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LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE FACE À SES RESPONSABILITÉS

Syrie: quel choix, la force ou le droit?

Toute action armée contre un Etat souverain sans l'autorisation préalable du Conseil de sécurité relève de l'agression. Cette notion, qui figure dans la Charte de l'ONU, ne fut pas définie en 1945.

Les bruits de bottes qui raisonnent depuis quelques jours dans le bassin occidental de la Méditerranée replongent les pays de la région dans la période des jours sombres. Dans des écrits, certains auteurs s'interrogent sur la légalité d'une action contre la Syrie au regard du droit international. D'autres focalisent sur les armes chimiques en oubliant les autres armes de destruction massive (ADM) que sont les armes bactériologiques ou à toxines dites armes biologiques et surtout les armes nucléaires.

La «responsabilité de protéger»
S'agissant du premier point, on peut affirmer que toute action armée contre un Etat souverain sans l'autorisation préalable du Conseil de sécurité relève de l'agression. Cette notion, qui figure dans la Charte de l'ONU, ne fut pas définie en 1945. La première tentative de définition eut lieu en 1974 lorsque l'Assemblée générale adopta une résolution en la matière, sous la présidence de l'Algérie. Cependant, ce texte n'avait aucune valeur juridique. Par contre, depuis l'amendement du Statut de Rome créant la CPI par la Conférence de révision qui s'est tenue en 2010, à Kampala, l'agression a été définie (1). Désormais, le crime d'agression figure parmi les compétences de la Cour au même titre que le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.
Pour essayer d'habiller du manteau de la légalité leurs interventions militaires contre des pays souverains, les pays occidentaux invoquent le prétexte de la «responsabilité de protéger les populations civiles» qui est une autre appellation du droit d'ingérence humanitaire qui apparut au milieu des années 1960, à l'occasion de la guerre du Biafra (Nigeria). Ce dernier, par ailleurs énergiquement combattu par les pays du Sud, fut considéré comme une simple notion idéologique ne pouvant en aucun cas servir de base à une action armée contre un pays souverain. D'où les efforts entrepris par les pays occidentaux de lui donner une base juridique en l'encrant dans la Charte de l'ONU et autres instruments internationaux.
En septembre 2005, le «Sommet mondial» réuni à New York, à l'occasion de la session annuelle de l'Assemblée générale de l'ONU, consacra trois paragraphes (138, 139 et 140) de son volumineux «Document final» à la «Responsabilité de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l'humanité». Ce faisant, il a simplement énoncé une notion juridique en soulignant (paragraphe 139) que «l'Assemblée générale doit poursuivre l'examen» de cette notion «en ayant à l'esprit les principes de la Charte des Nations unies, (qui rappelons-le est dédiée à la paix) et du droit international. Ceci signifie qu'une fois la notion adoptée, le dossier reste ouvert pour qu'un débat politique en éclaire les différents aspects (ils sont particulièrement compliqués) afin de lui donner une existence doctrinale, politique et même institutionnelle. Depuis 2009, ce processus est en cours au niveau de l'Assemblée générale. En conséquence, «la responsabilité de protéger» n'est pas (encore) une norme juridique susceptible de servir de base à une action armée. Ceci nécessiterait d'ailleurs, une révision de la Charte de l'ONU pour enlever au Conseil de sécurité le monopole de la préservation de la paix et de la sécurité internationales.

