LA BATAILLE DES RADIOS DANS LE MAGHREB
La radio algérienne récupère son audience
Même si l’Algérie n’a jamais opéré d’ouverture dans le domaine radiophonique, la radio algérienne est considérée comme la plus ouverte sur le plan de la liberté d’expression dans la région.
On a tendance à croire que la bataille médiatique dans le Maghreb se situe seulement sur le terrain télévisuel et pourtant, la compétition dans le secteur de la radio est tout aussi intense. En regardant le programme des principales radios du Maghreb, on s´est rendu compte qu´il existe beaucoup de similitudes entre la télévision et la radio. Ainsi Med1, la première radio privée marocaine, se présente comme la radio du Grand Maghreb, un slogan qui est très utilisé par la télévision privée Nessma. Mais selon les derniers sondages, la radio Med1 est en net recul par rapport aux années de son lancement dans les années 80.
Selon un sondage, commandé par la radio Med1 à un institut de sondage français, c´est la radio algérienne et principalement la Chaîne III, qui est en net progression. Selon ce sondage, le taux de pénétration de la radio chaîne III en 2010 est de 45%, soit une progression de 16% dans l´Algérois. De son côté, l´institut privé algérien, Media Sens affirme dans un sondage que la Chaîne III a réalisé 33% de taux d´audience avec une progression de 7% en un an et de 18% depuis septembre 2008. La Chaîne III a récupéré ses auditeurs à Med1 dans l´Algérois.
Le taux d´audience de la Chaîne III en Algérie devant les radios locales est de 25%, celui de la Chaîne I en arabe 13%, de la Chaîne II 9% et celui de la radio El Behdja, 20% dans l´Algérois, alors que la radio marocaine Medi 1 revendique toujours une bonne audience 17% à l´Ouest. Une audience en régression aussi de par la montée en puissance de la radio El Bahia, dirigée par un ancien de la Chaîne III, Faycal Hafaf.
Contrairement à la radio Chaîne III, qui est une radio publique et qui représente la station francophone de Radio nationale algérienne, Med1 en est la première station radio indépendante et privée du Maghreb. Créé en 1980 par le Français Pierre Casalta, sur le conseil d´André Azoulai, alors conseiller du roi Hassen, son objectif était de concurrencer la radio algérienne, Chaîne I et Chaîne III. Du coup, son concepteur a eu l´ingénieuse idée de créer une radio avec deux langues: le français et l´arabe. Med1 avait claqué le concept tiré de RMC (Radio Monte-Carlo) qui était très écoutée dans le Bassin méditerranéen et qui donne un aspect occidental d´une radio maghrébine. Avec ce concept bilingue, Med1 récupère aussi bien les auditeurs arabophones et francophones d´où l´importance du nombre des auditeurs de cette station qui est estimé à 23 millions.
Mais la station Med1 avait un autre objectif inavoué, faire une contre-balance médiatique à l´Algérie après le début du conflit au Sahara occidental en 1976 et cela en diffusant des informations sécuritaires sur l´Algérie. Le terrorisme a été entre 90 et 99 son véritable fonds de commerce médiatique. Ainsi de nombreuses informations sécuritaires ont été reprises par l´AFP sur la radio Med1. Cette situation n´a pas baissé d´intensité mais l´arrivée d´Al Jazeera, devenue le media sécuritaire par excellence dans la région, a effacé l´audience de la station privée marocaine. Et depuis quelques années Med1 a perdu sensiblement son audience dans le Maghreb. Pour preuve, le 8 avril 2010, le conseil d´administration de Médi a décidé de nommer le Marocain Hassan Khiyar en tant que président directeur-général de la radio en remplacement du Français Pierre Casalta, qui était également le P-DG de Med1 Sat TV. Un remplacement qui en dit long sur le changement de stratégie de la radio privée marocaine, qui est financée par des capitaux marocains et français.
Mais à cela s´ajoute l´asphyxie financière, au moment où la Radio algérienne bénéficie depuis 2000 d´une manne publicitaire non négligeable. Cette manne vient notamment des opérateurs de téléphonie et des grandes marques de boissons et d´automobiles. La Radio algérienne est devenue financièrement plus puissante, ce qui lui permet d´améliorer sa régie technique, d´augmenter ses programmes et de recruter de nouveaux éléments internes et externes et surtout de sponsoriser des événements nationaux et internationaux.
