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Réalisation d’un port dans le triangle stratégique de la Méditerranée orientale

Les non-dits de l’initiative américaine

La Maison-Blanche a tenu à préciser qu’aucune troupe américaine ne serait déployée en Israël pour ce chantier.

Le président américain Joe Biden, lors de son discours sur l'état de l'Union au Congrès, a annoncé le lancement de la construction d'un «port temporaire en Méditerranée sur la côte de Ghaza». L'objectif avoué est d'acheminer par la mer davantage d'aide humanitaire aux Ghazaouis. Plus de 2,2 millions d'entre eux, soit l'immense majorité de la population de l'enclave, sont menacés de famine, selon l'ONU. «J'ordonne à l'armée américaine de mener une mission d'urgence pour établir un embarcadère qui puisse accueillir de grands navires transportant de la nourriture, de l'eau, des médicaments et des abris temporaires», a ainsi commandé le président Biden et commandant en chef des Forces armées américaines. Il estime que la construction de ce port prendra «plusieurs semaines» et sera menée par des ingénieurs militaires américains. Mais face à l'urgence de la situation à Ghaza, il semblerait que Joe Biden veut aller au plus vite et réclame le soutien d'une coordination d'«alliés» européens au sol, ainsi que celui de l'ONU et des organisations humanitaires pour mener à bien cette construction.
En revanche, la Maison-Blanche a tenu à préciser qu'aucune troupe américaine ne serait déployée en Israël pour ce chantier. «Le projet implique la présence de personnel militaire américain sur des navires militaires au large, mais n'exige pas que le personnel militaire américain se rende à terre pour installer la jetée ou le pont», a insisté un haut fonctionnaire américain à Reuters.
Si la création du port de Joe Biden a été saluée par l'ONU, Sigrid Kaag, coordinatrice des Nations unies pour l'aide humanitaire et la reconstruction à Ghaza, met en garde: «Je ne peux que répéter que l'air et la mer ne remplacent pas la terre et que personne ne dit le contraire.» À Madrid, Philippe Lazzarini, le chef de l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) a également plaidé pour l'ouverture de points de passage routiers permettant «d'avoir des convois quotidiens à grande échelle». De son côté, Jeremy Konyndyk, ancien haut responsable de l'aide humanitaire au sein de l'administration de Joe Biden, estime que le président américain aurait dû se mouiller, et demander au gouvernement israélien d'ouvrir une nouvelle voie terrestre. «Cela montre jusqu'où le président Biden est obligé d'aller pour éviter d'exercer une pression significative sur Netanyahu», a-t-il précisé. Après l'annonce de Biden, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a rappelé que l'idée d'un corridor maritime était initialement celle de Chypre, pays membre de l'Union européenne le plus proche de la bande de Ghaza. En déplacement sur l'île, elle a dit espérer l'ouverture d'un tel couloir humanitaire. «Chypre réunira bientôt des hauts fonctionnaires pour discuter de la manière dont nous pouvons accélérer la mise en place de cette voie maritime pour soutenir ceux qui en ont besoin, en complément des voies terrestres et aériennes y compris depuis l'Égypte et la Jordanie», a-t-elle encore dit. Le président chypriote, Nikos Christodoulides, a, pour sa part, assuré que le corridor maritime visait à «augmenter» l'aide en complétant les autres voies d'acheminement et les largages aériens. Une fois que l'aide maritime aura atteint Ghaza, elle devra encore être distribuée sur le terrain.
Du point de vue de l'analyse, l'objectif inavoué de la construction du port proposé par le président américain Joe Biden au large des côtes de Ghaza se situe à trois niveaux stratégiques dans une aire considérée d'intérêt spécial par les États- Unis d'Amérique. Il s'agit de:
1. Renforcer l'influence américaine au Moyen-Orient: le port est perçu comme une extension des ambitions géopolitiques des États-Unis dans la région, visant à établir une présence physique et une influence directe près de Ghaza et plus largement du Moyen-Orient.
2. Faciliter la mise en oeuvre du projet régional «Forum du gaz de l'Est méditerranéen»: le port et le corridor maritime chypriote-israélien sont envisagés comme des composantes clés pour promouvoir les intérêts économiques et énergétiques des États-Unis et de leurs alliés, en facilitant l'exportation de gaz naturel vers l'Europe et en contournant les défis posés par les groupes de résistance à Ghaza.