Les armes chimiques
S'agissant des armes chimiques, leur emploi par quiconque est inexcusable sous quelque prétexte que ce soit. Cependant, celles-ci sont loin d'égaler en horreur les deux autres armes de destruction massive (ADM) que sont les armes bactériologiques et à toxines dites armes biologiques et surtout les armes nucléaires dont l'emploi à Hiroshima et Nagasaki a démontré le caractère inhumain.
Les armes chimiques sont la première catégorie d'ADM à avoir fait l'objet d'une interdiction totale. La Convention en la matière a été signée à Paris, le 13 janvier 1993 et l'Algérie fut l'un des premiers signataires. Elle est aujourd'hui un instrument juridique international quasi universel. Les pays les plus notables qui n'y ont pas adhéré se trouvent au Moyen-Orient: Egypte, Israël et Syrie.
La situation des armes chimiques contraste totalement avec celle des armes nucléaires dont les arsenaux des Etats dotés desdites armes demeurent bien garnis et font l'objet d'une modernisation permanente qui annule les réductions opérées. Le Traité sur la non - prolifération des armes nucléaires (TNP) est le seul instrument juridique international qui contient un engagement des cinq puissances nucléaires (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) en matière de désarmement nucléaire (article VI du TNP). Ils n'ont jamais accepté de le respecter malgré les pressions incessantes des Etats non dotés d'armes nucléaires, particulièrement les pays du Sud.
Les plus récalcitrants à un désarmement nucléaire irréversible sont les pays occidentaux, ceux-là même qui se proposent de mener une action armée contre la Syrie pour la «punir» d'avoir utilisé des armes chimiques dans une zone limitée. Ils l'ont déjà condamnée avant d'attendre le rapport des inspecteurs de l'ONU qui se trouvent à Damas pour établir les faits (et non désigner les auteurs des attaques chimiques). Cette précipitation jette de sérieux doutes sur leur bonne foi, porte préjudice à la bonne marche des mécanismes onusiens et conduit à se poser des questions sur l'utilité de l'envoi de la mission de l'ONU en Syrie.
Il faut rappeler que la Convention sur l'interdiction des armes chimiques de 1993 interdit formellement le transfert de certains produits chimiques à des entités non étatiques. Or, supposons que les auteurs des attaques chimiques en Syrie ne soient pas les autorités syriennes? Les pays occidentaux se tourneraient alors contre qui? Contre les rebelles? Lesquels? Comment s'y prendraient-ils? On peut supposer que l'empressement de ces pays à mener une attaque armée contre la Syrie sans attendre la conclusion de la mission de l'ONU soit motivé par les craintes de découvrir des choses qui n'arrangent pas leurs desseins. Ceux-ci sont clairs et sont d'ordre géopolitique. Chaque va-t-en-guerre à son propre agenda. Les Etats-Unis veulent garder le monopole sur le Moyen-Orient. La France et la Grande Bretagne cherchent à saisir l'opportunité qui s'offre à eux pour reprendre pied dans cette région d'où ils ont été éjectés en 1956 après la malheureuse expédition de Suez.
Qu'il s'agisse d'ingérence humanitaire, de droit ou devoir d'ingérence, de droit ou devoir d'assistance humanitaire, de devoir de protéger ou encore de responsabilité de protéger, toutes ces notions, volontairement confuses et ambigües, renvoient à une même réalité: l'immixtion d'Etats puissants dans les affaires intérieures d'Etats plus faibles, en violation si nécessaire de leur souveraineté, avec ou sans l'accord du Conseil de sécurité.
En raison de leurs agissements lointains et surtout récents, la crédibilité des va-t-en-guerre est largement entamée auprès de l'opinion publique internationale, y compris auprès de leurs propres peuples. En raison aussi de la sélectivité de leurs interventions: ils interviennent au Kosovo, mais pas en Tchétchénie, en Côte d'Ivoire, en Libye, mais pas à Bahreïn. C'est qu'il y a à la base de l'intervention ou de la non-intervention, soit un rapport de force, soit des intérêts politiques, économiques ou géostratégiques. En raison enfin des dégâts irréparables commis là où ils sont intervenus.
Ceux qui demandent une action armée des pays occidentaux contre un pays souverain doivent méditer cette citation de Mocharrafoddin Saadi (XIIIe siècle) dans «Le jardin des roses»: «Arriver au paradis par le secours d'un autre, c'est passer par les tourments de l'enfer.»

(1) «L'agression est l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations unies».

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