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L’ENTV face aux défis de la mondialisation

Comment sortir de l’inertie

La télévision traditionnelle est en train de vivre ce que la presse écrite a vécu par le passé avec l’avènement de la presse électronique.

Par Ibtissem BEDJAOUI*

Ce n'est pas une théorie fantaisiste que d'avancer que l'humanité s'achemine vers un futur de plus en plus robotisé où l'Intelligence artificielle sera la clé de voûte de tous les projets ´´´´humains´´, et les médias ne seront pas en reste dans le processus d'accompagnement et de transformation des sociétés de demain.
Demain, c'est maintenant! Alors,qu'en est-il de la télévision de demain? La transformation technique, technologique et esthétique de la télévision s'est opérée avec une célérité telle que même les experts les plus avisés n'ont pas eu le temps de mesurer leur impact sur les publics; la réalité a dépassé la fiction sur bien des plans. La télévision d'aujourd'hui fait partie d'hier et celle de demain est déjà là! Le champ lexical médiatique, non plus, n'a pas échappé à cette «mutation» et des locutions qui étaient en «vogue» il n' y a pas si longtemps tels que «petit écran» pour désigner la télévision et «grand écran» pour le cinéma, font partie d'un passé qu'on évoque avec une certaine nostalgie car on est passé à l'ère de ce que, Gilles lipovetsky et Jean Serroy ont intitulé dans une de leurs publications d' «écran global: du cinéma au smartphone».
Qui aurait cru un jour que la technologie utilisée par James Cameron dans son film «Avatar» il y a dix ans de cela, se banaliserait au point de devenir un «artifice» utilisé au quotidien dans les différents programmes télévisuels de manière hyperréaliste à l'aide de la technologie de la´´ Réalité augmentée´´?! La réalité virtuelle a envahi le monde de´´ la télé´´...La télévision traditionnelle est en train de vivre ce que la presse écrite a vécu par le passé avec l'avènement de la presse électronique, les nouveaux médias sont en train de prendre le dessus, les audiences chutent partout dans le monde, Facebook attire plus de jeunes que les plus grandes télévisions gratuites (inconcevable pour les plus visionnaires des experts il y a 10 ans) et le mouvement «migratoire» vers les plates-formes numériques s'accélère. Le processus est irréversible et la télévision traditionnelle doit s'inscrire dans cette logique implacable, elle ne doit surtout pas «ramer» à contre-courant au risque de se voir aspirer...vers le fond. Sur le plan économique, les choses bougent aussi car même si les revenus de la publicité sur les plates-formes numériques restent infimes par rapport à la télévision, les lignes bougent à ce niveau précisément, à telle enseigne qu'une mutation sur ce plan s'opérera sans délai, ce n'est qu'une question de temps. Les jeunes garderont leurs habitudes et continueront à déserter la télévision vers les plates-formes mobiles et l'argent suivra forcément l'audience là où elle s'en ira! L'hégémonie des diffuseurs traditionnels fut rendue possible par le fait que ces derniers détenaient le monopole sur les contenus érigeant des barrières infranchissables. Mais l'arrivée de nouveaux «champions» tels que Netflix, Amazon ou HBO avec des contenus riches, innovants et, surtout, à la carte, ont vite fait de souffler toutes les barrières, l'empire de la télévision s'en trouve désormais menacé.

