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LES CHIFFRES DU GROUPE ONT ÉTÉ PASSÉS AU CRIBLE

La face cachée de Sonatrach

Dans cette expertise réalisée pour L'Expression, par un analyste boursier de renommée internationale, on découvre un groupe géant qui évolue en dents de scie.

En lisant les rapports financiers de la Sonatrach établis de 2005 à 2010, on a réussi à avoir une idée sur la situation financière de la Sonatrach même si elle n´est pas approfondie. Nous vous livrons dans cette contribution quelques remarques tout en posant quelques questions. La première chose qui saute au yeux lorsqu'on consulte le site Web de la Sonatrach, on se rend vite compte que le rapport financier de 2010 est incomplet puisque une partie importante n'est pas bien expliquée. Il s'agit notamment du cash-flow et à titre illustratif, on constate que le montant des disponibilités de l´entreprise qui était de 1390 milliards de dinars (21,78 milliards de dollars) en 2008 s´est retrouvé à 975 milliards DA en 2009 et à 1082 milliards DA en 2010. Pourquoi ces différences? Cela demande alors quelques clarifications.
La seconde remarque est que les rapports financiers de Sonatrach ont toujours été contrôlés et certifiés par un commissaire aux comptes qui est un comptable algérien. Certes, il n´y a aucun mal là-dessus cependant, pour plus de crédibilité et son prestige auprès des institutions financières et pétrolières internationales, Sonatrach gagnerait plus à certifier son rapport financier annuel par un cabinet d´audit financier international. Elle a amplement les moyens de s'offrir la certification des grandes références comme Kpmg ou Deloitte & Touch. C'est d'ailleurs dans ce souci de crédibilité que la compagnie pétrolière vénézuélienne certifie son rapport financier chez Kpmg et pourtant, le Venezuela est un pays qui est champion dans le patriotisme économique.
La troisième constatation qu'on relève est qu'il n´y pas un seul rapport financier de Sonatrach qui n´a pas été soumis à un décret d'une nouvelle loi, ou d´un nouveau règlement et ce, de 2003 á 2010. Il y avait la loi sur les hydrocarbures de 1986, ensuite arrivaient les nouvelles lois de 2005 et 2006 secondées par la loi de finances de 2007, suivies de la loi de finances de 2009 et rebelotte. Par-ci le nouveau plan comptable, par-là un décret, etc. Tous ces changements avaient bien évidemment un un impact direct sur le rapport et plus particulièrement sur la fiscalité pétrolière. Tout cela n´est pas sérieux et donne l´image d´un pays instable.

Des investissements pour quoi faire?
En lisant les rapports financiers de Sonatrach de 2005 à 2010, on serait dans notre droit le plus légitime de nous demander à quoi servent les grands investissements consentis par cette compagnie? La logique économique veut qu'une entreprise qui fait des investissements a pour but de créer une croissance des bénéfices. Or, Sonatrach est loin d´obéir à cette logique. Les investissements nets de 2005 se chiffraient à 1446 milliards de dinars et ceux de 2009 signalaient la somme de 2600 milliards de DA. Mais parallèlement à cela, le résultat net de 2005, qui affichait une belle performance (575 milliards de DA) s´est détérioré pour atterrir à 283 milliards de DA en 2009.
Cela ne peut s'appeler autrement que «jeter de l'argent par les fenêtres».
Un des principes fondamentaux de la stratégie de l´investissement s´appelle le timing. Ici, les compagnies cotées à la Bourse de Stockholm respectent ce principe et quand ces compagnies sont face à des horizons incertains (risque d´une récession économique ou autre...) elles freinent leurs investissements, lancent des plans de consolidation afin de préserver leurs trésoreries. C'est exactement le contraire que fait le groupe pétrolier algérien. Malgré la baisse substantielle du prix du gaz naturel en 2009, Sonatrach continue à investir massivement dans ce domaine.

