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UNE NOUVELLE CIVILISATION

Il reste un avenir

Les peuples critiquent à juste titre le libéralisme sauvage.

A l'horizon pointe l'après-crise, car notre époque, celle du malaise de la civilisation, de la morale et de l'économie, a atteint ses limites. Renouer avec une renaissance est possible. Au coeur de la difficulté pointe le renouveau. Les immenses potentialités de notre univers, les richesses humaines et les progrès éblouissants de la science devraient permettre de surmonter toutes les difficultés.
Malgré la puissance technique, la décadence éthique et spirituelle de l'aire euro-américaine est flagrante. Désormais, ce monde ne peut plus asseoir son hégémonie totale. Le prétendu «choc des civilisations» est en échec, à condition d'accepter d'être créatif, de coexister et de partager. Sur cette base, le monde sortira des impasses.

L'heure est à la renaissance
Le libéralisme sauvage a perturbé l'humanité. Malgré des progrès prodigieux sur le plan des sciences et des techniques, des bienfaits de la liberté pour favoriser l'autonomie de l'individu, de la recherche scientifique et de l'entreprise en économie, un malaise traverse les peuples. Se pose la question clé: quelles sont les finalités de l'existence? La majorité des citoyens du monde recherche un monde plus juste qui a du sens. L'espoir de construire une nouvelle civilisation humaine est porteur.
La perte de sens a produit du désenchantement au sujet du progrès matériel. La rupture entre éthique et activités sociales a marqué les trois siècles passés. Situation définie par ce qu'on appelle la désignification du monde. La marchandisation de l'existence est aujourd'hui rejetée par de nombreux courants: altermondialistes, écologistes, humanistes, progressistes, spiritualistes et hommes et femmes de bonne volonté.
D'où l'importance de conforter l'espérance et la possibilité de construire un autre monde plus humain. L'heure est à la renaissance, notamment à partir de la rive Sud où les relations humaines sont une réalité. Nous avons les moyens pour progresser. La prise de conscience est un bon point de départ pour corriger raisonnablement ce qu'il y a lieu de l'être.
Dans le monde entier, la mauvaise gouvernance, les fractures qui creusent des fossés et l'oubli des valeurs morales qui ont produit un effondrement de l'horizon civilisationnel, sont critiqués. De ce fait, c'est l'après-crise qui pointe à l'horizon. Par cette opportunité, une vision optimiste de l'avenir liant science et éthique, économie et morale, doit guider les chercheurs.
L'éthique et la morale, depuis trois siècles, étaient souvent considérées en Occident «libéral», comme la survivance d'idées et de pratiques révolues et arriérées. L'idée de progrès n'a pu s'imposer à la pensée moderne qu'en vertu d'un travail opposé à la morale.
Le laisser-faire, laisser-passer et la rupture entre raison et foi, ont abouti à la permissivité dans nombre de domaines.
La nature elle-même est perturbée, tant sur le plan écologique qu'au niveau de la nature humaine. Ces dérives caractérisent la modernité libérale. Mais rien n'est perdu. Aujourd'hui, l'immense majorité des citoyens, de partout, recherche une vie digne et équilibrée. Cet élan sain mérite d'être consolidé.

