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«Nouvelle Algérie »

Dans le sens de l’histoire

Les évènements du printemps 2019 sont la clé de voûte d’une nouvelle étape qui s’est alors amorcée à partir d’une tension collective.

Les spéculations murmurantes qui entourent l'élection présidentielle anticipée du 7 septembre 2024, rendent nécessaire un exercice de clarification et de mise en perspective de ses ressorts et de ses implications opérationnelles. En quoi consiste la préoccupation de fond? Quel rapport avec l'Histoire? Et quelles sont les entraves qui sont de nature à contrarier une accélération de la marche dans l'étape d'après cette date? Sur le fond, c'est sans conteste l'impact de la fin du monde d'avant-1989 qui a fait émerger un peu partout la nécessité du «changement». Pour ce qui la concerne, l'Algérie a adopté dans ce sens une démarche dont la logique d'ensemble s'est orientée vers la gestion de ses problèmes les plus pressants et de ses crises internes. Mais elle ne semble pas avoir vu venir celle de 2019 qui a emporté le pouvoir en place, faisant apparaître aussitôt une autre approche fondée sur la notion de «Nouvelle Algérie».

Une étape neuve, une longue marche sur l'avenir
C'est une étape neuve dans l'histoire contemporaine du pays qui fait suite à d'autres étapes lourdes de sens sur un cheminement vers des temps plus cléments. La première de ces étapes a été marquée par les revendications formulées face au système colonial. Elle a été suivie par celles de la Révolution, l'indépendance, l'édification, les ruptures et brutalités de la fin du siècle écoulé, puis le relèvement qui s'en est suivi à la faveur de diverses mesures et programmes d'équipement. Le concept de la «nouvelle Algérie» lancé en décembre 2019 par le chef de l'État concentre toutes les attentes des Algériens. Il véhicule également un idéal renouvelé pour un peuple qui aspire fortement à un avenir meilleur. Aussi, la question se pose de savoir s'il s'agit d'un signe de circonstance émis hâtivement à des fins électoralistes, ou bien d'un vrai principe d'action doté d'une réelle légitimité. Quatre éléments de contexte indiquent qu'il s'agit bel et bien d'une formule vouée à solutionner de vrais problèmes. Ces éléments sont:
1- une situation marquée par l'engrenage de la décadence avérée des moeurs politiques et administratives au sein d'une société exténuée par une longue marche forcée, semée d'épreuves et alourdie par les ratés survenus en cours de route dans la gestion des affaires publiques;
2- une ambiance d'après-crise où, malgré des mesures récentes d'ordre social, les individus de tout âge ont le moral en berne et peinent à envisager l'avenir avec optimisme;
3- un moment propice à une plus grande intégration au coeur de l'agenda politique d'une approche régénératrice tous azimuts. Autant dire que le concept de la «Nouvelle Algérie» est d'autant plus lourd de sens qu'il enfouit ses racines dans un passé édifiant où se mêlent des mécomptes et des accomplissements gorgés de leçons.
À ce propos, voici tout juste cent ans que, en juillet 1924, l'Émir Khaled (1875-1936), petit fils de l'Émir Abdelkader, avait mis précisément le cap sur un nouvel horizon pour le pays. Dans deux conférences mémorables données à Paris, son lieu d'exil, il dressa un bilan effarant de 94 années (1830-1924) d'asservissement subi par les populations algériennes. Avant cela, en 1919, il appela le président américain Wilson à inclure dans la mise en oeuvre de ses 14 conditions de paix mondiale «l'affranchissement de tous les petits peuples opprimés». Et en juin 1924, ce précurseur du Mouvement national adressa au chef du gouvernement français une liste d'une dizaine de doléances où il exigeait de «faire cesser l'injustice» faite aux Algériens. C'est ainsi que fut donné le signal d'une longue marche sur l'avenir à travers un chemin ardu qu'emprunteront les générations héroïques des quatre premières décennies du XXe siècle. Ces générations pures et vaillantes féconderont de leurs idées, puis de leur sang, les sillons de l'émancipation.