Devant ce succès et sa rentrée financière, l´Etat décide de créer une radio internationale et de créer des radios locales dans presque toutes les wilayas. L´Algérie dispose actuellement du plus grande nombre de stations radio dans le Maghreb: 32 stations régionales contre 18 stations radios au Maroc pour la plupart privées et seulement 6 stations radio en Tunisie. Alors que, l´audiovisuel est encore fermé en Algérie, le Maroc et surtout la Tunisie ont entamé une grande ouverture dans le domaine radiophonique, mais sans apporter cette nouvelle fraicheur dans les sujets et les thèmes. Aujourd´hui, par exemple en Tunisie, la mode passe par une station privée Mosaïque FM, qui est la première station de radio privée de Tunisie, qui a été lancée le 7 novembre 2003 et qui appartient au groupe Karthago détenu par Belhassen Trabelsi.
Pour certains observateurs du domaine, ils considèrent que c´est une ouverture de façade et que les libertés restent limitées au Maroc et en Tunisie. Pour preuve, le jeudi 10 juin dernier la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca) au Maroc a décidé de réduire de 5 à 4 ans la licence de la jeune station «Hit radio» et de la mettre à l´amende pour un montant de 70.000 dirhams, suite à des dérapages dans l´émission Le Morning de Momo. Par ailleurs, on découre au Maroc, la radio Sawa. Une station de radio en arabe financée par le gouvernement des Etats-Unis pour fournir une information équilibrée à la jeunesse des pays arabes, le gouvernement américain considérant que les informations disponibles au Moyen-Orient sont partiales. Une station qui ne pourrait jamais exister en Algérie.
Même si l´Algérie n´a jamais opéré d´ouverture dans le domaine radiophonique, la radio algérienne est considérée comme la plus ouverte sur le plan de la liberté d´expression dans la région, (avec des normes tout de même). La radio algérienne avec ses trois stations, domine les ondes dans le Maghreb, notamment en ce qui concerne le sport, le divertissement, l´actualité et le social. C´est la Radio Chaîne III, qui a le plus de succès avec ses émissions cosmopolites.
Même si la radio algérienne ne fait pas dans le vedettariat comme Med1 qui met en avant des noms connus, à l´image de notre romancier Boualem Sansal, la Radio Chaîne III a occupé l´espace depuis une dizaine d´années sur les ondes dans le Maghreb. Les Salim Saâdoun dans la santé et le social, Karim Amiti dans la culture, Mahrez Rabia dans le divertissement, Youcef Saïah dans la littérature, Maya Zerrouki dans l´animation, Nariman Sadouni dans la musique classique et l´art et surtout Djamel Boukercha avec son émission A coeur ouvert ou encore Mehdi, l´éternel, sont suivis par des millions d´auditeurs dans la périphérie du Grand Maghreb. La radio algérienne occupe également la scène internationale, puisqu´elle a été la seule radio dans le monde arabe avec Al Jazeera Net, à diffuser les matchs de l´EN durant la Coupe du Monde. A noter aussi des lumières qui brillent comme des étoiles avec la consécration de Soraya Bouatba, jeune journaliste de Radio Chaîne III qui a décroché le Prix du meilleur reportage de l´Unicef a Beyrouth en 2009 pour son sujet Les enfants d´abord, sur ces enfants du Sud qui n´ont jamais vu la mer.
La force de la radio algérienne et principalement de la Chaîne III, c´est surtout sa jeunesse, la continuité et la maturité intellectuelle et professionnelle de ses éléments.
A cela s´ajoutent la notoriété et le savoir-faire des responsables de la radio algérienne à l´image du Directeur général de l´Enrs Tewfik Khaladi, ou encore de Chadli Boufaroua, directeur de la radio la plus écoutée dans la région: la Chaîne III et de sa directrice des programmes, Malia Behidj, qui a présenté il y a quelques jours avant tout le Maghreb, la grille de l´été et du Ramadhan de la Chaîne III, qui aspire à occuper désormais une place de choix dans le paysage radiophonique des Maghrébins en général et des Algériens en particulier.
