage politique qui s'éclipse (surtout quand il est inféodé au système), la télévision se met en berne et affiche carrément un deuil profond. Des témoins sont invités pour apporter des points de vue souvent élogieux sur le cher disparu. Quand c'est un artiste qui tire sa révérence, la Télévision nationale se fait plus discrète: il faudra attendre quelques jours, le temps qu'un portrait-robot, conforme à la morale et aux canons du système, soit tiré à l'effigie du baladin qui, en général, était oublié depuis belle lurette par les services sociaux. En Europe, quand un grand artiste reconnu disparaît, c'est un véritable cataclysme qui est vécu: sa mort figure à la une des journaux, elle ouvre la plupart des journaux parlés ou télévisés et les programmes sont bouleversés pour que soient diffusées en lieu des émissions auxquelles a collaboré le défunt. Les archives sont activement mises à contribution.
Au-delà du film didactique qui a pour ambition de faire connaître un peintre et son oeuvre, un musicien et son répertoire, un écrivain et son style ou un homme politique et son itinéraire, il y a le plus souvent dans l'exécution d'un portrait, une tentative de réhabilitation d'un homme qui n'a pas été, de son vivant, traité comme il faut ou apprécié à sa juste valeur: c'est un hommage en vérité rendu. Le portrait peut être un moyen de réparer les outrages du temps, du régime, des hommes ou le moyen subtil de remettre dans l'air, des idées mises longtemps sous le boisseau. Le portrait peut être ainsi un élégant bras d'honneur fait à une censure sourcilleuse. Dans tous les cas, c'est le genre favori de l'Unique, car il ne revient souvent pas cher puisqu'il ne demande que quelques interviews, une recherche dans des archives malmenées et un réalisateur qui ronge son frein dans un coin de l'entreprise. Il faut tout de suite passer, bien entendu sur les oeuvres vite expédiées des charognards qui n'attendent que la mort d'un artiste, méprisé ou ignoré de son vivant, pour lui dresser un hymne dithyrambique comme on dresse un monument aux morts. C'est souvent des esquisses bricolées à la hâte sur la dépouille encore fumante du cher disparu. Il y a, cependant, des traits caractéristiques à tous les portraits officiels commandités ou diffusés sur l'espace audiovisuel restreint qui est le nôtre: les hommages aux artistes comme aux héros semblent tous sortir d'un même moule, celui de l'article 120 où tous les préposés semblent répondre aux critères de compétence, d'engagement, d'honnêteté et de rigueur qui font d'eux des citoyens exemplaires. Ils ont été tous de bons patriotes, parlent bien l'arabe comme il se doit, sont de profonds croyants, ne boivent pas, ne fument pas, ne draguent pas même s'ils causent abondamment. Ils écoutent pour la plupart la Chaîne I, ne ratent pas le journal télévisé, se gargarisent des discours officiels quel que soit l'orateur... Ils détestent tous la France coloniale (même si de temps en temps, ils y vont faire une petite cure ou ont fait des pieds et des mains pour y être soignés...). Ils n'ont jamais volé, ni violé et encore moins tué. Ils n'ont connu la prison que pour de nobles motifs politiques, ils ne sont ni sado ni maso et n'ont jamais connu les tourments de l'enfance ou de l'adolescence chers à Sigmund Freud. Avec des exemples pareils, il y a longtemps que notre pays serait sorti de l'ornière. Mais les vrais artistes, ceux dont le silence est le plus éloquent des répliques, dérogent à cette règle. Espérons qu'à la suite de la disparition de Sid-Ali Kouiret, l'Unique saura retrouver les images jalonnant une impressionnante carrière qui va des planches glorieuses de la troupe du FLN, à celle du sympathique Hassouna du Moineau de Youssef Chahine en passant par le truculent chef de la famille Ramdam de M6.

De Quoi j'me Mêle

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