Légitimes aspirations
La morale, au sens de l'éthique, c'est, pour nombre d'hommes, aussi naturel que l'air que l'on respire, et un certain savoir lié au sens, du monde. Ce que le citoyen, par bon sens sait, réside dans le fait que l'éthique a participé, et le peut encore, de manière décisive, à la civilisation.
Hier, l'Occident moderne marchand s'est formé dans une métamorphose du rapport général au monde qui privilégie l'individu autocentré et en même temps nie les valeurs éthiques. Malgré la multiplication de règles juridiques et de discours moralisateurs; du colonialisme à l'hégémonie capitaliste et impérialiste actuelle, une ligne dominante est visible: l'immoralité et la politique des deux poids, deux mesures. Aujourd'hui, les interrogations au sujet de cet ordre inique sont visibles partout. Ce n'est pas «la fin de l'histoire», mais au contraire la possibilité d'un monde où les peuples ne renoncent pas à leurs légitimes aspirations.
Le monde du libéralisme sauvage et de la politique des deux poids, deux mesures, a perturbé les fondements de l'humanité, mais un avenir reste encore possible. Il est clair que n'est irrésistible que ce à quoi on ne résiste pas. La question indépassable de l'éthique, de la morale et du sens, se pose plus que jamais pour toutes les activités humaines.
Sur le plan du sens, le premier point à penser est d'ordre éthique; pour qui adhère aux valeurs de l'esprit, il est clair que «l'occidentalisation» a marginalisé les valeurs humaines. Il y a de moins en moins de liens possibles entre la conception occidentale de la mondialisation et le sens de la vie auquel les peuples en général, et les musulmans en particulier, sont attachés.
Ce qui soulève l'inquiétude des citoyens du monde a trait au fait que l'éthique, l'humanisme et les valeurs spirituelles sont remis en cause. Ce ne sont plus des références morales qui gouvernent le monde, comme l'a fait, durant des siècles, le monothéisme, mais une logique marchande coupée du sens.
La modernité a permis de l'émancipation et en même temps a produit de la déshumanisation. Aujourd'hui, le fait positif a trait au fait qu'il y a de plus en plus de peuples qui ont pris conscience de ce paradoxe et veulent rester modernes et humains, libres et se conformer à une éthique. Ces exigences et cet éveil sont rassurants et prometteurs.
Cela signifie que l'on peut répondre au désenchantement et à la désignification du monde, autrement que par le repli et la lassitude.
D'autant que la «désignification» signifie par elle-même «une transformation» des valeurs de «signification» que nous devons recevoir et réinventer. L'humanité n'a pas abdiqué. Gardons le cap sur l'avenir.

Se conformer à une éthique
Les chercheurs ont pour tâche de concevoir de nouveaux chemins et concepts, afin de tenter de reconstruire des réponses qui articulent authenticité et progrès. D'autant que la morale et l'éthique ne peuvent être à elles seules des systèmes alternatifs qui auraient à prévoir une réplique à toutes les interrogations du monde. On doit assumer nos responsabilités.
La fonction des scientifiques est centrale pour réhabiliter la relation entre progrès et éthique.
Les peuples critiquent à juste titre le libéralisme sauvage, le culte du veau d'or et toutes les formes d'extrémisme. Pour faire diversion, des propagandistes cherchent des boucs émissaires, réfutent le droit des peuples à vivre différemment et à défendre leur identité, liée à des valeurs éthiques.
Les intellectuels doivent contribuer à ouvrir de nouveaux horizons, en préférant toujours le dialogue et le respect de la dignité d'autrui.
Les questions sont légitimes, nul esprit, soucieux de contribuer au vivre-ensemble, ne peut se dérober au devoir de répondre objectivement aux interrogations fondamentales. Les discours de la xénophobie et de l'intolérance sont voués à l'échec.
Les causes justes, celles fondées sur le souci de paix et de justice, triomphent toujours.
Face à la prise de conscience, encourageante, de citoyens de toutes cultures et de tous les pays, il est requis des élites de contribuer à forger le lien social, au sein de chaque société et entre les nations. Tous les citoyens conscients du monde ont pour devoir de s'opposer aux mouvements de la désignification, de comprendre et de dépasser les spécificités et divergences, pour répondre aux défis de la coexistence et un monde fondé sur la force du droit. Il faut progresser par des réponses consensuelles, crédibles et réfléchies.
Le recul du droit, la remise en cause de valeurs universelles et la perte de sens nécessitent une nouvelle pensée. On ne peut plus se contenter de dénoncer les insuffisances puis de garder le mutisme. Le musulman en particulier, doit être entendu comme un être attaché à des valeurs éthiques, qui témoigne d'une version ouverte de l'humain. La modernité appartient à tous. Il est possible d'harmoniser le spécifique et l'universel, l'individu et la communauté, l'unitaire et le pluriel, le permanent et l'évolutif.
Au vu des nombreuses possibilités de renouveau, nous ne devons pas renoncer à éduquer, pour forger de nouvelles générations qui ont le sens de l'éthique, de la morale, des valeurs d'intérêt général. Des générations responsables de leur devenir, vigilantes et conscientes, capables de garder le lien entre citoyenneté et éthique, entre économie et morale, entre science et conscience.
Les potentialités existent, notamment dans notre pays, terre de la communauté médiane, carrefour des civilisations.
Il reste vraiment un avenir. Les musulmans, avec lucidité et détermination, peuvent donner l'exemple, en s'appuyant de nouveau sur la science alliée à l'éthique, afin de construire une société du savoir.
Sur cette base, ils seront demain des partenaires décisifs pour forger avec les autres peuples une nouvelle civilisation universelle.

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