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Ali Boukhalfa, artiste peintre, à L'Expression

«Mon bonheur est de rester dans mon atelier»

Nous l'avions déjà annoncé, la «Diwaniya Art Gallery» prévoit une exposition chaque trimestre. Ce mois de février/mars c'est place à une grande exposition inédite et la première du genre de l'artiste peintre ALi Boukhalfa. Une expo haute en couleur et en recherche formelle. Dans le catalogue qui lui est consacré, nous pouvons lire que Jean Dubuffet, précurseur en France de l'art brut rencontra l'artiste algérien Ali Boukhalfa qui étudia chez lui et travailla dans son atelier pendant trois ans de 1973 à 1976 où il a beaucoup appris. Et à travers cette exposition, l'artiste Ali Boukhalfa a voulu lier « un pont entre l'élève et son maître» et relier un autre pont artistique et culturel entre l'Algérie et la France, de sorte que cette exposition soit une dédicace du fidèle élève Ali Boukhalfa à son grand maître Jean Dubuffet». C'est donc non sans émotion affectée et parfois attachante que l'artiste revient sur ce passé artistique, tout en évoquant le riche savoir acquis dans l'atelier du maître et ses souvenirs de jeunesse en France.


«Mon bonheur est de rester dans mon atelier»
L'Expression: Cela fait quoi de présenter sa première expo de peinturer en solo après tant d'années et à l'âge de 70 ans ?
ALI Boukhalfa. Pour moi ce n'est pas une surprise. C'était dans mon programme, sauf qu'il fallait trouver le bon moment pour présenter ce produit au public. Je suis sculpteur de formation certes, mais comme tout artiste en général, je suis polyvalent et donc je m'adonne naturellement à la peinture. Ce n'est pas une zone interdite. J'ai toujours été présent dans les expos. Je fréquentais des amis artistes et à chaque fois je participais à des expos collectives.

Vous avez travaillé avec l'Algérie durant des années en tant que sculpteur...
J'ai reçu pal mal de commandes, en effet, de la part de l'Etat algérien. Mes projets sont importants. Le budget d'un monument n'est pas à la portée de tout le monde. Un projet d'un monument en bronze tourne de 10 à 20 millions de dinars, la responsabilité est d'autant grande, surtout quand il s'agit de la réalisation d'un monument en bronze. On n'a pas le droit à l'erreur.

D'où le fait que vous ayez consacré tout votre temps et votre vie à ce genre de travaux...
Absolument. Mais pour dire vrai, c'est grâce à l'avènement du Covid et au confinement que j'ai pu m'adonner pleinement cette fois à la peinture. Il y avait absence de travaux côté commande. J'ai pris donc tout mon temps pour me consacrer à cette deuxième passion qu'est la peinture.

Là, vous exposez des oeu vres de peinture abstraite. Un travail marqué par l'emprunte formelle, esthétisante et l'influence structurelle de Jean Dubuffet, le précurseur de l'art brut en France et dont vous avez été l'élève dans les années 1970...Racontez-nous cette histoire..
D'abord, il faut savoir que j'ai été étudiant en Algérie à l'Ecole nationale des beaux arts d'Alger. On n'enseignait pas les spécialités. On avait le droit de poursuivre nos études, du coup, à l'étranger. J'ai choisi la France. Je me suis donc inscrit à l'Ecole supérieure d'architecture et des beaux-arts à Paris. Pourtant, je suis parti sans bourse en France alors que j'étais boursier! En fait, au moment de mon départ, le directeur de l'époque, Bachir Yellès, me l'a retirée en prétextant que j'étais un élément pas sérieux, je me suis retrouvé à Paris sans le sou avec mes vingt deux mille francs de l'époque. Ce n'était pas gentil de sa part. Je n'oublierai pas la générosité des copains. J'avais des amis d'Alger qui se sont retrouvés aussi en France. On s'est retrouvé de l'autre côté de la Méditerranée. Il n'y avait que l'endroit qui avait changé pour nous. On m'a hébergé. On avait une chambre de bonne au boulevard Saint- Germain. Un jour, je me souviens, il avait neigé cette année-là et j'ai croisé mon colocataire qui m'avait dit que je ne pouvais plus partager la chambre... Je me suis retrouvé à la rue. (moment de silence et d'émotion, Ndlr). Je n'avais plus les clés. J'ai attendu que ce copain qui m'avait hébergé parte et Je suis remonté. Comme il
y avait des toilettes collectives dans le couloir, je me suis assoupi et me suis endormi derrière la porte. Il faisait très froid. A partir de ce jour-là, j'ai commencé à ne compter que sur moi-même. Je me rendais donc à l'Ecole des beaux-arts et là, j'ai croisé un ami, Patrick. J'étais élève chez monsieur Couturier qui était le voisin du sculpteur César. J'allais m'inscrire chez lui car c'était un sculpteur célèbre, mais je me suis retiré car il n'était jamais là. Il était trop demandé et pris avec son travail personnel, alors je restais chez monsieur Couturier, un autre sculpteur, assez régulier. Un jour, je croisais ce camarade d'atelier, Patrick qui me demande si j'avais besoin d'un petit job de quelques mois, j'ai dit oui! Il m'a dit alors de me rendre chez Dubuffet. Je me rendis au château de Vincennes, plus précisément à la Cartouchière, pas loin de Roland Garros. Dans ce quartier, la ville était cédée aux artistes, il y avait le théâtre du Soleil et au bout du chemin, dans ce quartier d'artiste, l'atelier de Jean Dubuffet.