La décadence des résultats
En 2005, Sonatrach était considérée comme l´une des compagnies pétrolières les plus performantes au monde. Oui au monde! Et ce n'est pas un discours démagogique cher au parti unique, mais une vérité économique soutenue et prouvée par des chiffres. La marge d´exploitation Sonatrach en 2005 était de l´ordre de 46%.
La rentabilité financière était de 44% pour une compagnie pétrolière, c´est magnifique! La rentabilité commerciale était de 16%, la rotation des actifs était un Dinar d´actif pour 1,12 DA de chiffre d´affaires, une autonomie financière où le ratio capitaux propres / total passif était de 0,41%.
Un groupe ne peut espérer mieux. Si on reprend ces chiffres et les compare à ceux de la compagnie pétrolière française Total, durant la même année, on découvrira qu´en 2005 Sonatrach était plus performante que cette compagnie française. Après ces belles performances, s'ensuit une terrible décadence des résultats, hélas! Les bénéfices nets du groupe pétrolier algérien stagnaient, s'ils ne chutaient pas comme ce fut le cas en 2009.
Pourtant, l´équipe qui a dirigé ce groupe en 2005 était la même que celle de 2009. On ne peut pas, dans ce cas, parler d'incompétence. Mais le fait est qu'il y a une mauvaise gestion. Nous vous en donnons une preuve formelle avec des chiffres de cette mauvaise gestion du capital Sonatrach et ce durant la période allant de 2006 à 2008.
Avec un chiffre d´affaires de 3460 milliards de DA, Sonatrach a réussi à obtenir en 2005 un résultat net de 575 milliards de DA. En 2008, avec un chiffre d´affaire de 5218 milliards de DA elle avait obtenu un résultat net de 594 milliards de DA et en 2009 pour un chiffre d´affaires de 3532 milliards de DA elle obtient un bénéfice net de 283 milliards de DA.

Les travailleurs de Sonatrach sous-payés
Lorsqu'il y a une revendication salariale en Algérie, pour calmer et convaincre les contestataires, les politiciens et les chefs d'entreprises algériens brandissent deux arguments. Le premier tient au sureffectif de l´entreprise et le second est lié à la faiblesse du taux de productivité. Seulement, dans le cas de Sonatrach, ces arguments ne tiennent pas la route. Pourquoi? Pour les économistes, il faut plutôt tenir compte du ratio des frais du personnel sur la valeur ajoutée et sur le chiffre d´affaires. Dans le cas de Sonatrach et avec les chiffres du rapport de 2008, on a les ratios suivants: les frais du personnel de Sonatrach par rapport à la valeur ajoutée 2% et 1,5% par rapport au chiffre d´affaires et 10% par rapport au résultat net. Pour le taux de productivité (en se référant au rapport financier de 2008), l'ouvrier de Sonatrach a produit 33,56 millions de DA de valeur ajoutée pour l´année 2008 (un chiffre moyen). Ces chiffres et ces ratios montrent qu'économiquement parlant l´ouvrier de la Sonatrach est injustement sous-payé.

Le scandale des placements
Abordons maintenant la partie qui concerne les placements de la Sonatrach à l'étranger. Dans les rapports financiers de 2007, 2008, 2009 et 2010 c´est mentionné dans la partie «titre de participation de la Sonatrach à l´étranger»
La participation de 2,235% du capital de EDP Energias De Portugal qui est une compagnie Gaz-electricité du Portugal, ayant une lourde pondération (la seconde) sur l´indice boursier de la Bourse de Lisbonne au Portugal. En 2007, le groupe algérien avait acheté 87 millions de titres boursiers de EDP pour une valeur de 342 millions d´euros. Face à un pareil placement, on ne peut s'empêcher de porter quelques remarques en se basant sur les rapports financiers de Sonatrach.
D'abord, on a relevé que Sonatrach a mentionné la valeur d´acquisition de ces titres au lieu de mentionner leur valeur sur le marché daté du 31 décembre 2010. La cotation du titre EDP le 31 décembre 2010 à la Bourse de Lisbonne était de 2,36 euros l´action, ce qui veut dire que les 87 millions de titres détenus par Sonatrach valaient 206 millions d´euros.
Soit une perte de 136 millions d´euros le 31 décembre 2011. En regardant le graphe de cotation de l´action EDP et son historique, on a remarqué que Sonatrach avait acheté des titres puissamment surévalués puisque - incroyable mais vrai! - 4 euros représentent un sommet historique de la cotation du titre de EDP, ce vendredi 18 novembre il cotait 2,32 euros. Effarant! Le drame, c'est que personne ne rendra des comptes aux Algériens sur cette perte.

Noureddine LEGHELIEL est analyste boursier à la Banque d´affaires suédoise Carnegie

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