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Robert Mazziotta, auteur du livre les mémoires réconciliées, à L’Expression

«La présidentielle française brouille la réconciliation»

Robert Mazziotta a quitté son Algérie natale en 1962, à l'âge de 13 ans. Ce chirurgien à la retraite a publié ses souvenirs afin de «réconcilier les mémoires». Un ouvrage qui fait écho au récent rapport de Benjamin Stora portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il livre son analyse sur le poids mémoriel dans les relations entre l'Algérie et la France.

L'Expression: Comment expliquez-vous ce brusque coup de projecteur de la France officielle sur le Mouvement populaire en Algérie, au moment même où les autorités algériennes soutiennent que cette séquence fait, désormais, partie du passé et toutes les revendications du Hirak ont été satisfaites. Mieux, affirment-elles, «le Hirak a été même constitutionnalisé», puisqu'il figure dans le préambule de la nouvelle Loi fondamentale avalisée par référendum populaire de novembre 2020.
Robert Mazziotta: Je n ai pas d'explication, cela semble quelque peu illogique, cela peut apparaître comme la politique du chaud et du froid. Je ne sais pas quelles en sont les motivations. Les citoyens, ceux qui souhaitaient un rapprochement, avaient eu un moment d'espoir à la suite du rapport de Benjamin Stora, malgré le fait qu'il ait été critiqué et qu'il ne s'agissait pas d'un travail commun. En effet, seul le point de vue français était représenté alors qu'un rapport élaboré par les deux parties aurait eu un impact beaucoup plus grand. Mais le processus était lancé et l'on pouvait en attendre des progrès. Près de 60 ans après la fin de la guerre d'Algérie, il était temps. Les derniers développements des relations entre les deux pays, on peut parler d'une crise, ont réduit ces espoirs d'une façon assez brutale. Mais l'histoire n'est pas finie. Les difficultés que les autorités ont, visiblement, du mal à surmonter, n'empêcheront pas les citoyens de bonne volonté, ils sont nombreux de part et d'autre de la Méditerranée, d'avoir de bonnes relations.

Tout concorde à dire que la question des mémoires taraude le président Macron qui semble tâtonner sur ce dossier très sensible?
Personne, à notre niveau, ne peut dire ce que le président Macron pense réellement sur ce sujet, lui seul le sait. On peut, cependant, observer qu'alors qu'il n'était que candidat à l'élection présidentielle, il avait déjà évoqué cette question en parlant de crimes contre l'humanité dont la France se serait rendue coupable pendant la guerre d'Algérie. Cette déclaration avait, d'ailleurs provoqué de vives réactions négatives en France. Par la suite il a chargé Benjamin Stora de faire des propositions pour faciliter la réconciliation des mémoires. Plusieurs mesures préconisées dans le rapport remis par cet historien, ont déjà été mises en application. Les décisions récentes sur la limitation des visas et les remarques sur l'histoire de l'Algérie faites par le président français vont plutôt dans l'autre sens. Ce qui peut apparaître comme une hésitation montre qu'en réalité, sur ce sujet sensible et aussi complexe, les autorités sont obligées de prendre des chemins de traverse. Espérons que le bon cap, celui de la concorde, sera retrouvé.

Lors de sa rencontre avec les médias, le président Abdelmadjid Tebboune a assuré que la relation entre l'Algérie et la France est particulière évoquant ainsi les accords d'Évian et de 1968. Quelle lecture en faites-vous?
Il est clair que l'histoire entre l'Algérie et la France est singulière. Après l'indépendance, les rapports entre les deux pays ont été régis par les accords d'Évian, dont le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont pas été complètement respectés. Ceci est dû en grande partie au fait qu'ils ont été vidés de leur sens en raison du départ massif et brutal des Français d'Algérie. Cette situation n'avait pas été prévue par les signataires des accords d'Évian.
Par la suite, l'accord franco-algérien du 27/12/1968 a fixé le régime spécifique de la circulation, du séjour et du travail des Algériens en France. Cet accord concernait la nature et la durée des titres de séjour en facilitant l'obtention des titres de séjour avec des mesures étendues aux familles. On peut donc affirmer que dès les premières années après l'indépendance, les Algériens ont bénéficié d'une législation spécifique.

Les propos de Macron soutenant: «Je respecte le peuple algérien, «j ai de bonnes relations avec le président Tebboune... «le système politico-militaire rentier», ont été très mal perçus à Alger. Les observateurs avisés sont allés jusqu'à qualifier ces propos de «pure ignominie», renvoyant à la devise coloniale: séparer pour régner. Qu'en pensez-vous?
Il faut se méfier des jugements avec des mots très durs. Peut-être faut-il des explications pour éviter des interprétations abusives et en tirer des conclusions trop hâtives.
On peut comprendre que les Algériens soient surpris par des propos qui peuvent être reçus comme des critiques. Ces déclarations sortent du cadre des habitudes diplomatiques. Mais jusqu'à maintenant, les diplomates n'avaient pas obtenu un succès franc dans cette affaire. Je persiste à penser que le président Macron souhaite faire évoluer la réconciliation des mémoires dans le bon sens. On peut regretter que la démarche qu'il a initiée en demandant un rapport à Benjamin Stora, dont les premières préconisations ont été mises en oeuvre, n'ait pas eu le moindre écho positif du côté algérien. Si tel avait été le cas, les formulations auraient peut-être été plus nuancées.

À votre avis, le contexte électoral français et la montée de la droite n'ont-ils pas influencé le discours du président Macron à l'égard de l'Algérie?
Qui peut douter que l'imminence d'une élection présidentielle n'ait pas d'influence sur la politique mise en oeuvre et sur les programmes électoraux? Les véritables hommes d'État sont ceux qui sont fidèles à leurs idées en sachant ne pas verser dans le populisme. On doit citer François Mitterrand qui avait annoncé qu'élu président, il abolirait la peine de mort alors qu'il savait que la majorité du peuple français était favorable à celle-ci.
Il est certain que le contexte pré-électoral français ne favorise pas la démarche de réconciliation mémorielle, d'autant que les sondages font apparaître une forte poussée d'un candidat extrémiste, xénophobe. On peut le regretter, mais on doit le constater, l'extrême droite occupe une large place dans l'échiquier politique français.

Plus concrétement, est-il raisonnable que 30 personnes algériennes détenues dans des centres de rétention vont engendrer une crise aussi profonde entre Alger et Paris?
Je ne sais pas si ce chiffre est exact, mais peu importe. Chaque pays, quel qu'il soit, doit avoir le droit d'expulser les délinquants étrangers. Ne pas le faire, c'est provoquer de la part de sa population, des réactions de rejet qui vont au-delà des délinquants et permettre aux xénophobes et aux racistes de propager leurs théories nauséabondes. C'est préjudiciable à un accueil serein des étrangers qui veulent venir vivre et travailler en France dans une démarche tout à fait pacifique. Il ne faut pas penser que tout va s'arrêter là, les rapports de force vont évoluer dans les deux pays. Dans quel sens? Seul l'avenir le dira. Mais l'intensité des réactions qui se manifestent est la preuve de l'intérêt que nous nous portons mutuellement, et c'est ce point positif que je préfère souligner. Pourquoi ne pas retenir simplement que, comme le dit le proverbe: «Qui aime bien, châtie bien», et c'est valable dans les deux sens. Au fond, rien ne serait pire qu'une indifférence totale et sans saveur, laquelle signifierait la disparition du lien si particulier qui doit nous réunir dans une relation amicale et égalitaire. Elle est possible, il suffit de le décider.

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