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Tahar Khalfoune, juriste, à L’Expression

L’Histoire Algéro-Française est enchevêtrée

Tahar Khalfoune est juriste et enseignant à l'université de Lyon. Il revient dans l'entretien qu'il nous a accordé, sur le rapport Stora et ses implications sur la question des archives de la colonisation...

L'Expression: La «déclassification au carton» que mentionne le récent communiqué présidentiel ne change pas grand-chose et continuera à entraver les recherches, à en croire certains spécialistes. Qu'en pensez-vous?
Tahar Khalfoune: Suite aux préconisations du rapport Stora, le président Macron a autorisé, par la circulaire du 9 mars dernier, le service des archives de déclassifier à partir du 10 mars les documents classifiés de plus de 50 ans couverts par le secret-défense suivant le procédé de «démarquage au carton» afin de faciliter aux chercheurs l'accès aux archives contemporaines classées, notamment celles de la guerre d'Algérie. Précisons, toutefois, que des historiens, archivistes, chercheurs ont protesté pendant plus d'un an contre l'instruction générale interministérielle n° 1300 du 30 novembre 2011 exigeant que le procédé de déclassification ne soit plus automatique à l'expiration du délai de 50 ans, mais après examen de chaque document, alors que la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives autorise la communication des archives y compris celles classées secret-défense, après expiration dudit délai.

Pourriez-vous être plus explicite?
A priori le choix du procédé de «démarquage au carton» s'explique par la volonté d'alléger la lourdeur de la procédure de déclassification par document qui présente l'inconvénient de prendre beaucoup de temps, car il existe des milliers de kilomètres de documents d'archives dont le tri mettra sérieusement à mal les ressources humaines de la conservation des archives. Cela étant, ce procédé est certes, une avancée, mais il est insuffisant à surmonter toutes les difficultés d'accès aux archives, ce qui entrave naturellement l'avancée de la recherche sur l'histoire. Mais si l'hypothèque politique venait à être levée de part et d'autre, les archives devraient pouvoir circuler librement grâce aux avancées technologiques de la numérisation. Pour autant, les difficultés d'accès aux archives ne concernent pas uniquement la France, cette difficulté se pose avec plus d'acuité en Algérie, la lettre ouverte adressée au chef de l'État le 25 mars dernier lui demandant de mettre fin à toutes les entraves bureaucratiques qui empêchent aux historiens et autres chercheurs l'accès aux Archives nationales le montre à suffisance. La mainmise de la drection nationale des archives sur les documents relatifs à la colonisation et à la guerre d'indépendance empêche sérieusement l'avancée de la recherche en histoire, décourage les chercheurs et rend du coup la demande officielle de rapatrier les archives se trouvant en France absurde si les historiens ne pourront pas y accéder.

Qu'en est-il de l'inventaire des colloques organisés et des livres publiés, des films réalisés...etc au sujet de la guerre d'Algérie du côté de la France comparativement à l'Algérie?
Il est difficile d'établir ici un inventaire exhaustif de tous les forums, conférences, colloques, séminaires, documentaires, films, articles dans la presse, émissions de tv, thèses, livres... organisés ou réalisés en France sur la guerre d'Algérie ou plus généralement sur l'Algérie tant il est vrai que ces rencontres et réalisations sont fort nombreuses. En ce qui concerne les colloques et rencontres, l'on peut citer sommairement le colloque organisé à la Sorbonne en mars 1992, conjointement par la Ligue de l'enseignement, l'Institut du Monde arabe et l'Institut Maghreb-Europe «La mémoire et l'enseignement de la guerre d'Algérie». La tenue en 1995 d'un colloque sous le thème «juger en Algérie», sous l'égide de l'École nationale de la magistrature. Le colloque de décembre 1997 tenu à l'IUFM de Lyon avec la collaboration de l'université Jean Moulin Lyon 3, l'université Lyon 2 et la maison de l'Orient méditerranéen sur le thème «La crise algérienne: enjeux et évolution». Le colloque organisé en mars 1999 par l'université de Nancy 2 sur «Les représentations culturelles et politiques dans la société algérienne d'hier et d'aujourd'hui». Le colloque de deux jours organisé en octobre 2002 à la Bibliothèque nationale de France conjointement par l'Association française pour l'histoire de la justice, la Mission de recherche droit et justice et la Bibliothèque nationale de France, avec le concours du service des archives du ministère de la Justice «Droit et Justice en Algérie XIXème et XXème siècles»Le colloque à la Sorbonne en novembre 2002 avec la contribution de 40 chercheurs, en l'honneur de Charles-Robert Ageron «La guerre d'Algérie au miroir des colonisations françaises». Le colloque à l'ENS Lettres et sciences humaines de Lyon: «Pour une histoire critique et citoyenne, au-delà des pressions officielles et des lobbies de mémoire, les 20, 21 et 22 juin 2006, organisé par les deux historiens Gilbert Meynier et Fréderic Abecassis et qui a réuni 75 chercheurs venus des quatre coins du monde, le colloque organisé au Sénat «Algérie-France comprendre le passé pour mieux construire l'avenir» le 30 juin 2012. Le colloque organisé par le Forsem le 5 avril 2013 à l'École normale supérieure de Lyon sur «L'Algérie d'hier à aujourd'hui: quel bilan?», dont les actes ont été publiés aux Éditions Bouchene, Saint Denis, 2014. Le colloque L'Algérie, organisé au Centre culturel international de Cerisy en Normandie du 13 au 17 juin 2017... la liste est longue. L'on compte des centaines de thèses, près de 4000 livres et une soixantaine de films, sans compter les centaines, voire les milliers d'émissions de TV, de radios...

Depuis quand cet intérêt des Français (chercheurs, étudiants...etc) s'est-il manifesté au sujet de l'histoire commune algéro-française?
Cet intérêt de la société française pour l'Algérie s'est manifesté, notamment depuis la décennie 1990 et la violence terroriste qui l'a ensanglantée. Il tient, d'un côté, au poids du passé colonial et des relations particulières entre la France et l'Algérie, oscillant depuis 1962 entre tensions et détentes. Les deux pays partagent une histoire commune de 132 ans, extraordinairement enchevêtrée, et qui continue aujourd'hui encore de nourrir, de part et d'autre, les mémoires, les suspicions, les rancoeurs, mais aussi les attaches et les rapprochements. De l'autre côté, à la présence d'une forte communauté algérienne en France, car si l'histoire de la colonisation a pris fin en juillet 1962, l'histoire de l'immigration, elle, se poursuit près de 60 ans après l'indépendance.

Kamel Lakhdar Chaouche

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