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Conflit nucléaire

La crise en Ukraine a ravivé la peur

Avant l'Ukraine, l'échaffaudage stratégique international avait commencé à vaciller. En Europe, mais aussi en Asie et au Moyen-Orient. Pour l'historien et spécialiste français de non- prolifération et désarmement, Benjamin Hautecouverture, le bouleversement est à l'oeuvre depuis les années 2000.

L'éventualité longtemps occultée d'une guerre nucléaire est brutalement revenue au premier plan avec le conflit en Ukraine, même si la délicate architecture de sécurité internationale bâtie après la Deuxième guerre mondiale avait commencé à se déliter depuis des années. Mêmes vagues, les avertissements du président russe Vladimir Poutine, laissant entendre qu'il pourrait utiliser l'arme atomique si le territoire russe est menacé, ont rompu un «pacte» tacite sur la retenue, et bouleversé le concept de dissuasion. Le «tabou nucléaire», concept à la fois moral et stratégique sur le non emploi de l'arme atomique, forgé après les bombardements américains d'Hiroshima et Nagasaki en 1945, tient toujours, mais pas la rhétorique, désormais désinhibée. En 2022, des télévisions russes peuvent ainsi évoquer les possibilités d'une frappe nucléaire sur Paris ou New-York, et un ancien diplomate russe affirmer sans sourciller que si Poutine pense la Russie menacée de disparaître, «il appuiera sur le bouton». Désinhibition, extrême «brutalisation» des relations internationales, retour de la guerre en Europe... Pour les pays occidentaux, qui ont longtemps vécu sur «les dividendes de la paix», le réveil est brutal. À tel point que le président américain Joe Biden a mis en garde en octobre contre un possible «Armageddon» nucléaire, illustrant le sentiment désormais répandu que le monde danse sur un volcan. «L'événement le plus spectaculaire du dernier demi-siècle est un événement qui ne s'est pas produit», écrivait en 2007 le Prix Nobel d'économie et spécialiste américain des questions stratégiques Thomas Schelling, résumant parfaitement la fragilité de l'équilibre sur lequel a reposé le monde depuis Hiroshima et Nagasaki en 1945. Bien avant l'Ukraine, l'échaffaudage stratégique international avait commencé à vaciller depuis des années. En Europe, mais aussi et surtout en Asie et au Moyen-Orient. Pour l'historien et spécialiste français de non-prolifération et désarmement, Benjamin Hautecouverture, le bouleversement est à l'oeuvre depuis le début des années 2000. La sortie en 2002 des Etats-Unis du traité ABM interdisant les missiles anti-balistiques, qui a longtemps constitué la clef de voûte de l'équilibre nucléaire entre les Etats-Unis et l'URSS, marque le début de la déconstruction des traités de contrôle ou de désarmement signés entre les anciens rivaux de la guerre froide. Parmi eux, l'emblématique traité FNI sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, signé en 1987 et mort en 2019 après le retrait américain puis russe. «Sur le plan du désarmement, c'est un champ de ruines, à part New Start», le dernier accord du genre liant Etats-Unis et Russie, constate Camille Grand. Outre la déconstruction des traités, la sortie unilatérale en 2003 de la Corée du Nord du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), est aussi un marqueur de la montée des périls. L'activisme balistique de Pyongyang s'est accru, avec une série record de tirs de projectiles ces derniers mois, et Washington, Tokyo et Séoul lui prêtent l'intention de réaliser prochainement un septième essai nucléaire.
La Corée du Nord a en outre annoncé en septembre une nouvelle doctrine précisant qu'elle ne renoncerait jamais à l'arme atomique et prévoyant son utilisation à des fins de préemption. «Nous allons voir une crise très dangereuse en Asie», s'inquiétait Chung Min Lee, chercheur à la Carnegie, lors d'un récent colloque de la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS) à Paris. Relayant les craintes des pays non nucléaires de la région sur la fiabilité du parapluie américain, il expliquait: «Si vous imaginez la dissuasion nucléaire comme un ballon rempli d'eau, ce ballon est aujourd'hui troué et l'eau s'échappe.» Ceci sans compter l'accroissement rapide des capacités nucléaires chinoises, qui préoccupe les spécialistes. Selon des estimations du Pentagone, la Chine pourrait disposer de 1000 TN (têtes nucléaires) d'ici une décennie, soit proche du nombre de TN déployées par les Américains. Au Moyen-Orient, la question iranienne est au coeur des préoccupations, Téhéran étant soupçonné depuis 20 ans de chercher à se doter de la bombe et désormais proche de devenir «un Etat du seuil», s'il ne l'est déjà. Les négociations entre l'Iran et les grandes puissances pour faire revivre l'accord de 2015 prévoyant une limitation drastique du programme iranien contre une levée des sanctions, se sont engluées et leur reprise semble très improbable en raison du maintien des sanctions américaines. Quel est l'avenir du TNP, outil vital pour la sécurité internationale? La conférence d'examen à l'ONU du traité en août dernier, où une déclaration commune des 191 pays signataires a été bloquée, raconte les bouleversements en cours. La Chine a dénoncé une alliance «proliférante». Plus que jamais, se pose la question du risque d'une accélération de la prolifération. Neuf Etats aujourd'hui possèdent l'arme nucléaire: les cinq membres du Conseil de sécurité, le Pakistan, l'Inde, l'entité sioniste (même si ce dernier ne l'a jamais officiellement reconnu) et la Corée du Nord.

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