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Le retour de la Russie en Afrique

De Sotchi à Saint-Pétersbourg

La Russie cherche à diversifier la structure de ses échanges en privilégiant les secteurs de haute technologie.

La chute du mur de Berlin et le démantèlement de l'ex- Union soviétique ont fait que la Russie s'était longtemps éclipsée du continent africain. Les premiers signes d'un regain d'intérêt pour l'Afrique remontent au début des années 2000 avec l'arrivée au pouvoir du président Vladimir Poutine. C'est ainsi qu'en 2001, Moscou signe avec Alger une déclaration de partenariat stratégique, le premier traité de ce type signé par la Russie avec un État africain suivi en 2006 d'un accord qui annule sa dette estimée à 4,7 milliards USD. La même stratégie est adoptée vis-à-vis de la Libye en 2008 en annulant une dette de plus de 4 milliards USD. La Libye représente, aux yeux de Moscou, une des portes d'entrée sur le continent africain, lui permettant de pérenniser sa présence au Soudan, au Mozambique, en Centrafrique ou à Madagascar.
Vers la fin du mandat du président Dmitri Medvedev, la politique africaine de la Russie commence à s'institutionnaliser. Ainsi, en mars 2011, le président russe nomme un représentant spécial pour la coopération avec l'Afrique. Les liens commerciaux entre la Russie et l'Afrique se développent rapidement, le volume des échanges bilatéraux passe de 9,9 milliards USD en 2013 à près de 20 milliards USD en 2018. Pour pallier les effets des sanctions imposées suite à l'annexion de la Crimée en 2014, la Russie s'investit de plus en plus en Afrique. En Égypte par exemple, la Russie profite du désengagement américain à l'issue du printemps arabe pour se rapprocher du président Al-Sissi élu en 2014 et signer un contrat d'armement de 3,5 milliards USD. D'autres accords viennent ensuite lier les deux pays, à savoir, les traités de coopération militaires (fourniture d'armement et formation), l'accord pour la construction de la première centrale nucléaire égyptienne, les exportations de céréales approvisionnant à hauteur de 85% en blé russe, etc.
En 2019, les deux pays signent un contrat, qui prévoit la livraison d'avions de combat russes à l'Égypte.
Les États-Unis mettent alors en garde leur partenaire égyptien et agitent la menace de sanctions, au titre de la loi Caatsa, qui permet de sanctionner toute entité faisant affaire avec l'industrie russe de l'armement.
Si l'Afrique du Nord (Algérie, Libye et Égypte, notamment) constitue une porte d'entrée de la Russie sur le continent africain, elle n'est plus, aujourd'hui, le seul point d'ancrage de Moscou en Afrique. La présence russe en Centrafrique, à Madagascar, en Angola et au Soudan indique l'évolution de la stratégie de la Russie en Afrique. Depuis 2017, l'accent est mis sur l'approfondissement de la coopération sécuritaire d'une part, par la signature d'accords de défense et le déploiement de sociétés militaires privées, et sur l'influence médiatique, d'autre part. Cette formule s'avère particulièrement attractive. Des accords conclus avec le Mozambique et le Soudan ont par exemple pour objet de faciliter l'entrée de navires militaires russes dans les ports des deux pays. Deux accords avec la Centrafrique et le Soudan prévoient même une coopération renforcée allant jusqu'à la création d'une représentation du ministère russe de la Défense au sein des structures homologues du pays signataire.
L'opération Eufor Tchad/RCA
La Russie, au fil des années, a réussi à s'imposer comme un acteur central sur le continent africain, en offrant, notamment une assistance en matière de sécurité avec moins d' exigence que l'Occident en matière de gouvernance interne respectant la souveraineté des États. Entre 2008 et 2020, Moscou a ainsi fourni 28% des équipements militaires aux pays d'Afrique subsaharienne, devant la Chine (24%), l'Ukraine (8,3%) et les États-Unis (7,1%).
Par ailleurs, Moscou a souhaité s'associer en 2008 à l'opération militaire de l'Union européenne au Tchad et en Centrafrique (opération Eufor Tchad/RCA). Au regard des conflits de faible intensité et des violences constatées dans la région du Darfour, le Conseil de l'Union européenne avait adopté le 15 octobre 2007 une action commune prévoyant une opération militaire de transition au Tchad et en République centrafricaine. Lancée le 28 janvier 2008, l'opération Eufor Tchad/RCA avait pour objectifs d'améliorer la sécurité dans l'est du Tchad et dans le nord-est de la République centrafricaine, de contribuer à la protection des réfugiés et des personnes déplacées et de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire. Elle devait répondre ainsi aux termes de la résolution 1778 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Le dispositif prévoyait également la participation d'États tiers à l'opération. Des conventions ont ainsi été signées avec l'Albanie, la Croatie et la Russie. Cette opération militaire a permis de renforcer, à l'époque, la coopération de l'Union européenne avec la Russie dans le cadre des opérations de gestion des crises internationales.
Avec sa diplomatie économique proactive, la Russie, cherche à diversifier la structure de ses échanges en privilégiant les secteurs de haute technologie. Elle se positionne par exemple sur le marché des lancements de satellites, pour le compte de l'Angola, en 2017, mais aussi de la Tunisie, à partir de 2020. Dans le domaine du nucléaire civil, Rosatom a multiplié les accords avec des pays primo-accédants africains sur la mise en place de filières, par exemple en Zambie, au Soudan et au Rwanda.