Une histoire et une psychologie nouvelles
Après avoir attendu vainement des réformes sérieuses qui ne venaient pas, elles ont fini par subordonner le changement réclamé à une entreprise carrément révolutionnaire. Celle-ci prit son envol suite aux massacres de mai 1945 perpétrés à Sétif, Kherrata et Guelma par l'armée coloniale, ainsi qu'à l'insuccès du statut organique de l'Algérie voté par le Parlement français (loi du 20 septembre 1947). Puissantes générations surgies d'une réalité effarante qui poussa à une recherche éperdue des lois d'avenir pour une société déterminée à rompre ses chaînes et à vivre libre. C'est de cette manière en tout cas que les Algériens firent leur entrée dans une histoire et une psychologie nouvelles. Ils le firent par la hardiesse de la pensée et la créativité de l'action, soutenus dans leur élan par l'espérance et la patience, la ténacité et l'assiduité, l'engagement et la foi. Au bout du chemin, un État national vit enfin le jour en terre algérienne. Il empruntera à son tour une route encore plus rude où il eut à connaître des heures de gloire et des périodes de reflux, des avancées et des incohérences, des succès et des échecs, des temps sereins et des moments dramatiques. À l'instar de tous les nouveaux États, le nôtre a dû établir ses propres règles d'organisation et de fonctionnement qui ont évolué au gré de la volonté des hommes et des rapports de force. Comme eux, il a accumulé une expérience qui a permis à des masses trop longtemps privées de culture politique d'entrer en contact avec la grammaire et le vocabulaire de la pratique du pouvoir et de faire ainsi l'apprentissage de la vie étatique, avec ses normes, ses conventions, ses usages, ses rites, son langage...et aussi ses enjeux, ses protagonistes, ses contradictions, ainsi que ses étourdissements et ses manquements. C'est pour faire face aux défaillances apparues au fil du temps, depuis 1962, que les imaginations se sont emballées à diverses reprises afin de concevoir réformes, programmes, plans d'action et autres révisions constitutionnelles. Chacun à sa manière, les protagonistes concernés ont tenté d'améliorer les choses. Puis vinrent les évènements du printemps 2019. Clé de voûte d'une nouvelle étape qui s'est alors amorcée à partir d'une tension collective, ces évènements postulent dans leur principe un rebond à travers une orientation vers de nouveaux buts. Au moment où ces lignes sont écrites, un siècle se sera donc écoulé depuis le signal du départ donné par l'Émir Khaled à ses éminents continuateurs qui, pour ce qui les concerne, ont carrément accéléré le pas vers une destination qui ne relevait plus du mythe: celle de l'indépendance. Pas décisif sur la voie conduisant à l'édification d'un État stable et prospère, cette indépendance a fini par advenir, permettant à la communauté nationale de poursuivre tant bien que mal sa progression. Elle s'apprête, aujourd'hui, à franchir une autre étape avec l'élection présidentielle de septembre 2024 qui va se tenir dans un climat où l'Algérie a retrouvé son calme, mais où les problèmes accumulés lui imposent plus d'efforts. Aussi, cet évènement doit-il être apprécié non pas à l'aune des spéculations qui l'entourent, aussi légitimes soient-elles, mais sous l'angle des enseignements qui seront tirés de l'impressionnant cheminement national 1924-2024, c'est-à-dire en remontant chaque fois aux antécédents pour prendre du recul, tout en concentrant l'attention sur un but essentiel. Celui-ci consiste à moderniser l'État et à doter le pays de tous les éléments de la puissance sans lesquels il ne pourrait affronter ni les enjeux de notre époque ni les incertitudes géopolitiques et les défis qu'elle pose. L'évènement du 7 septembre 2024 est en tout cas un moment ad hoc pour donner une impulsion énergique aux structures de l'administration publique, aux textes et aux hommes qui les animent avec pour finalité le service de l'économie nationale et de la société. Il est donc propice à un passage au crible, en vue de leur traitement, des symptômes de ce qui ne fonctionne pas comme il le devrait. Au vrai, ces symptômes qui sont communs à la plupart des pays en développement, se révèlent pour l'essentiel dans les modes de fonctionnement de nos institutions, leurs stratégies, leur organisation et leurs méthodes de travail. Ils se traduisent par de sérieuses contraintes que nos gouvernants eux-mêmes ont souvent pointées du doigt et auxquelles se heurte en cette phase cruciale la mise en oeuvre de l'idée pérenne de «Nouvelle Algérie». Il s'agit des six entraves ci-après:
1-une érosion manifeste de la confiance des citoyens envers leurs administrations et leurs élus;
2- une crise d'efficacité avérée des organismes publics;
3-une montée en puissance de l'abstentionnisme électoral;
4-un recul croissant du droit devant le favoritisme, le clientélisme et le pouvoir ascendant de l'argent;
5-un affaissement indéniable du militantisme dans les organisations partisanes et autres;
6- un désengagement et une démobilisation troublants des éléments talentueux de la société. Autant d'imperfections impossibles à dissimuler et qui sont au coeur des enjeux les plus urgents de la «Nouvelle Algérie». En vérité, leur correction relève d'une approche collective qui dépend d'une triple résolution d'ordre éminemment politique:
1- sonner le rappel des troupes et susciter le resserrement des rangs;
2- rompre les cloisons étanches qui divisent;
3- mettre en exergue la supériorité de l'effort collectif, de la solidarité, de la discipline, et donc de l'unité d'action dans le cadre d'un État rassembleur. Car, les transformations enregistrées par l'Algérie depuis 1989 ont tellement amplifié les facteurs de dissociation, de clivage et d'agitation qui affaiblissent l'énergie de la nation que celle-ci ne pourra plus s'accommoder de nouveaux flottements dans son cheminement. Dans le même temps, un pays ayant mis des siècles à former un État national qui a failli s'effondrer en peu d'années sous l'effet de la folie des hommes, est fatalement obligé de se fier pour son épanouissement non pas aux abstractions des théories politiques, mais à ce qui engendre des résultats utiles. Il s'agit principalement, en l'occurrence, dans l'étape qui va s'ouvrir sur le long chemin que le pays a emprunté voici bien longtemps, de l'éveil de la conscience nationale, de la consolidation des institutions et de leur efficacité. Car c'est par ce passage obligé que peut s'enclencher une triple mutation, déterminante pour l'avenir:
1- une mutation du comportement de l'État envers ses citoyens;
2- une mutation du comportement des citoyens envers leur État;
3- une mutation du comportement des entrepreneurs par rapport à la véracité de l'acte économique.

*Membre du Conseil de la nation

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