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Abbès Ziri, chef de service au CHU Mohamed Nedir à L'Expression

«Les jeunes sont les plus touchés»

Il a été à la tête du secteur de la santé de la wilaya de Tizi Ouzou après des années passées à la tête du Centre hospitalo-universitaire Mohamed Nedir, le professeur Abbès Ziri, chef du service psychiatrie-addictologie du CHU revient, dans cet entretien, sur les différentes activités du Certa. Engagé sur le terrain, le professeur Ziri est également membre de nombreuses associations dont l'Association des psychiatres du Djurdjura. Des projets et des perspectives pour les prochaines années dans la lutte contre les fléaux qui frappent notre société; il y en a.

L'Expression: Vous êtes à la tête d'une institution dont la spécialité est d'une importance capitale non seulement pour l'individu mais surtout pour la cellule familiale. Présentez-nous un peu le service de psychiatrie et des addictions?
Le professeur Abbès Ziri: Le service de psychiatrie-addictologie du CHU de Tizi Ouzou est un service qui a pour vocation les soins de haut niveau en psychiatrie générale pour adultes (hommes et femmes) et la formation des internes en médecine, des étudiants en psychologie clinique, et des résidents en psychiatrie et enfin la recherche clinique en psychiatrie et en addictologie. L'activité d'addictologie a été lancée depuis novembre 2017 et s'est développée de fil en aiguille, de simples consultations aux cures résidentielles de sevrage. Nous avons ouvert depuis septembre 2023, une unité de traitement de substitution aux opiacés, la méthadone, qui constitue un des soins nouveaux pour les toxicomanes s'arrimant, ce faisant, aux standards internationaux en matière de soins pour toxicomanes. Il est à préciser que nous recevons des patients des quatre coins d'Algérie provenant d'une trentaine de wilayas. Actuellement, le service que je dirige constitue
un service d'excellence en ce qui concerne les soins de haut niveau en psychiatrie et en addictologie.

Pouvez-vous nous situer les catégories de personnes touchées par ces fléaux?
À ce titre, nous avons réalisé beaucoup d'études statistiques aux fins d'analyser et de comprendre ce phénomène qui est devenu un sérieux problème de santé publique lequel interpelle, par son étendue et ses conséquences désastreuses tant sur les plans sanitaire, sécuritaire et financier que judiciaire. Nos recherches nous ont conduits à dresser un profil type des patients addictes. Dans la majorité des cas, il s'agit de sujets jeunes, de sexe masculin, célibataires, issus d'un milieu urbain, consommant plusieurs substances simultanément: alcool, cocaïne, cannabis, subutex, héroïne, Ecstasy... et Prégabaline ou Saroukh dans le jargon des usagers.

Depuis son ouverture, le service dont vous êtes responsable a soigné combien de personnes et qu'en est-il du rôle de la famille dans le processus de guérison?
En ce qui concerne le bilan d'activité, pour ne parler que d'addictologie, nous avons pris en charge, depuis novembre 2017, 14 469 patients en ambulatoire et 1 729 en hospitalisation d'une durée moyenne de deux semaines. Nous avons réalisé plusieurs études épidémiologiques dans le but d'analyser ce fléau.
À titre illustratif,nous avons recensé 500 cas d'usage de toutes sortes de substances, en 2016, lors d'une étude faite chez les étudiants de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou.
En 2021, une étude menée dans notre service a retrouvé 566 cas de mésusage
d'opiacés dans notre service ainsi que 160 d'usage problématique de cannabis.
En 2023, avec mon équipe, nous avons ouvert une enquête de grande envergure concernant le mésusage de la Prégabaline qui, désormais, constitue la drogue de prédilection, prisée notamment par la frange juvénile. À ce titre, nous avons retrouvé 823 cas. Cet échantillon n'est retrouvé dans aucune étude scientifique à travers le monde. Pour ce qui est de la famille, elle constitue un élément primordial dans ce phénomène. D'abord, elle doit jouer un rôle incontournable dans la prévention primaire, avant que leur enfant ne tombe dans le piège de la drogue.
Les familles sont aussi le souffle -douleur lorsqu'un de leurs membres s'adonne aux drogues. Elles se retrouvent désarçonnées et déstabilisées par les conséquences de l'addiction de l'un des leurs. Les conséquences de la drogue sont également familiales, avec des vols au domicile familial, des tracasseries judiciaires(vols, agressions, délinquance, délits, crimes), des échecs répétés de prise en charge, des endettements puisque malheureusement pour «calmer» un proche addicte, la famille cède en donnant de l'argent à leur progéniture ou proches pour s'approvisionner en substances psychoactives. Dans le processus de soins, la famille est un partenaire central pour le personnel soignant, qui s'évertue à les guider, les accompagner afin de ne pas stigmatiser le comportement de leurs proches ni moraliser ainsi que le maintien des patients dans le processus de soins.

Vous organisez de nombreux séminaires ainsi que d'autres activités. Vous êtes en train de faire bouger les choses, surtout en ce qui concerne les réticences sociétales quand il s'agit de la toxicomanie. Quelle a été votre stratégie pour gagner la confiance des personnes touchées et leurs familles, pour accepter de parler de leur addiction et venir se soigner?
En plus du volet de soins, nous considérons que la meilleure solution réside dans la prévention primaire. Dans cette optique, nous avons réalisé bon nombre de campagnes de sensibilisation tant sur le terrain que par l'intermédiaire des médias (presse écrite, audiovisuelle et réseaux sociaux). Nous avons également organisé et participé à plusieurs séminaires nationaux et internationaux traitant de la drogue et de la toxicomanie. Ceci nous permet un échange d'expériences et d'expertises ainsi que l'actualisation de nos connaissances selon les avancées actuelles de la science. Nous avons également, réalisé un projet de recherche universitaire en addictologie et avons créé l'Association nationale de lutte contre les fléaux d'addiction.
Il apparaît que le phénomène galopant de la drogue et de la toxicomanie nécessite de nombreux efforts de prévention, recherche et soins. Les dispositifs sanitaires et judiciaires mis en place par les pouvoirs publics sont d'un apport indéniable aux patients, leurs familles et les professionnels en charge de cette catégorie de la population, cependant, l'ampleur et la gravité de ce phénomène nécessitent plus d'efforts en matière de soins et de lois. Je répète que ce fait nécessite l'articulation des efforts de plusieurs intervenants dans le secteur de la santé, la jeunesse et des sports, la justice, les services de sécurité, les médias, les affaires religieuses, la culture... entrant dans le cadre d'une approche intersectorielle pour prendre en charge ce problème multifactoriel. La prévention, encore une fois, demeure la pierre angulaire dans la chaîne d'intervention face à cette calamité.

Vous avez beaucoup de projets pour faire avancer les choses dans ce domaine. Parlez-nous en.
Les perspectives et les recommandations que nous avons énoncées à la fin du dernier congrès, abrité par l'EHS Fernane Hanafi, le 2 mars dernier, s'orientent vers des actions de prévention à grande échelle, le développement de la recherche scientifique dans ce domaine, par des études d'envergure nationale multicentriques et l'adaptation de l'offre de soins et des textes législatifs pour vaincre cette hydre qui menace la population et l'avenir de notre jeunesse, et de notre pays. Un plaidoyer a également été fait pour la création d'un observatoire national de lutte contre la toxicomanie. Néanmoins, il est à signaler avec force le refus de l'administration du CHU de procéder à la réhabilitation du service et l'amélioration des conditions d'hospitalisation, malgré les moyens colossaux dégagés par les pouvoirs publics.

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