Vous deviez rester trois mois, vous y êtes resté trois ans. Racontez-nous cela...
Je pénètre dans l'atelier de Dubuffet où il m'attendait. Il me demande comment je m'appelais. Je dis mon nom et lui, il le répète en le prononçant impeccablement bien avec le son du
«kh» en arabe. Il le dit avec un arabe parfait. Alors il me confie avoir séjourné en Algérie, pendant des années à Goléa, l'ancien nom d'El Meniaâ. Il me dit qu'il est resté deux ans en Algérie. Le courant passe très bien entre nous. Je ne sentais pas qu'il était français, il ne sentait pas que j'étais algérien. C'était juste une conversation entre deux hommes sans aucun complexe. Ce n'est que par la suite que j'ai compris que Dubuffet s'était frotté aux gens d'El Goléa. Plus tard, au bout de six mois, il m'appelle pour venir récupérer les maquettes des travaux, chez lui et là je découvre émerveillé, qu'à l'intérieur de sa maison, dans les chambres, c'était rempli de tapis algériens. Son intérieur était algérien! Ça me rappelait un peu l'atmosphère de Etienne Dinet.

Que pourriez-vous nous dire sur l‘impact de Dubuffet sur votre travail?
Une fois dans l'atelier je me rappelle, il y avait des collègues à Dubuffet... Ces gens- là travaillaient chez Dassault, la société d'aéronautique. Le cercle de l'avion est pour info, réalisé en tissu carbone. Dubuffet avait besoin de ces gens-là, qui maîtrisaient les résines, les tissus de verre etc. J'ai appris aussi à travailleur avec ces matériaux. J'ai appris à manier tous ces matériaux dans son atelier et donc grâce à lui..

Si on revient aujourd'hui à votre exposition, que reste-t-il justement du travail avec Dubuffet?
Je ne vous cache pas que ce que j'ai appris chez Dubuffet je ne l'ai pas appris à l'école. Dubuffet c'était le terrain, plus qu'un pied dans la profession. J'ai bénéficié de l'expérience des gens qui ont travaillé chez Dassault. J'ai eu aces à des connaissance et à un savoir-faire que je n'ai eu nulle par ailleurs.. Lorsqu'on travaille chez quelqu'un ne serait-ce que quelques mois, l'influence vous la ressentez. Quand vous observez un de mes tableaux vous allez ressentir qu'il y a une très grande influence de Jean Dubuffet car ce sont des choses qu'on ne peut pas enlever, mais je parle sur le plan technique. Ça rappelle Dubuffet. Dans l'art, la nature livre des génies pour que l'humanité puisse avancer...

Vous exposez aussi en ligne cette fois à la Foire internationale «Intersect 21», de Chicago. Qu'en pensez vous
Je dois parler d'abord d'une personne qui détient cette galerie d'art qui s'appelle Diwaniya et à qui je dois tout ça surtout. Un jour Hamza Bounoua m'appelle et me demande si je veux exposer. Le lendemain j'étais chez lui. Le mérite revient à cette galerie et son responsable. N'étais-ce pas lui, j'allais me contenter de peindre dans mon coin, pour moi-même. Que mes travaux partent aux Etas-Unis ou ailleurs, je fais entièrement confiance à la galerie. Je n'ai plus l'âge de parler avec tel ou tel secrétaire d'un événement. Ce n'est pas mon travail. Mon bonheur est de rester dans mon atelier. D'ailleurs, il me reste beaucoup de choses à faire.. En parlant de public, moi aussi j'aimerai lui poser la question de savoir ce qu'il pense de mon travail, a t-il ramené quelque chose de nouveau? A t-il enrichi le patrimoine? C'est quoi l'art tout compte fait? A chaque génération son empreinte. Nous avons une histoire en Algérie. Chaque région a ses spécificités et ses particularités qui peuvent nourrir notre art. Je lance un appel aux étudiants des Beaux-Arts pour qu'ils parcourent l'Algérie. Tout ce que vous voyez ici, c'est un peu le résultat de mes voyages au Sud. Avant de partir à Paris, j'ai voyagé pas mal à travers le pays. Je suis parti jusqu'à Tindouf, Tamanrasset, Ouargla.. où j'ai bien observé les gens, ce qu'ils portaient comme tenues, bijoux etc. C'est ce que vous voyez ici parsemés dans ma peinture...

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