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Hommage de Yasmina Khadra

Adieu Mouloud

Encore une lumière qui s'estompe sous l'éteignoir de Dame Covid, encore un ami qui s'éclipse dans le mirage de nos prières. Que n'ai-je perdu d'êtres précieux en l'espace de trois semaines. Des amis d'enfance, des compagnons d'armes, des parents, mon adorable belle-mère, des personnes que j'aurais aimé tenir dans mes bras et qui se sont dissipées au large de l'insoutenable comme des volutes de fumée. Que nous veux-tu, Dame Covid? Que cherches-tu à prouver, toi qui es venue du bout du monde nous confisquer nos rares quiétudes et nous ravir les êtres chéris? Si tu as la réponse, garde-la pour toi, car aucun argument ne saurait excuser ni minimiser le deuil que tu nous infliges. On m'apprend à l'instant que Monsieur Mouloud Achour est parti, ce matin, emporté par l'effroyable pandémie. Et dire qu'il venait à peine de vaincre le cancer qui le rongeait depuis des mois. Si le sort, souvent, abuse de son ironie, cela ne l'affranchit guère de son absurdité. Mais n'est-ce pas cette même absurdité qui nourrit et nos espoirs et nos désillusions? Mouloud était quelqu'un de bien, un brave homme, simple comme son sourire et d'une grande générosité. Je l'ai connu au début des années 1970, à l'école des Cadets de Koléa, où il nous enseignait le français. À l'époque, adolescent instable, je m'initiais à la littérature pour assagir mes jeunes démons. J'écrivais des poèmes d'amour tristes comme des sanglots et des nouvelles sans héros. Un jour, j'eus le courage de soumettre un de mes textes à M. Mouloud Achour qu'on disait abordable et attentif au Verbe car, lui-même, était un important écrivain. Dans cette école livrée à la rigueur de l'encasernement, il était rare, voire impossible, de trouver une écoute lorsqu'on déclame sa prose, un peu comme un insolé prêchant dans le désert. Pourtant, il m'avait écouté pleinement, M. Achour. Il a été le Premier à m'encourager et à me dire qu'il ne fallait surtout pas, sous aucun prétexte, sous aucune contrainte, renoncer à ma vocation d'écrivain. Le PREMIER, et le SEUL, en ces années-là. Ce fut un honneur, pour moi, de lui avoir dédié «Le Sel de tous les oublis». Un honneur et l'expression de ma profonde gratitude. J'ignore si on repose vraiment en paix lorsqu'on laisse derrière soi des proches et des amis inconsolables. Le chagrin survivra-t-il au deuil? Que garderont les souvenirs de nos peines et de nos joies? Je l'ignore. Ce que je sais est qu'il est des êtres magnifiques qui, à l'instant où ils nous quittent, nous manquent déjà, en particulier de nos jours, dans un monde qui se confine et nous devient de plus en plus étranger. Mouloud Achour restera à jamais un grand monsieur, un grand écrivain et un grand militant des Belles-lettres, une grande figure de la culture algérienne qui s'en est allée porter nos prières au ciel afin que sur terre nous ayons la force de tolérer ce que nous ne pouvons empêcher. Pars en paix, Mouloud. Je prie pour que ta chère épouse Dréfa, qui lutte contre cet abominable virus à l'hôpital, s'en sorte, qu'elle rejoigne au plus vite ta famille à laquelle je présente mes condoléances et mes sympathies les plus sincères.
Adieu, Mouloud. Adieu, sourire bienveillant, adieu l'ami, je t'aimais bien... Dieu! que c'est triste de conjuguer l'amour au passé.

De Quoi j'me Mêle

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