L'écran du futur
Allons-nous assister à la mort programmée de la télévision traditionnelle? La même problématique fut posée par le passé concernant le cinéma au profit de cette même télévision. Cela n'a pas empêché les salles obscures de faire rêver des générations de spectateurs depuis. Ironie de l'histoire, les stars qui ont contribué au rayonnement de l'industrie cinématographique ont «snobé» la télévision pour se tourner vers Netflix et HBO; elles se sont tout simplement pliées à la règle universelle qui dit:» Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.» Effectivement, ils ont compris que pour durer il faut se renouveler et se mettre au goût du jour. La télévision de demain se construit aujourd'hui car les besoins de la génération Z ne seront plus les mêmes dans 10 ans, les contenus ainsi que les formats des programmes doivent être redéfinis pour garder en ligne de mire cette tranche d'âge «versatile» du public. Mais il ne suffira pas de produire des contenus de qualité, il faut qu'ils soient accessibles partout et à n'importe quelle heure de la journée car l'écran du futur n'est «pas» seulement accroché aux murs de nos salons mais il nous tient compagnie dans les transports en commun lorsqu'on se déplace pour aller travailler ou étudier... Comme le livre de poche, la télévision de poche est née...
Techniquement parlant, la télévision traditionnelle aura un sacré défi à relever en termes de distribution de contenu car le tout-numérique a facilité le mode de consommation surtout chez les jeunes publics qui utilisent la vidéo en ligne avec un accès aux chaînes illimité et surtout à portée de main. La distribution non-linéaire utilise une technologie qui ne ressemble à aucun des systèmes utilisés par les «broadcasters» traditionnels ce qui a affaibli leur position monopolistique sur le monde des médias. Une réalité que beaucoup de nos professionnels issus de l'ancienne école (techniciens, ingénieurs, fabricants de téléviseurs etc.) n'arrivent pas à admettre jusqu' à présent et ont du mal à accepter la fragmentation d'un monde dominé par la télévision traditionnelle. Le constat est plus dramatique au niveau de la télévision publique algérienne, en témoigne l'état dans lequel se trouve ses équipements de production et de diffusion qui sont en décalage avec l'évolution technique et technologique mondiale. Cette situation est le résultat logique d'une politique «déclamatoire» menée par les différents responsables qui se sont succédé à la tète de cette entreprise et qui se sont contentés de la gérer comme étant le média lourd incontesté faisant, ainsi, abstraction des fluctuations techniques et technologiques qui s'opéraient sur la scène médiatique nationale et mondiale.
Ayant raté la migration numérique avec le projet de la TNT, l' Eptv se trouve, dans l'état actuel des choses, dans l'incapacité d'accéder à la demande pressante des pouvoirs publics de lancer d'autres chaines thématiques pour enrichir le groupe faute de capacités satellitaires. Une «Révolution» technique et technologique s'impose au sein d la Télévision nationale et c'est à la seule condition d'admettre que cette dernière occupe une nouvelle position dans un marché numérique très compétitif et diversifié, qu'elle pourra «composter» son ticket pour le club des télévisions du troisième millénaire.

Clivage producteur-consommateur
Le tout-numérique a obligé les médias à redéfinir continuellement la direction qu'ils prennent, l'innovation et le développement continus sont l'alternative vers laquelle la télévision de demain doit s'engager. Sur le plan éditorial, rien ne sera plus jamais comme avant, à l'inverse du modèle classique de diffusion verticale où le diffuseur (autorité suprême) propose des contenus pour la «masse», on s'acheminera vers une diffusion horizontale «participative» et «interactive» où le public deviendra à la fois producteur et consommateur de contenus. Un défi de taille pour les concepteurs de programmes qui devront redoubler d'ingéniosité et d'imagination pour garder contact avec leurs publics surtout avec les plus jeunes d'entre eux. C'en est fini des instituts de sondage qu'on utilisait avant pour mesurer les taux d'audience ou confectionner des programmes qui colleraient au goût du public, la télévision de demain ´´Sera´´. Elle transcendera le «clivage» producteurs- consommateurs pour aboutir à un «partenariat» entre les professionnels des médias à travers l'exploitation des données et l'engagement actif des usagers à travers les réseaux sociaux. La télévision traditionnelle sera supplantée par la «Social TV»... Pour renouer avec leurs audiences fragmentées, les chaînes de télévision à travers le monde mettent tout en oeuvre pour interagir avec leurs publics et utiliser les «traces» laissées par les usagers en ligne -à travers les commentaires échangés sur les réseaux sociaux.
Il ne faut surtout pas reproduire les erreurs commises par certains diffuseurs qui ne se préoccupent des données que pour les prime times car la créativité est désormais étroitement liée, voire même gouvernée, par les données, et ce n'est là que le début de la mutation. La nouvelle génération de producteurs est résolument tournée vers le futur, elle se sert des commentaires des consommateurs pour corriger les carences, améliorer continuellement les contenus et tenir le public en haleine car le rêve doit continuer...

