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«R.M.N.» (Christian Mengiu)

«L’esthétique, c’est aussi une question d’éthique»

Un film puissant qui montre avec l’intelligence du cœur les effets toxiques du « vivre entre nous seulement ».

On avait crû que la chute du mur de Berlin, en 1989, avait rabattu les cartes... Les dernières irruptions populistes au niveau de certains États de l'ancien bloc de l'Est, ont tôt fait de prouver le contraire. Mais on ne pouvait imaginer que les choses avaient atteint un tel niveau de gravité. Et dans «R.M.N.» Christian Mengiu démontrera avec une rare lucidité la gravité de la situation. RMN en roumain veut dire IRM et c'est donc une véritable Imagerie par résonnance magnétique balance à la face du public de la Croisette, Mengiu en filmant ce «délitement de ces illusions européennes» (Kundera dixit).
Avec «R.M.N.», Mengiu poursuit donc sa radioscopie de sa Roumanie natale, où existe «le maximum de diversité sur le minimum d'espace» (Kundera toujours), déjà entamée avec «4 mois, 3 semaines, 2 jours» (Palme d'or, 2007), «Au-delà des collines» (Prix du scénario et de l'interprétation féminine, 2012), «Baccalauréat» (Prix de la mise en scène, 2016). L'enfant terrible du cinéma roumain débarque donc à Cannes avec «R.M.N». Une oeuvre uppercut qui mettrait un ours des Carpates, K.-O. debout et il y en a des plantigrades dans cette région! «Dans un petit village des montagnes de Transylvanie, un gamin traverse la forêt pour aller à l'école. Hors champ, quelque chose l'effraie au point qu'il va se murer dans le silence, n'osant mettre des mots sur ce qu'il a vu. C'est alors que son père, suite à une altercation avec un collègue qui l'ayant traité de gitan dans l'abattoir où il travaille en Allemagne, revient prématurément chez les siens. Le mutisme de son fils l'exaspère, tandis qu'il préfère à sa femme une ancienne maîtresse, qui se trouve être la responsable opérationnelle d'une boulangerie contrainte, faute de main-d'oeuvre locale, de faire appel à des travailleurs sri-lankais...» Et pour les racistes de Transylvanie, un Tamul est un «arabe-musulman», donc à éviter le plus possible. Et le pain qu'ils fabriquent n'est pas consommable. Fernand Raynaud et son sketch «J'aime pas les étrangers» n'a pas dû franchir le rideau de fer, à l'époque de sa sortie... Un film puissant qui montre avec l'intelligence du coeur les effets toxiques du «vivre entre nous seulement». Pour ce faire, le cinéaste procède tel un lanceur de galets au ras de l'eau, produisant les mêmes cercles, dans lesquels il «coincera» Roumains, Allemands, Hongrois, (les gitans sont aussi là, mais à part) pour essayer de les faire coexister dans le giron d'une communauté nationale, mal à l'aise dans son quotidien et qui trouvera, momentanément, son exutoire, ces Sri-Lankais ramenés pour faire le pain qu'ils auront du mal à avaler...Une démarche, qui n'a rien de philanthropique ou d'humanitaire. Il n'y a plus de «bras roumains» pour travailler sur place, en recrutant donc des employés extra-européens, pour faire tourner leur boulangerie industrielle, ils espèrent obtenir plus de subventions de l'Union européenne. Mengiu tira avec la sonnette d'alarme sur les dérives présentes et qui vont s'amplifier à l'avenir. En un seul plan séquence, de 28 minutes, dans lequel il réunit les habitants du village, à des fins d'exutoire, pour leur faire déverser leur trop-plein de racisme, de haine de l'Autre, et sûrement de soi, en fait... Un plan-séquence qui rappelle que l'esthétique est aussi une question d'éthique. Un premier résultat: dans la salle, le malaise est plombant, chacun se sent un peu responsable de laisser traîner sur des miettes de ce pain, de la haine. 

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