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Théâtre

«An Zul» ovationnée à Bouira

La pièce sera jouée au TNA les 5 et 6 avril prochains, puis en tournée à travers le territoire national.

La scène est immense, d'autant plus qu'un seul rôle s'y joue, celui d'une jeune fille orpheline Kinza. Et tel est le talent de cette jeune fille d'apparence frêle, qu'à aucun moment la scène n'a paru vide.
De l'autre côté, la salle, immense aussi, puisqu'elle peut accueillir mille spectateurs, n'est pas pleine ce soir.
À quel moment l'a-t-elle été, d'ailleurs? Sauf quand elle accueille les grandes stars. Et depuis le Covid-19, la foule est partout clairsemée. Mais comme la comédienne en face, l'enthousiasme qui déborde des quatre coins donne le sentiment qu'elle est comble. C'est que, dans ces circonstances, ce que l'on perd en nombre, on le gagne en intérêt, en passion, en joie et en jubilation. Et cette ambiance enthousiaste qui enveloppe la salle, ce soir, est comme une acclamation lancée à la jeune comédienne à poursuivre son jeu et sa carrière. Sans cela, malgré son grand talent, comment aurait-elle tenu pendant près d'une heure et demie? Car la pièce qui s'intitule «An Zul» dure exactement 1h20.
Une gageure, quand pour tenir la salle en haleine, on n'a que sa voix qui joue sur un seul registre, le tragique. Même quand il y a du rire et l'actrice toujours égale à elle-même dans ce psychodrame enlevé ne s'en prive jamais-, l'accent, lui, reste intensément, terriblement tragique. Oui, il y a du drame, de la tragédie dans cette pièce, et les tombereaux de mots qui se déversent sur la scène, et les rires démoniaques qui éclatent ici ou là de façon inattendue, et les chants qui alternent avec le discours, pour en briser la monotonie, et la danse même et les contorsions acrobatiques n'ont qu'un but: créer l'illusion du mouvement dans le récit. Il y a une dynamique, en effet, et cette dynamique tient lieu d'action dramatique. Mais qu'essaie de raconter Kinza?
Son drame à elle. Un jour, dans son village, un groupe de terroristes y effectue une incursion qui se termine par l'assassinat du père de Kinza. Comme elle n'a que ce père, elle est inconsolable et est condamnée à vivre dans une profonde solitude. Que faire dans ce cas pour la meubler et échapper aux fantômes du passé qui la poursuivent jour et nuit?
Le père auprès duquel elle aurait trouvé protection et affection n'est plus. Et malgré tous ses continuels et lancinants appels, et malgré tous les espoirs qu'elle fonde sur son retour, celui-ci demeure injoignable.
Par contre, les balles qui l'ont tuée sifflent toujours à ses oreilles et leurs détonations prennent une ampleur cauchemardesque. Seule la voix du grand-père qui se matérialise sous la forme d'un vieillard bossu vétu d'un burnous et portant une barbe aussi blanche, se fait entendre deux ou trois fois, enveloppé et lui enjoignant de se remettre debout, car à ce moment, Kinza, parterre, les yeux fermés, menace de ne plus se relever. Or Kinza se souvient qu'enfant, elle avait une compagne de jeu. Cette compagne s'appelle Loundja. Sa poupée préfére qui dort dans une malle. Vite, elle court la chercher, ouvre ce meuble, l'en sort et va la faire asseoir sur un siège, à l'autre bout de la pièce. Puis se tournant. vers elle, commence à lui parler.
Parler, c'est se confier, c'est partager. Cela allège le coeur et l'âme du poids du malheur. Il y a du plaisir ainsi. Kinza se sent proche de quelqu'un, d'autant plus réconfortant par sa présence que l'autre écoute, même s'il ne répond pas. Et c'est comme pour l'amener à entamer avec elle un dialogue qu'elle se livre à un monologue échevelé. Elle tient un fil qui, comme celui d'Ariane, peut la sortir de ce labyrinthe de ténèbres, de deuil, de souffrance morale. D'où ces sautes d'humeur auxquelles le spectateur assiste depuis qu'elle parle à «quelqu'un».
Tantôt câline, elle s'adresse avec douceur à la poupée de chiffon, allant jusqu'à s'asseoir à côté d'elle et la prendre dans ses bras, tantôt fugitive, elle l'emporte sur son dos et part en courant, tantôt, enfin, calmée, elle la rasseoit sur un autre siège et ayant retrouvé ses esprits, se met à lui parler sur un ton apaisé et amical. Soudain, dans cette accalmie, on entend l'aboiement d'un chien. Celui-ci est sensé annoncer l'arrivée de quelqu'un-celle du père. Alors, oubliant sa poupée, folle d'espoir, elle s'élance vers la porte.
Loudja, Loudja, c'est papa! Mais la porte ouverte, il n'y a rien dehors que la nuit et le vent. Va-t-elle devenir folle?
Passer sa vie à raconter son éternel martyre devant une poupée qu'elle avait abandonnée il y a longtemps, quand se sentant devenir adolescente, puis adulte enfin, elle a compris que le temps où l'on joue avec les poupées, où on leur parle comme à la soeur ou à l'amie qu'on n'a pas eue et qu'on voudrait tellement avoir, est définitivement révolu?
Dieu ayant pitié d'elle, lui fait soudain prendre conscience de sa personnalité, de sa dignité de femme et de sa place dans le village. Alors les souvenirs traumatisants s'estompent, la douleur disparait, la lumière revient et les fantômes reculent, reculent. C'est le triomphe de la raison sur la démence. Alleluia! Kinza est sauvée!
Une fois de plus le succès de cette pièce, écrite et mise en scène par Nordjaï Allèche, se confirmait à Bouira. La si talentueuse Kinza, qui n'est autre que Nacira Benyoucef, également scénographe avec Amar Larbi et Kaci Ferhat pour la musique a rempli avec brio son contrat jusqu'au bout.
La pièce sera jouée au TNA les 5 et 6 avril prochains, puis en tournée à travers le territoire national, selon le régisseur Nacer Terad.
La troupe Ithran de Takerboust s'est déjà produite à Béjaïa où elle a été longuement ovationnée.

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