La Russie est également active dans le domaine de la coopération sanitaire avec l'organisation de campagnes de vaccination contre le virus Ebola ou l'exportation de traitements contre le virus de Covid-19.
Le sommet Russie-Afrique de Sotchi en octobre 2019, marque la consécration du retour de la Russie en Afrique.
Le premier sommet qui a réuni une quarantaine de chefs d'État africains s'est conclu par la proclamation d'objectifs ambitieux avec le doublement des échanges commerciaux d'ici à 2024 et la signature de plusieurs traités bilatéraux. La déclaration finale fait état de 92 accords, contrats et protocoles d'accord d'une valeur totale de 1 400 milliards de roubles. Afin de se démarquer de la Chine, accusée d'entraîner l'Afrique dans le surendettement, Moscou met en avant sa politique d'effacement de la dette, héritée de l'époque soviétique, et sa volonté de fonder une coopération équilibrée, respectueuse de la souveraineté des États africains. Au cours des dernières années, la Russie a ainsi signé des accords avec une vingtaine de pays, les plus récents étant ceux avec le Madagascar (octobre 2018), le Mali (juin 2019), le Congo (mai 2019), ainsi qu'un «partenariat stratégique approfondi» avec l'Algérie (juin 2023).
Influence médiatique
Au-delà des accords économiques, la Russie prévoit des accords de défense intégrant la formation militaire, la fourniture de matériels militaires ou la maintenance d'équipements déjà en dotation, des exercices communs, la lutte contre le terrorisme et la piraterie maritime dont les composantes varient en fonction de la situation des pays et de leurs préoccupations. Si l'ouverture de bases militaires permanentes en Afrique n'est pas à l'ordre du jour, la Russie relance en mars 2022 un projet de base navale au Soudan, qui lui offrirait un accès stratégique à la mer Rouge. Ce projet, qui devait permettre d'accueillir 300 hommes et jusqu'à quatre navires de guerre, remonte en réalité à 2017 mais il a été suspendu suite à la chute d'Omar El-Béchir en 2019. Mais le coup d'État du général d'octobre 2021 a rebattu les cartes, recréant des conditions favorables à une coopération renforcée avec la Russie. Déjà opposés à l'implantation de la Russie à Djibouti, les États-Unis d'Amérique s'inquiètent de la perspective d'ouverture d'une base navale russe au Soudan. Les monarchies du Golfe, également très actives dans la Corne de l'Afrique, jouent aussi de leur influence pour limiter l'implantation de la Russie dans la région. Selon des observateurs avertis, malgré cette volonté politique affichée de réinvestir le continent africain, la Russie ne souhaite engager ni troupes régulières ni forces spéciales en Afrique.
Outre le volet militaro-sécuritaire, le plus grand succès de la Russie en Afrique est d'avoir amélioré la perception de son rôle et de son influence médiatique et informationnelle qui s'appuie, notamment sur certains médias d'État comme RT et Sputnik, qui sont parvenus à s'imposer comme des sources à l'audience significative dans de nombreux pays. Leur ligne éditoriale insiste sur l'absence de passé colonial russe en Afrique et sur une coopération pragmatique sans contreparties en termes de gouvernance interne et d'atteinte à la souveraineté des États.
Avec le Sommet Russie-Afrique de Saint-Pétersbourg de juillet 2023 consolidant celui de Sochi, la Russie est de nouveau considérée comme un acteur capable d'offrir à ses partenaires africains une coopération économique et sécuritaire. Moscou est, aujourd'hui, susceptible de représenter une «troisième voie» diplomatique entre les Occidentaux, généralement perçus comme intrusifs sur la question des droits humains, et les Chinois dont certains dans la région souhaiteraient s'en éloigner. En ce sens, il est utile de rappeler qu'en novembre 2018, 37 des 55 pays de l'Union africaine avaient déjà signé un accord BRI (Belt and Road Initiative) avec la Chine.
De nouveau perçue comme un espace majeur de compétition, l'Afrique aiguise l'appétit des grandes puissances de l'Europe, et des puissances non européennes comme les États-Unis, la Chine et la Russie. Tous ces acteurs de puissance cherchent à sécuriser l'accès aux ressources stratégiques nécessaires à leur croissance économique liée à l'industrie alternative et à la reconversion énergétique. Ces puissances investissent le continent africain par le biais de financements et d'accords diplomatiques, de construction de bases logistiques et l'exercice de leur soft power pour certains et smart power pour d'autres. Ces puissances s'engagent activement sur la voie de la coopération militaire, par le biais non seulement des ventes de matériels militaires mais aussi par des formations militaires et d'exercices conjoints avec leurs partenaires africains. Ils y conduisent également des opérations significatives pour ce qui est par exemple des États-Unis au titre du contre-terrorisme. Dans la stratégie africaine de Washington, deux objectifs sont clairement identifiés, à savoir, contrer la menace du terrorisme radical islamique et les conflits violents et contenir les présences chinoise et russe.

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