3. Contourner l'influence des mouvements de résistance: l'initiative cherche à neutraliser ou à réduire l'impact des groupes de résistance à Ghaza qui s'opposent à l'influence américaine et israélienne, en créant des infrastructures qui facilitent le contrôle et la surveillance de la région.
En somme, la construction du port dans le triangle de Mediterranée orientale bordé par Chypre-Israël-Syrie, proposé par le président Biden serait un levier pour un arrimage stratégique, économique et sécuritaire des États-Unis dans la région, sous couvert d'objectifs de développement, d'aide humanitaire, et de reconstruction tout en agissant pour modifier les équilibres de pouvoir et d'influence des États et des groupes à consonance sectaire ou cultuelle dans la région du Moyen-Orient et de l'Asie centrale.
Ceci nous amène à préciser que la prérogative d'une puissance influente est de pouvoir gérer son environnement externe, les sources de la force et de l'influence américaine étant au nombre de quatre: puissance militaire, influence diplomatico-culturelle, indépendance relative en ressources naturelles, compétitivité dans le commerce international. En ce qui concerne les deux premières sources, les États-Unis d'Amérique continueront à montrer leur volonté d'utiliser leur force militaire, ce qui consolidera l'influence diplomatique (équilibre relatif entre Soft Power et Hard Power). Quant aux deux dernières sources, elles visent la reconquête par la stratégie du «circumscribed engagement - engagement circonscrit». Partant de ces principes fondamentaux, les États-Unis d'Amérique concentrent leurs activités de politique étrangère et leurs entreprises économiques et commerciales dans une «zone de coopération» définie par deux sous-ensembles, le «bloc hémisphère occidental» qui correspond à l'ensemble du continent américain, et l' «aire d'intérêt spécial» correspondant à l'Afrique et la Méditerrannée. Le «bloc hémisphère occidental» constituerait un contrepoids commercial face à l'Europe et au Japon par l'encouragement du libre-échange et en augmentant l'approvisionnement des États-Unis d'Amérique en minerais stratégiques et critiques à partir de l'Amérique latine. Cette stratégie économique a été adoptée par le président Bush dans le cadre de l' «Enterprise for the Americas» poursuivie par les présidents Clinton, puis Obama et Trump. Le président Biden n'a fait que continuer dans cette voie. L' «aire d'intérêt spécial» considérée comme proche du bloc, est choisie pour ses ressources naturelles et sa complémentarité sur le plan économique. Dans la vision stratégique américaine, le «bloc hémisphère occidental» pourrait présenter à l'Afrique et au Moyen-Orient une alternative au partenariat de l'Europe.
L'intérêt des États-Unis d'Amérique pour la Méditerranée et par extension pour l'Afrique augmenterait au fur et à mesure que l'Europe abandonne sa «chasse gardée» mais surtout pour contenir la propension de la Chine, laquelle a opté pour un «Smart Power». Il y a lieu de considérer que dans la vision géoéconomique et géopolitique américaine future, l'Europe et le Japon sont rivaux, la Chine est le concurrent au sens le plus large du terme et la Russie est une menace. Les priorités géostratégiques des États- Unis d'Amérique sont d'abord de s'assurer une possibilité de projeter leur puissance dans tous les recoins de la planète, et de ce fait de disposer de bases militaires. Comme les États-Unis d'Amérique dépendent de la liberté et de l'ouverture des voies maritimes ainsi que d'une puissante flotte de haute mer pour leur approvisionnement en matières premières et leur vitalité économique, ils seront toujours concernés par l'accès aux ports et le passage des détroits. Par conséquent, l'attention sera concentrée sur les quelques pays africains et ceux de la Méditerranée sous couvert d'une coopération globale et dont le poids se fait ressentir en matière de production de pétrole, de gaz et de minerais stratégiques et critiques
(17 minerais rares du tableau de Mendeleïev), de lignes de communication maritime et de prolifération d'équipements militaires.

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