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«Abehri» de Lounis Ait Menguellet

La raison d’exister sans conditionnement

Littéralement, «Abehri» veut dire une brise, un air, un vent doux. Le contexte durant lequel le texte a été écrit et publié, en 1983, nous amène à convoquer la situation politique et sociale du pays en ce temps-là.

Le poème «Abehri» fait partie d'une cassette-audio intitulée «À mmi» (Mon fils) éditée en 1983. Les thématiques abordées dans cette cassette sont liées à la vie et au «fonctionnement» social de notre société. Le poème «À mmi» dénonce le machiavélisme et l'hypocrisie du pouvoir, ‘'Tayri'' jette un regard rétrospectif sur les années d'or du poète et ‘Abehri'' que l'on essaie de comprendre à travers un angle de vue qui s'y prête.
Littéralement, Abehri veut dire une brise, un air, un vent doux. Le contexte durant lequel le texte a été écrit et publié, en 1983, nous amène à convoquer la situation politique et sociale du pays qui faisait face à des évènements étouffés durant le règne de Boumediene, mais qui refont surface en ce début des années 1980. En effet, le courant islamiste revient ouvertement sur la scène publique. Les partisans de ce courant commencent à se pavaner de manière arrogante. N'est-ce pas en cette période qu'ils ont assassiné Kamal Amzal (2 novembre 1982)?. C'est en cette période, qu'ils ont squatté les caves d'immeubles, les rez-de-chaussée des bâtiments des cités universitaires, organisé, souvent de façon musclée, des salons de livres subversifs, au grand dam des services de l'Etat.
Abehri est justement ce courant qui gangrène la société, en conditionnant les comportements, en prenant en otage l'institution scolaire et en condamnant toute autre réflexion éprise de raison et d'objectivité.
Lorsque la Raison a déserté les esprits, les citoyens cherchent un refuge et un soutien moral. Dans ces situations qui pourraient être détricotées par eux-mêmes, ils épousent, par peur et par carence d'instruction, l'idéologie qui leur a été proposée et la défendent comme étant la vraie et la révélée. Le poète dénonce cette situation où les mis en cause doivent se décider, réfléchir, mais ils font cependant appel à un maitre à penser et à ceux qui les ont conditionnés ou qui pensent à leur place, d'où le désarroi et la déception.
Les quêtes auxquelles ils sont exposés sont empreintes de fatalisme et la recherche du ‘'Messie''. Les réponses reçues vont justement à l'encontre du conditionnement sociétal et tentent de choquer les personnes pour les appeler à compter sur elles-mêmes et non sur ceux qui les enveloppent et qui les drapent dans des discours irraisonnables. Ce texte me rappelle quelque peu le roman de Khalil Gibran, intitulé ‘'Le Prophète'' où tout commence sur le quai d'unport lorsque le Prophète décide de partir, de quitter cette ville où il a passé douze années. Durant cette attente, la foule le questionne sur des sujets de société. Le Prophète répond par des phrases concises, des mots pesés, pleins de sagesse et de philosophie. Dans ce poème Abehri, Lounis fait une quête de la Raison tout comme dans «Le Prophète» de Khalil Gibran qui assène à ses interlocuteurs: «Votre raison et votre passion sont gouvernail et voiles pour votre âme navigante. Si les voiles et le gouvernail se brisent, vous n'aurez d'autres choix que de vous laisser balloter et flotter à la dérive.». Parce qu'ils sont désemparés, au moment où le Maitre à penser les quitte, il répond: «Vous priez dans votre détresse et à l'heure de votre besoin. Puissiez-vous aussi prier dans la plénitude de votre joie et aux jours de l'abondance...» et aussi: «Celui qui revêt sa moralité seulement comme habit de fête ferait mieux de rester nu.». C'est ce style que le poète a adopté pour répondre à ces citoyens, qui ne croient qu'en Lui pour les inciter à réfléchir d'eux-mêmes car leur déception est totale au moment où il les quitte. Ce courant se montre dévastateur et au final stérile car plus de raison aurait suffi pour se départir de cette situation de dépendance dont ils sont victimes. Laissons le poète dire les choses et écoutons le dialogue plein de sagesse et de philosophie dans lequel il leur dit que le compter sur soi est plus important que l'addiction qui consiste à sous-traiter le cerveau pour calquer ce que font les autres qui, peut-être, n'ont rien de plus qu'eux:


Les citoyens
Ô!¨Courant révélé
Dis-nous qui es-tu?
Le Courant
Comment est-ce que vous ne me connaissez pas
Vous tous croyez en moi
Et je ne suis que votre création
Vous m'avez inventé
Lorsque vous étiez embarrassés
Perdus quand vous l'êtes
À moi vous vous adressez
Moi-même n'y peut rien
Autant que moi vous êtes instruits
Incapable de faire, je le suis
Qu'il soit facile ou difficile

Les citoyens
Ô! Courant révélé
En toi, nous croyons

Le Courant
Si vous croyez en moi
C'est qu'une fêlure
Est encastrée dans votre cerveau

Quiconque croit en moi
Ne se fait que du tort
Le mal vient de vous
Et ses racines vous les irriguez
De tout ce qui vous affecte
Vous en êtes responsables
Le mal se retourne contre vous
Et reprend sa place
Les citoyens
Ô! Courant révélé
Où est la Lumière?
Le Courant
ÀA son illumination vous êtes endormis
Et durant les ténèbres vous vous réveillez
La Raison vous l'avez travestie
Devant les rayons de lumière
Vous cherchez les ténèbres
Devant le noir de la nuit
Vous recherchez la lumière
Ce que vous voulez
Vous ne l'avez pas encore cerné
Même s'il est en face de vous
Vous en êtes aveuglés
Les citoyens
Ô! Courant révélé
Tu es notre protecteur

Le Courant
Celui qui croit à ça
Déçu il sera
De ce qui lui arrivera
Celui qui croit à ma protection
N'est qu'un malheureux inconscient
À chaque fois qu'il croit lutter pour son bien
Il rate ses objectifs
Quiconque croit en ma protection
Est comme qui construit sans fondation
Son oeuvre s'écroule sur lui
Et anéantit toute sa suite
Les citoyens
Ô! Courant révélé
Vous avez brouillé les voies

Le Courant
Quiconque a rêvé avoir atteint son objectif
Déçu il est, à son réveil
M'impute la responsabilité.

(*) Traduction du poème Abehri en français par l'auteur de cette note

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