Cet argent qui ne fait pas le bonheur
Le chiffre frappe. Fort. Cent milliards de dollars de réserves de change avant la fin de l´année. Cinq dans l´oeil de Satan. Et dans le même temps, il y a cette précarité qui touche encore des millions d´Algériens, qui vivent sous le seuil de pauvreté.
C´est terrible.
Un matelas de 100 milliards de dollars, brandis comme un talisman, des infrastructures pharaoniques (dont l´autoroute Est-Ouest) qui sont censés sortir l´Algérie du sous-développement en matière de communication et de transport, et dans le même temps, on vit cette période coincée, pincée, où la promiscuité le dispute à l´entassement dans des boîtes de sardines.
Hallucinant.
Si des rats dévorent un Algérien vivant, au vu et au su de tout le monde, et surtout des autorités, on se demande tout de même où passent ces 100 milliards de dollars.
On nous parle d´un programme d´un million de logements on ne sait plus à quel horizon.
Mais des Algériens de quarante ans ne peuvent pas se marier et sont condamnés au célibat...endurci tout simplement parce qu´ils n´ont pas trouvé un bout de toit. Quelques tuiles au-dessus de la tête pour s´abriter de la pluie et du soleil. Protéger leur intimité, faire des mioches, les élever, les éduquer, leur donner un but dans la vie.
On nous parle d´hôpitaux, d´écoles, de développement du Sud, de routes, mais des Algériens font de la mendicité devant les pharmacies parce qu´ils n´ont pas de quoi acheter les médicaments, des écoliers s´entassent à 45 dans des salles de classe, des nids-de-poule, des crevasses et des trottoirs défoncés sont le spectacle quotidien des citoyens, et des habitants de In Salah meurent en été de chaleur, parce qu´ils n´ont pas de quoi se payer un climatiseur ou parce que la baisse de tension est devenue plus que récurrente.
La corruption, la bureaucratie et la mauvaise gouvernance, qui ne sont pas des vues de l´esprit, sont tellement entrées dans les moeurs que rien n´arrive plus à les décarcasser.
Les discours démagogiques ne sont là que pour voiler la réalité.
On savait que l´argent ne fait pas le bonheur. Mais là, c´est la réalité qui dépasse la fiction. Non seulement il ne le fait pas ce bonheur, mais il fait pis: il provoque la misère et la précarité: des couches populaires de plus en plus déshéritées, fragilisées, exposées aux vents mauvais, aux maladies d´un autre âge, à la flambée des prix, à la malnutrition, à l´envie de partir ailleurs. Ce que font des milliers de clandestins. Ou harragas.