Equilibres géopolitiques
Quel est le rôle des médias dans le «Soft power culturel» à l'ère de la mondialisation? Les médias sont utilisés comme arme d'influence fatale, une stratégie utilisée par certaines puissances mondiales pour véhiculer une image positive de leur culture et asseoir leur hégémonie sur le reste du monde. Une politique menée avec maestria par les Etats- Unis d'Amérique qui ont «façonné» le monde entre les deux guerres avec son «American way of life» à travers l'industrie cinématographique hollywoodienne et ses programmes télévisuels.
L'apparition d'internet et la multiplication des moyens de communication a donné naissance à d'autres acteurs influents qui utilisent les médias comme soft power culturel pour se positionner, à l'image des chinois qui ont su tirer profit de leur puissance économique et de leur maîtrise technique et technologique des médias pour pénétrer le marché africain qui était jusque-là, la «chasse gardée» des anciennes puissances coloniales française et britannique.
L'implantation de la nouvelle chaîne africaine Cctv Africa au Kenya et la création du festival international du film chino-africain en 2017 illustre parfaitement cette politique expansionniste multidimensionnelle. Ce n'est pas pour rien que les médias publics français multiplient leurs programmes en direction des pays africains, une façon comme une autre d'accroître l'influence de ce pays sur le continent africain et de «redorer» son image ternie par un lourd passé colonial. Convaincu de l'importance des médias dans le processus de vulgarisation de sa politique extérieure, le Maroc (qui vient de réintégrer l'organisation de l'Union Africaine) utilise les institutions médiatiques internationales telles que l'Union Africaine de Radiodiffusion (UAR) et la Conférence Permanente de l'Audiovisuel Méditerranéen (Copeam) pour promouvoir son image en Afrique et le pourtour méditerranéen.
En sa qualité de leader des médias publics du plus grand pays d'Afrique, la Télévision publique algérienne a un rôle prépondérant à jouer dans le processus d'accompagnement de la nouvelle politique prônée par les plus hautes instances de l'État qui visent un redéploiement tous azimuts à l'échelle régionale et internationale. Elle l'a déjà prouvé par le passé pour avoir abrité au sein de ses locaux les radios des mouvements de libération pendant la période de décolonisation qu'a connue l'Afrique dans les années 60. Certes, le monde a changé depuis et les équilibres géopolitiques ne sont plus les mêmes, mais en sa qualité de membre traditionnel de plusieurs institutions médiatiques nternationales, l'Eptv a, depuis des décennies, pu s'assurer une position particulière au sein de ces Unions. Elle a pu, dans ces conditions, mener à bien un certain nombre d'actions, en matière de coopération, d'échanges et de formations qui ont eu un retour, souvent, positif, sur ses activités.
N'empêche que, pour différentes raisons structurelles et géostratégiques, l'Eptv, comme bon nombre de médias de service public du Sud, n'arrive pas à assimiler et à exploiter, dans leur totalité, les offres de prestation et les opportunités de coopération proposées par ces institutions. Les raisons qui expliquent cet état de fait relèvent, en grande partie, de la responsabilité des niveaux internes de l'établissement, ainsi qu'on l'a vu, mais, aussi, du déficit de concertation et d'actions communes enregistré aux niveaux externes, entendre, par là, les organismes régionaux regroupant les médias du Sud: Union des radios-télévisions des États arabes (Asbu), la Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen (Copeam) et l' Union africaine de radiodiffusion (UAR).
En ce qui concerne les niveaux internes, il faut souligner que l'Eptv n'a pas fait preuve, ces dernières années, d'une activité contributive, conséquente, aux commissions de l'Union européenne de radiotélévision (UER) qui lui aurait permis de reconquérir le terrain perdu pendant les années du terrorisme. En tant que membre actif de la plus grande association de médias de service public au monde depuis plus de 50 ans et membre influent dans un de ses groupes régionaux (Groupe Méditerranée), la télévision algérienne aurait dû exploiter ce statut pour devenir le leader incontesté dans la région Mena et l'interlocuteur privilégié de cette Union en Afrique. Dans le cadre de sa stratégie de redéploiement au-delà de ses frontières historiques, l'UER (qui a des bureaux sur le continent américain, à Singapour et à Dubaï) envisage d'étendre ses activités en Afrique (un marché en plein essor). Une opportunité inespérée pour accueillir ce bureau en Algérie!!

*Journaliste et Experte en Communication

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